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Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.
Un grand nombre des articles que vous trouverez ici vous présenteront des fiches de lecture concernant les livres indiqués dans les différentes bibliographies relatives aux épreuves écrites.
N’hésitez pas à ajouter vos commentaires, indications et liens utiles.
vendredi 26 octobre 2012
L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée, version 2
dimanche 21 octobre 2012
L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique
L’œuvre d’art à l’époque de sa
reproductibilité technique.
Walter Benjamin
éditions Allia, 2003
L’auteur dresse ici un portrait
critique de la société capitaliste de production et de consommation à grande
échelle. Cette critique s’applique du point de vu de l’art, et plus
particulièrement à travers l’exemple du cinéma – art qui s’adresse aux masses.
C’est dans cette culture de masse, dans cette expansion démesurée de la
technique à tous les niveaux de la société, que la reproductibilité entre en
jeu, faussant notre rapport à l’œuvre originelle, modifiant nos repères et
notre perception, privilégiant finalement la quantité à la qualité.
Enfin, il faut souligner que
cette critique artistique s’accompagne d’une réflexion politique, puisque
l’ouvrage débute par une évocation de Marx et de sa critique du capitalisme, et
s’achève sur une condamnation ferme du fascisme.
p.9, 10
la reproduction d’œuvre n’est pas
une chose nouvelle, on la pratique depuis longtemps mais selon des techniques
artisanales
p.10, 11 « Avec la
lithographie, les techniques de reproduction atteignent un stade fondamentalement
nouveau. Le procédé beaucoup plus direct, qui distingue l’exécution du dessin
sur une pierre de son incision dans un bloc de bois ou sur une planche de
cuivre, permit pour la première fois à l’art graphique de mettre ses produits
sur le marché, non seulement en masse (comme il le faisait déjà), mais sous des
formes chaque jour nouvelles. »
« le dessin put accompagner
désormais la vie quotidienne de ses illustrations. »
p.11
Avec l’apparition de la
photographie, « pour la première fois dans le processus de la reproduction
des images, la main se trouva déchargée des tâches artistiques les plus
importantes, lesquelles désormais furent réservées à l’œil rivé sur l’objectif.
Et comme l’œil saisit plus vite que la main ne dessine, la reproduction des
images put se faire désormais à un rythme si accéléré qu’elle parvint à suivre
la cadence de la parole. »
p.12
1900 haut niveau de reproduction
technique = s’applique à toutes les œuvres du présent et du passé : en
modifie les modes d’action. Et ces techniques de reproduction intègrent
elles-mêmes les procédés artistiques.
p.13
« A la plus parfaite
reproduction il manquera toujours une chose : le hic et nunc de l’œuvre
d’art – l’unicité de son existence au lieu où elle se trouve » (hic et nunc = authenticité)
C’est l’existence unique qui
subit « le travail de l’histoire », qui porte les marques du temps,
le vécu de l’œuvre.
L’authenticité d’une œuvre n’est
pas reproductible.
p.14, 15
Reproduction technique :
indépendante de l’original. La photographie permet de « faire ressortir
les aspects de l’original qui échappent à l’œil ». Les procédés comme le
ralentissement et l’agrandissement permet d’atteindre « des réalités
qu’ignorent toute vision naturelle. »
p.15 « La reproduction
technique peut transporter la reproduction dans des situations où l’original
lui-même ne saurait jamais se trouver. Sous forme de photographie et de disque,
elle permet surtout de rapprocher l’œuvre du récepteur. »
Conditions nouvelles dans
lesquelles peuvent être placées les reproductions : phénomène de
dépréciation de l’original, « ce qui est ainsi ébranlé, c’est l’autorité
de la chose. » p.16
p.17
« On pourrait dire, de façon
générale, que la technique de reproduction détache l’objet reproduit du domaine
de la tradition. En multipliant les exemplaires, elle substitue à son
occurrence unique son existence en série. Et en permettant à la reproduction de
s’offrir au récepteur dans la situation où il se trouve, elle actualise l’objet
reproduit. »
Le cinéma, média de masse possède
un aspect destructeur et cathartique : « la liquidation de la valeur
traditionnelle de l’héritage culturel »
p. 19, 20
Notion de l’aura. « On
pourrait la définir comme l’unique apparition d’un lointain, si proche
soit-il. »
« Rendre les choses
spatialement et humainement « plus proches » de soi, c’est chez les
masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à
déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa
reproduction. »
Idée de possession toujours plus
grande de l’objet, du moins de sa reproduction.
p.21
Destruction de l’aura, de
l’histoire et des particularité d’une chose = standardisation de l’unique.
p.22, 23
« Le mode d’intégration
primitif de l’œuvre d’art à la tradition trouvait son expression dans le culte.
On sait que les plus anciennes œuvres d’art n’acquirent au service d’un rituel,
magique d’abord, puis religieux. Or, c’est un fait de la plus haute importance
que ce mode d’existence de l’œuvre d’art, lié à l’aura, ne se dissocie
jamais absolument de sa fonction rituelle. En d’autres termes, la valeur
unique de l’œuvre d’art « authentique » se fonde sur ce rituel qui
fut sa valeur d’usage originelle et première. »
« Définir
l’aura comme « l’unique apparition d’un lointain, si proche
soit-il », c’est exprimer la valeur cultuelle de l’œuvre d’art en termes
de perception spatio-temporelle. Lointain s’oppose à proche. Ce qui est
essentiellement lointain est inapprochable. En effet, le caractère
inapprochable est l’une des principales caractéristiques de l’image servant au
culte. Celle-ci demeure par sa nature un « lointain, si proche
soit-il ». La proximité que l’on peut atteindre par rapport à sa réalité
matérielle ne porte aucun préjudice au caractère lointain qu’elle conserve une
fois apparue. »
« avec
la sécularisation de l’art, l’authenticité devient le substitut de la valeur
cultuelle. »
p.24
Avec la photographie, l’art subit
une crise et réagit « par la doctrine de « l’art pour l’art »,
qui n’est autre qu’une théologie de l’art. »
Théologie négative, idée d’un art
pur, refus de toute fonction sociale, toute évocation d’un sujet concret (voir
poésie de Mallarmé)
« Pour la première fois dans
l’histoire universelle, l’œuvre d’art s’émancipe de l’existence parasitaire qui
lui était impartie dans le cadre du rituel. De plus en plus l’œuvre d’art
reproduite devient reproduction d’une œuvre d’art conçue pour être
reproductible. »
p.26
« Dès lors que le critère
d’authenticité n’est plus applicable à la production artistique, toute la
fonction de l’art se trouve bouleversée. Au lieu de reposer sur le rituel, elle
se fonde désormais sur une autre pratique : la politique. »
p.30
La reproduction d’une œuvre la
rend plus exposable et plus diffusable = affecte la nature même de l’œuvre qui
se retrouve plus proche de la marchandise que de l’œuvre d’art.
(photographie et cinéma)
p.32
Commentaire sur les photographies
de rues désertes d’Atget (1900)
« On dit à juste titre qu’il
avait photographié ces rues comme on photographie le lieu d’un crime. »
« Les photographies
commencent à devenir des pièces à conviction pour le procès de
l’histoire. C’est en cela que réside leur secrète signification politique.
Elles en appellent déjà à un regard déterminé. Elles ne se prêtent plus à une
contemplation détachée. »
Photographie = indice, preuve,
trace, témoignage = discours sur le réel, la société, l’histoire = portée
politique, discours de l’image.
p.37 à 40
Comparaison entre le comédien de
théâtre et l’acteur de cinéma. Alors que le premier transmet son aura au
personnage joué, et peut adapter son jeu aux réactions du public, le second
voit son jeu réinterprété par le montage, il joue pour la caméra, et son action
est retransmise à un public devenu « expert dont le jugement n’est troublé
par aucun contact personnel avec l’interprète ».
« Pour la première fois – et
c’est là l’œuvre du cinéma – l’homme doit agir, et avec toute sa personne
vivante assurément, mais en renonçant à son aura. Car l’aura est liée à son hic et nunc. Il n’en existe aucune
reproduction. »
p.42, 43
Le jeu de l’acteur de cinéma est
morcelé. « Son rôle, qu’il ne joue pas de façon suivie, est recomposé à
partir d’une série de performances discontinues. »
p.44, 45
La possibilité d’enregistrer et
de transmettre ne transforme pas seulement le travail de l’acteur, mais aussi
celui du politicien qui doit modifier sa parole et sa façon de s’adresser au
peuple qui n’est plus face à lui, mais disséminé à travers le pays, devant
télévisions et postes radio. « D’où une nouvelle sélection, une sélection
devant l’appareil, de laquelle la vedette et le dictateur sortent
vainqueurs. »
p.46
« A mesure qu’il restreint
le rôle de l’aura, le cinéma construit artificiellement, hors du studio, la
« personnalité » de l’acteur. Le culte de la vedette, que favorise le
capitalisme des producteurs de films, conserve cette magie de la personnalité
qui, depuis longtemps déjà, se réduit au charme faisandé de son caractère
mercantile. »
p.47, 48
Tout le monde peut être filmé,
dans les actualités ou comme figurant, tout le monde peut publier un texte, une
rubrique, un commentaire. « Entre l’auteur et le public, la différence est
en voie, par conséquent, de devenir de moins en moins fondamentale. »
p.53, 54
Comparaison la différence qui
existe entre le chirurgien et le mage, et celle qu’il y a entre le monteur et
le peintre. Le monteur, comme le chirurgien, opère le réel avec minutie, il y
pénètre en profondeur, il le morcèle et le découpe. Le peintre lui, comme le
mage, à un rapport au réel plus large, plus distant.
« Le peintre observe, en
peignant, une distance naturelle entre la réalité donnée et lui-même ; le
cameraman pénètre en profondeur dans la trame même du donné. Les images qu’ils
obtiennent l’un et l’autre diffèrent à un point extraordinaire. Celle du
peintre est globale, celle du cameraman se morcelle en un grand nombre de
parties, qui se recomposent selon une loi nouvelle. »
p.55
« La possibilité de
reproduire l’œuvre d’art modifie l’attitude de la mase à l’égard de l’art. Très rétrograde vis-à-vis, par
exemple, d’un Picasso, elle adopte une attitude progressiste à l’égard, par
exemple, d’un Chaplin. »
Diminution de la signification
sociale de l’art : « divorce croissant entre l’esprit critique et la
conduite de jouissance » chez le public.
p.56 « On jouit, sans le
critiquer, de ce qui est conventionnel ; ce qui est véritablement nouveau,
on le critique avec aversion. »
p.56
« Les tableaux n’ont jamais
prétendu à être contemplés que par un seul spectateur ou par un petit nombre.
Le fait qu’à partir du XIXème siècle un public important les regarde
simultanément est un premier symptôme de la crise de la peinture, qui n’a pas
été seulement provoqué par l’invention de la photographie, mais d’une manière
relativement indépendante de cette découverte, par la prétention de l’œuvre d’art
à s’adresser aux masses. »
p.60
« Grâce au cinéma – et ce
sera là une de ses fonctions révolutionnaires – on pourra reconnaître
dorénavant l’identité entre l’exploitation artistique de la photographie et son
exploitation scientifique, le plus souvent divergentes jusqu’ici. »
p.61
Le cinéma permet d’avoir un
nouveau regard sur le réel. « Grâce au gros plan, c’est l’espace qui
s’élargit ; grâce au ralenti, c’est le mouvement qui prend de nouvelles
dimensions. »
p.62 « Il est bien clair,
par conséquent, que la nature qui parle à la caméra n’est pas la même que celle
qui parle aux yeux. Elle est autre surtout parce que, à l’espace où domine la
conscience de l’homme, elle substitue un espace où règne l’inconscient. »
p.63 « Pour la première fois,
elle nous ouvre l’accès à l’inconscient visuel, comme la psychanalyse nous
ouvre l’accès à l’inconscient pulsionnel. »
p.65
« L’histoire de chaque forme
artistique comporte des époques critiques, où elle tend à produire des effets
qui ne pourront être obtenus sans effort qu’après modification du niveau
technique, c’est-à-dire par une nouvelle forme artistique. C’est pourquoi les
extravagances et les outrances qui se manifestent surtout aux époques de
prétendue décadence naissent en réalité de ce qui constitue au cœur de l’art le
centre de forces historiques le plus riche. »
p.67, 68
Le tableau invite à la
contemplation, alors que le film projeté, de par ces prises de vues impossibles
à fixer, rend toute contemplation impossible.
p.69 à 71
« La masse est une matrice
d’où toute attitude habituelle à l’égard des œuvres d’art renaît, aujourd’hui,
transformée. La quantité est devenue qualité. »
Distinction entre deux formes
d’arts : celle qui permet la distraction, et celle qui permet le
recueillement. « Celui qui se recueille devant une œuvre d’art s’y abîme
[…]. Au contraire, la masse distraite recueille l’œuvre d’art en elle."
p.72, 73
L’auteur prend exemple sur
l’architecture pour effectuer un développement concernant l’aptitude que l’on a
à s’accoutumer et les implications que cela suppose.
« Les édifices font l’objet
d’une double réception : par l’usage et par la perception. En termes plus
précis : d’une perception tactile et d’une réception visuelle. […] La
réception tactile se fait moins par voie d’attention que par voie
d’accoutumance.
[…]
Des tâches qui s’imposent à la
perception humaine aux grands tournants de l’histoire il n’est guère possible
de s’acquitter par des moyens purement visuels, autrement dit par la
contemplation. Pour en venir au bout, peu à peu, il faut recouvrir à la
réception tactile, c’est-à-dire à l’accoutumance.
[…]
Au moyen de la distraction qu’il
est à même de nous offrir, l’art établit à note insu le degré auquel notre
perception est capable de répondre à des tâches nouvelles.
[…]
La réception par la distraction,
de plus en plus sensible aujourd’hui dans tous les domaines de l’art, et
symptôme elle-même d’importantes mutations de la perception, a trouvé dans le
cinéma l’instrument qui se prête le mieux à son exercice. Par son effet de
choc, le cinéma favorise un tel mode de réception. S’il fait reculer la valeur
cultuelle, ce n’est pas seulement parce qu’il transforme chaque spectateur en
expert, mais encore parce que l’attitude de cet expert au cinéma n’exige de lui
aucun effort d’attention. Le public des salles obscures est bien un
examinateur, mais un examinateur distrait. »
p.74 à 78
Epilogue politique.
p.75 « L’appareil saisit
mieux les mouvements de masses que ne peut le faire l’œil humain.
[…] En d’autres termes, les mouvements
des masses, y compris la guerre, représentent une forme de comportement humain
qui correspond tout particulièrement à la technique des appareils. »
« Tous les efforts pour
esthétiser la politique culminent en un seul point. Ce point est la guerre. La
guerre, et la guerre seule, permet de fournir un but aux plus grands mouvements
de masse sans toucher cependant au régime de la propriété. »
p.76, 77 L’auteur cite le
Manifeste des Futuristes, qui met en avant l’aspect esthétique de la guerre
moderne.
p.78
Le « fascisme, qui, de
l’aveu même de Marinetti, attend de la guerre la satisfaction artistique d’une
perception sensible modifiée par la technique. »
« L’art pour l’art semble
trouver là son accomplissement. Au temps d’Homère, l’humanité s’offrait en
spectacle aux dieux de l’Olympe ; c’est à elle-même, aujourd’hui, qu’elle
s’offre en spectacle. Elle s’est suffisamment aliénée à elle-même pour être
capable de vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de
premier ordre. Voilà l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme.
Le communisme y répond par la politisation de l’art.
L’image et son public au Moyen Age
L’image et son public au Moyen
Age
Hans Belting
Dans cet ouvrage, Hans Belting met en lumière les processus
d’intégration de l’icône byzantine au sein de la société européenne du Moyen
Age. Il indique que le statut et le rôle de ces images furent oubliés et
modifiés lorsqu’elles arrivèrent en Europe. L’icône orientale devint aux yeux
des occidentaux un objet mystérieux et exotique, et fut admirée comme une
véritable relique.
Belting développe la notion d’Imago Pietatis, c’est-à-dire l’image de
piété, censée inspirer la pitié et l’empathie du spectateur, comme étant un
dérivé, ou une évolution de l’icône byzantine.
Il met également en lumière le fait que la forme de l’image et son
utilisation cultuelle sont très liées et s’influencent mutuellement. Le rapport
entre les sphères publiques et religieuses, entre les pratiques de dévotion
privées et les manifestations religieuses au sein de la société, expliquent
l’évolution des formes de ces images, mais aussi leur changement de statut et
d’utilisation au fil des siècles.
Ces images en viennent alors à porter, à incarner un véritable
discours, elles ne sont plus seulement l’illustration du verbe, elles sont le
verbe, Belting parle « d’images parlantes ».
« La rhétorique picturale jeta les fondements d’une nouvelle
instrumentalisation de l’image. Le « langage de l’image » prend une
importance égale à celle de son « contenu ». » p.221
Etude d’images du Moyen Age à la
Renaissance. (de 1200 à 1500)
Images le plus souvent
portatives, présentées à la vue de tous sur un autel ou liées à un usage
personnel : établissement d’un dialogue avec le spectateur dans un
contexte individuel ou collectif. (images cultuelles, miraculeuses ou de
dévotion)
Image de dévotion : utilisée
pour le culte et dans le cadre d’une relation psychologique, elle deviendra un
objet d’art à la Renaissance.
p.3
Dévotion (devotio) : dialogue religieux qu’une communauté ou un individu
entretient avec un interlocuteur imaginé d’une certaine façon.
Adaptation fonctionnelle de ces
images aux modes de comportements cultuels ou religieux
« L’inscription des paroles
prononcées par la figure représentée renforça le pouvoir de l’image
« parlante » jusqu’au jour où, par ses propres moyens, c’est-à-dire
visuellement, l’image a pu « parler ». Durant la Renaissance le
pouvoir religieux d’expression fut lié à la capacité artistique d’expression du
réalisateur de l’image. »
p.4
Le concept de
« portrait » : « Dans le portrait, la fidélité de la
reproduction, qu’il s’agisse ou non de fiction, est une nécessité et elle concerne
plutôt la « vraie face du Christ » à Saint Pierre de Rome, appelée
« Véronique » ou vera icon,
et dont l’authenticité était affirmée par les légendes sur son origine. Etabli
comme reproduction de la physionomie historique de Jésus, le portrait de Rome
fixa une nouvelle norme pour le degré de ressemblance que pouvait atteindre ce
type de représentation. »
Il faut alors se référer au vieux
principe de l’enseignement de la mimésis : la ressemblance et l’évocation
de la réalité, l’apparence de la vie. « Les marques de la souffrance
physique apparentent le personnage à un homme véritable que l’on peut observer
de près. » « Avec son éloquente attitude culpabilisante, l’image
favorise l’identification. »
« Jésus offre une image
pitoyable. L’état dans lequel il apparaît permet au spectateur de communiquer
affectivement avec lui. »
p.5
Ce portrait de Jésus apparaît
alors sémantiquement plus complexe qu’une crucifixion « et proposait un
type d’expérience différente. Le personnage représenté est dégagé de tous liens
historiques et apparaît comme une figure individuelle. » « Avec l’imago pietatis, est apparu non point
tant un nouveau contenu pictural qu’une nouvelle forme picturale. »
p.6 à 8
« L’imago pietatis dérive d’une image orientale, l’icône. »
A partir du 12ème
siècle : mutations radicales de la société européenne, développement de la
conscience de soi chez les Chrétiens pieux, émancipation du citoyen dans lé
républiques urbaines, activité religieuse des laïques encouragée par les
prédications des ordres mendiants : nouvelles religiosité, nouveau rôle de
l’image.
« Au lieu d’une ordonnance
abstraite, elle proposait un mode de perception plastique de l’univers
religieux et donnait lieu à une expérience sensorielle immédiate. »
Autres tournants majeurs :
crise sociale et changements religieux durant la Peste de 1348 (l’art sacré
s’écarte alors de l’exigence de réalité religieuse), et première Renaissance,
contrôle nouveau de l’artiste sur son œuvre, l’art de l’image devient sa
fonction.
Chapitre 1 : les nouvelles formes d’existence des images au Moyen
Age.
p.11
Inexistence du panneau peint au
MA = absence de fonction véritable. « Pour être accepté, le panneau devait
avoir une fonction, matérielle ou symbolique, c’est-à-dire sociale. »
L’image cultuelle : 1ere
forme de panneau peint. Représente un personnage offert à la vénération
publique. Placé sur l’autel, il peut être « mis en branle presque comme un
être vivant au cours d’une procession. »
« Si en Occident l’image
cultuelle fut longtemps une sculpture, un changement s’opère surtout en Italie,
avec l’arrivée des icônes. »
p.12
« Toutefois, la peinture sur
panneau n’illustra pas d’emblée des récits dont, le plus souvent, la structure
narrative devait être modifiée. Les historiae
aux scènes multiples avaient leur place sur les murs des églises et dans les
manuscrits. Dans l’un et l’autre cas elles étaient liées à un contexte dont
dépendaient à la fois leur réalité et leur sens. » (c’est à dire lié à
« la loi d’ensemble qui subordonne l’image individuelle au récit global,
soit sur le textes de l’ouvrage qui non seulement explique l’image mais aussi
lui confère sa légitimité. »)
le panneau peint impose donc de
séparer l’image de toute explication textuelle et narrative, il peut alors y
avoir méprise sur le sens de l’image peinte et polysémie pour le spectateur,
l’image perd alors son rôle premier de dialogue avec le public.
p.15
Le panneau peint a un statut
particulier en raison de « sa mobilité et du cadre matériel qui l’enclot,
il met en évidence de manière particulièrement frappante l’autonomie de l’image
par rapport à son environnement. »
Grâce à sa petite dimension et
son faible coût, le panneau privé rend la peinture accessible à un nouveau
public.
« En tant que réplique d’une
image cultuelle publique, il entraina un accroissement de la vénération
institutionnalisée de l’image. Enfin, les légendes dur les images et les
témoignages sur les rites qui leur étaient associés indiquent que
« l’image portative » pouvait quasiment être envisagée comme un être
vivant ; c’était presque le personnage représenté lui-même, et pas
simplement son portrait, qui apparaissait dans les processions. Les définitions
de la réalité de l’image du point de vue théologique n’eurent que peu d’impact
sur ce phénomène. »
« l’image cultuelle mobile
accrut manifestement la sensibilité du public à l’égard de l’image en
général. »
13ème siècle « L’image
miraculeuse favorisa le développement de l’image de dévotion, bien qu’elle-même
n’en fût pas une, car désormais l’Eglise reconnaissait que l’image pouvait
aussi servir à la transmission de la grâce rédemptrice, que pouvaient seulement
dispenser jusque là les reliques et les sacrements. »
p.16
Changement structurel de l’image
lié à un contexte plus large. « L’image acquiert une fonction de
communication qu’elle ne possédait ni ne requérait auparavant, et devient le
témoignage d’un ordre du monde supra-individuel,
établi objectivement. »
L’architecture du gothique
flamboyant place le fidèle au sein d’un dispositif de valeur qu’il est capable
de lire et de comprendre lui-même.
Chapelle de l’Arena, Padoue, par
Giotto = les fresques apparaissent comme des « vitraux ouverts » au
travers desquels le spectateur peut non seulement éprouver une perception
plastiques d’évènements divins mais peut aussi comprendre le monde à travers sa
propre observation.
p.19
A partir du 6ème
siècle : « l’art officiel de l’Eglise, qui avait présenté
systématiquement la foi chrétienne comme un réalité objective, cède de plus en
plus le pas à l’image cultuelle et votive exprimant les préoccupations
subjectives du spectateur individuel ou du groupe. »
8ème siècle :
iconoclasme = crise de l’image. « Lorsque, après cet épisode elle
retrouvera sa respectabilité, l’icône ne sera plus jamais la même. Contrôlée
par l’Eglise, elle sera réglementée de manière à ce qu’elle tire sa substance
de la pratique liturgique dont elle représente l’ordre. »
p.20
« L’importation de nouvelles
icônes d’Orient suscita sur le champ des interrogations quand à leur origine
mystérieuse. Par leur aspect insolite et leur provenance orientale, ces icônes
prenaient le statut de reliques authentiques, croyance renforcée par les
légendes autour d’elles. »
p.21
« Leur transfert dans une
autre société brisait les liens entre leur forme et leur fonction originelle,
ce qui leur permettait d’assumer une nouvelle fonction. »
apparition de nouvelles
confréries composées de laïques : besoin d’images cultuelles propres
dans les cités états : le
culte de l’image s’impose pour satisfaire le besoin d’autonomie et d’identité
de la ville, on revendique alors la Vierge comme patronne de la ville, dans ce
culte de la Vierge, le panneau peint, à défaut de relique, occupe une fonction
Parallèlement l’Eglise octroie
des pouvoirs aux images qu’elle possède (forme de concurrence avec les images
des confréries)
p.23
la pratique religieuse privée
(dévotion), et le rapport aux images de dévotions privées, influence la
pratique religieuse publique (par exemple on fait fabriquer des œuvre de plus
en plus grande pour affirmer sa dévotion et son statut social, l’Eglise doit
donc en faire de même)
p.27
La grande qualité et l’exécution
coûteuse du petit panneau lui confère le statut d’objet relevant des
« arts précieux » (ivoire, métal). Ces petits panneaux de dévotion
privée apparaissent d’abord chez les moines, dès le 13ème siècle.
« En revanche, les images
pour chambre de laïque ne remontent qu’à la fin du XIVème siècle. Mais il est
important de noter que la vénération privée d’une image n’était vraiment
possible que si l’on en était le détenteur. C’est ainsi que l’image cultuelle
devint une image privée. Les conséquences notables de cette évolution seront
manifestes quand le client privé aura le pouvoir de déterminer l’aspect de son
image par discussion avec l’artiste. »
Chapitre 2 : Le portrait de Dieu mort (l’imago pietatis)
Imago pietatis : à l’origine
Christ représenté à mi corps, buste nu et bras croisés, tête tombante, yeux
clos = Seigneur de miséricorde
Dytique : christ mort sur le
premier panneau, vierge à l’enfant sur le second panneau (celle-ci tourne le
regard non pas vers son fils enfant, mais vers son fils agonisant, c’est-à-dire
en direction du second panneau)
Œuvres de petite dimension (30cm
de hauteur)
Origine byzantine, puis
apparition en Italie (Sienne) et en Bohême
p.45 « La représentation en
gros plan du sujet du tableau permet de rendre avec précision la physionomie,
tandis que l’évocation de la souffrance et de la mort donne au portrait une
dimension psychologique. En dehors d’un épisode biographique particulier (la
Déposition de crois, la Déploration), cette image pouvait symboliser toute la
gamme de la méditation sur la Passion. C’est pourquoi l’on peut dire que l’Imago Pietatis était dotée d’une forme
fonctionnelle. »
Chapitre 3 : Fonctions des images médiévales
p.49 « Erwin Panofsky a été
le premier à observer que le concept d’image de dévotion ne devait pas être
associé aux seuls monastères féminins du sud-ouest de l’Allemagne. Ainsi, en
1927, il démontra que ce type d’image pouvait, en raison de sa forme et de son
contenu, être considéré comme un instrument dans la pratique contemplative
individuelle. »
Selon Panofsky : 2 types
d’images préexistants = image représentative et image narrative
« L’imago offre le portrait
d’un personnage dont elle est par conséquent la représentation. Panofsky l’a
appelée « l’image cultuelle représentative », ajoutant ainsi une
notion fonctionnelle au concept générique. L’historia, qu’il nomme « image
historique mise en scène » avait des allures plus dynamiques parce qu’elle
correspondait à un récit et, suivant l’avis de Grégoire le Grand, prodiguait
également un enseignement. »
p.51
de ces deux types d’images nait
un troisième : l’image de dévotion.
« L’image narrative apporta
le mouvement et l’expression vivante, l’image représentative la sérénité et
l’intemporalité, donc une impression de durée adaptée au recueillement de la
contemplation. En d’autres termes, la nouvelle image permit de dépasser à la
fois la rigidité de l’image cultuelle et l’agitation qui se dégageait d’une
image purement narrative. Ainsi naquit « l’image de dévotion », sans
définition spatiale ni temporelle, produit de la fusion de deux traditions
anciennes. »
p.52 Cependant, Panofsky fait
l’erreur de considérer l’icône comme l’équivalent de l’image représentative
occidentale
p.53 « Dans le système de
Panofsky, l’icône importée est absente et n’a pas de place à côté de l’imago et de l’hisoria. Ainsi, toute une phase des débuts de l’image de dévotion
a été omise, celle où elle avait encore la forme dune icône tout en ayant déjà
la fonction d’une image de dévotion. Au cours de cette phase, l’icône transmit,
pour ainsi dire, sa forme à l’image de dévotion, mais cette forme perdit le
contenu auquel elle avait été liée, devenant ainsi disponible pour un nouveau
contenu et une nouvelle fonction. Aux yeux des occidentaux, l’icône se
représentait comme une forme étrangère, mais fascinante. En tant qu’image de
dévotion, l’imago pietatis n’avait
pas d’aspect propre et elle revêtit une forme étrangère. »
distinction entre image de
dévotion et icône :
« A l’origine, l’icône était
intégrée à la liturgie byzantine et possédait un lien ontologique avec
l’identité du personnage représenté, dont l’image était, pour ainsi dire, sa
seule physionomie possible. Au contraire, si l’on suit Panofsky, l’image de
dévotion changeait en permanence suivant les attentes et les besoins du
spectateur. »
p.61 Il y a une relation
(complexe) entre la forme et la fonction des images.
« La fonction peut modifier
une forme picturale existante, et la forme picturale peut assumer de nouvelles
fonctions. »
p.67 Avec le Quattrocento,
vraisemblance et expressivité du sujet représenté (deux exigences de la
mimésis), sont conciliées.
« On atteint alors l’autre
terme de l’évolution au sein de laquelle s’inscrivent l’image de dévotion et
l’historia. Souvent estompée durant la période intermédiaire, leur différence
s’affirme à nouveau de manière frappante. Les deux types de représentations
s’écartent de plus en plus l’un de l’autre à mesure que l’historia devient plus
technique. Certes, dans l’idée d’Alberti, la nouvelle historia avait
également pour but d’émouvoir le spectateur en le plongeant dans un certain
état affectif.
Mais son système de référence
fermé, qui déterminait une composition rationnelle des éléments de l’image
selon les lois optiques, se démarquait toujours plus du système de référence
ouvert fondant l’image de dévotion. « Ouvert » signifie ici incomplet
quant à la narration réelle, détaché du déroulement interne du tableau, mais en
relation avec une spectateur extérieur. On pourrait presque parler de deux
perspectives, l’une technique (au double sens de techné : art et science), l’autre psychologique. »
p.69
locus classicus des théories
médiévales de l’image (retenu par les théologien de la Renaissance ) :
« représenter – instruire – faire partager l’émotion ».
« Cette triade recouvre les
fonctions qui rendait l’image licite, voir utile, aux yeux de l’Eglise, en ce
qu’elle permettait d’éduquer, en particulier les illettrés, de rappeler la
présence constant des mystères de la foi. »
« A la fin du Moyen Age, on
s’attacha d’avantage à l’empathie avec le thème religieux ; mais on
n’introduisait pas d’autre vocables, à côté d’imago et d’historia, pour
désigner l’image spécialement conçue à cet effet. »
p.70 Les images de dévotions ne
sont pas uniquement liées à une pratique individuelle et « ne suscitent
pas seulement une expérience affective, mais doivent également être considérées
d’une point de vue cognitif, comme les symboles picturaux d’un culte ou d’un
mystère de la foi. »
p.74 La dévotion par l’image ne
se limite pas au monastère, c’est aussi une pratique en cours dans les milieux
laïques « où il n’est pas impossible même qu’elle ait pris
naissance ». La dévotion privée avait aussi une dimension collective.
p.75 « La dévotion est un
mode collectif de religiosité affective qui sucita un mode analogue de
contemplation d’images. Celles-ci étaient censées répondre à l’état d’âme du
spectateur et même, si possible, le faire naitre. Le spectateur et le
personnage représenté étaient en situation mimétique réciproque. »
but : conduire l’individu à
l’extase
effet : introduire le sacré
dans la sphère humaine
Chapitre 4 : Réalisme et rhétorique picturale
p.99 pour comprendre ce que
l’image « dit » il faut d’abord comprendre ce que le destinataire
médiéval était en mesure de concevoir en terme de discours
p.112 « Etant donné que le
spectateur avait également sous les yeux les « pratiques cultuelles »
associant la réalité liturgique à la réalité historique, il pouvait les
retrouver dans l’image. L’artiste avait pour consigne d’exploiter ces pratiques
bien connues pour manifester la réalité de l’image. »
(Parallèle entre l’élévation et
la présentation de l’hostie avec la Passion du Christ)
p.113
A partir du 13ème
siècle : les images religieuses se font plus « parlantes » et
veulent « convaincre par elles mêmes de la réalité de ce qu’elles
montraient ».
Le public a de nouvelles
exigences et de nouvelles attentes, notamment le « besoin de voir ».
p.114 « Ce besoin se
traduisit également par une nouvelle pratique cultuelle, qui tendait de plus en
plus à exposer aux yeux de tous les objets du culte et à théâtraliser son
contenu. En un mot, le public voulait au moins voir ce qu’il était censé croire
et il pouvait ainsi avoir part à la réalité du culte. »
Durant la même période (début 13ème
à début 14ème) : la monstration des reliques s’amplifie à
travers toute l’Europe (à Paris, les Rois de France montrent aux fidèles un
morceau de la « vraie croix »)
Apparition des ostensoirs et
reliquaires avec des cylindres de verre permettant de voir l’objet.
p.127 et 128
« La thèse suivant laquelle
l’image de dévotion est née de la contemplation privée est trop
idéaliste. »
L’image de dévotion présuppose
« une expérience collective de la réalité : dans son contenu, et dans
ses formes, elle présuppose l’expérience subjective que permettait la mise en
scène du culte. Dans les chants de lamentation et dans les drames religieux de
la Semaine Sainte, les limites du réalisme psychologique furent explorées d’une
manière qui était peu envisageable dans d’autres domaines de la culture
médiévale. Et dans les images de dévotion s’élabora une rhétorique picturale
qui allait dans le sens de ce réalisme psychologique et annonçât un rôle
nouveau et une utilisation nouvelle des images en tant que telles. Textes et
images se complétaient et se renforçaient pour permettre l’expérience d’une
réalité nouvellement et personnellement accessible. »
Chapitre 5 : L’icône de la passion à Byzance
p.141 « L’icône du Pantocrator,
l’une des plus anciennes images produites en Orient, véhicule un message simple
en figurant Dieu sous l’apparence humaine du Christ, apportant ainsi
confirmation d’un dogme fondamental du christianisme. »
p.162 « Dans les textes et
images liturgiques de Byzance, le réalisme psychologique, sollicitant
l’empathie du spectateur, préfigurait l’évolution ultérieure en Occident et
fournit ainsi des moyens d’expression et de composition picturales qui purent
être exploités ailleurs, dès qu’ils eurent acquis une fonction dans un nouveau
contexte. Enfin, le portrait christique de la Passion était conçu comme le
pendant d’une icône de le Vierge qui le contemplait : il devenait ainsi le
destinataire idéal et la figure représentative des lamentations rituelles de
Marie. »
Chapitre 6 : L’icône en occident : sa réception en Italie au
XIIIème siècle
p.171 Imago pietatis : une des plus grandes images religieuses du
bas Moyen Age.
Pour les artistes florentins de
la fin du 14ème siècle = image la plus pieuse que l’on puisse
peindre
Introduction de l’icône en
Occident à travers tous les répertoires picturaux : perd ses fonctions
premières et en assume de nouvelles
p.174 « Le diptyque est
originellement, comme l’icône biface, un genre oriental, en tant qu’image
privée aussi bien qu’officielle. »
p.204
L’icône s’intègre dans la
tradition picturale italienne via Venise = « Elle n’apporta pas de thème
nouveau, mais une nouvelle forme picturale qui n’était pas du tout conçue comme
une image de dévotion au sens occidental, mais qui fut d’emblée utilisée comme
telle. »
p.205 « L’imago Pietatis fut
une première image de dévotion du Christ crucifié de la Passion, qu’elle
montrait in forma pietatis. Mais la formule picturale fut empruntée à la
peinture d’icône orientale. Les modifications formelles de l’icône ont été les
moyens de son appropriation sémantique. »
« La genèse de l’image de
dévotion fut un processus complexe. Il y eut au départ des pratiques
religieuses incitant à méditer sur des images « sous le regard
intérieur ». C’est la piété liée à la Passion qui fit de cette discipline
personnelle le moyen de parvenir à l’état de compassion requis. Les images
matérielles étaient censées stimuler les images intérieures. La dévotion se
fixa sur les images. Mais les images utilisées ne furent pas conçues au départ
comme images de dévotion. Ce n’est qu’avec l’usage que le changement de
fonction entraina un changement de forme, les images de dévotion devenant
telles également sur le plan formel. »
L’œil et l’esprit
L’œil et l’esprit
Merleau-Ponty
éditions Gallimard, 1964
M-P entame sa réflexion par un commentaire sur la pensée scientifique
tout en indiquant comment et dans quelle direction il souhaiterait qu’elle
évolue. Il aborde ensuite les notions de perception et de vision, de voyant et
de visible. Pour lui voyant et le visible s’appellent l’un l’autre. Le voyant
subsume le visible. L’objet vu se décrit lui-même à l’artiste qui le peint.
L’inspiration part donc de l’objet pour rencontrer le peintre, et pour
véritablement voir et peindre, le peintre doit alors s’incarner en l’objet. M-P
parle d’une prolongation du corps du voyant dans ce qui l’entoure, dans ce
qu’il voit. Il y a donc toujours un retour au corps perceptif et perceptible,
il est la mesure de toute vision, de toute représentation.
Enfin, M-P met en avant la capacité des chefs-d’œuvre à s’exprimer au
delà du peintre, au delà de l’objet peint, et au delà d’eux mêmes. L’œuvre a
cette capacité de se détacher de son contexte et délivrer à chaque époque et
chaque spectateur un discours neuf.
p.10 Aujourd’hui dans la
philosophie des sciences, la pratique constructive est autonome. La pensée se
réduit délibérément à l’ensemble des techniques de prise ou de captation
qu’elle invente.
« Penser, c’est essayer,
opérer, transformer, sous la seule réserve d’un contrôle expérimental où
n’interviennent que des phénomènes hautement « travaillés », et que
nos appareils produisent plutôt qu’ils ne les enregistrent. »
p.11 « La pensée
« opératoire » une sorte d’artificialisme absolu. »
p.12 « Il faut que la pensée
de science – pensée de survol, pensée de l’objet en général – se replace dans
un « il y a » préalable. »
p.13 « Il faut qu’avec mon
corps se réveillent les corps associés. »
« La pensée allègre et
improvisatrice de la science apprendra à s’appesantir sur les choses mêmes et
sur soi-même, redeviendra philosophie. »
p.14 « Le peintre est seul à
avoir droit de regard sur toutes choses sans aucun devoir
d’appréciation. »
p.15 peintre
= « souverain sans conteste dans sa rumination du monde. »
p.16 « C’est en prêtant son corps
au monde que le peintre change le monde en peinture. »
L’immersion du corps visible de
l’artiste dans le monde = oriente, modifie sa vision et sa représentation du
monde.
p.18 « corps à la fois
voyant et visible »
p.19 « Le monde est fait de
l’étoffe même du corps. »
Le monde extérieur et visible
serait alors le prolongement même du corps.
« La vision est prise ou se
fait du milieu des choses. »
p.21 Le corps humain est le fruit
de croisements entre les éléments qui le composent (yeux, mains)
« Or, dès que cet étrange
système d’échanges est donné, tous les problèmes de la peinture sont là. Ils
illustrent l’énigme du corps et elle les justifie. Puisque les choses et mon
corps sont fait de la même étoffe, il faut que sa vision se fasse de quelque
manière en elles, ou encore que leur visibilité manifeste se double d’une
visibilité secrète : « la nature est à l’intérieur », dit
Cézanne. Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là-bas devant nous,
n’y sont que parce qu’elles éveillent un écho dans notre corps, parce qu’il
leur fait accueil. »
p.26 « Pure ou impure,
figurative ou non, la peinture ne célèbre jamais d’autre énigme que celle de la
visibilité. »
p.27 « Voir c’est avoir à
distance. »
Le peintre « donne existence
visible à ce que la vision profane croit invisible. »
« Vision dévorante par delà
les « données visuelles ». »
p.30 « C’est la question de
celui qui ne sait pas à une vision qui sait tout, que nous ne faisons pas, qui
se fait en nous. »
p.36 Critique de l’analyse de
Descartes : image = symbole interprété par l’esprit
p.44 Pour Descartes « la
peinture n’est alors qu’un artifice qui présente à nos yeux une projection
semblable à celle que les choses y inscriraient et y inscrivent dans la
perception commune, nous fait voir en l’absence de l’objet vrai comme on voit
l’objet vrai dans la vie et notamment nous fait voir l’espace là où il n’y en a
pas. »
p.49 question des techniques
perspectives de la Renaissance.
« Elles n’étaient fausses
que si elles prétendaient clore la recherche et l’histoire de la peinture,
fonder une peinture exacte et infaillible. »
p.51 « La perspective de la
Renaissance n’est pas un « truc » infaillible : ce n’est qu’un
cas particulier, une date, un moment dans une information poétique du monde qui
continue après elle. »
p.54 « Le corps est pour
l’âme son espace natal et la matrice de tout autre espace existant. »
p.55 « En vérité il est
absurde de soumettre à l’entendement pur le mélange de l’entendement et du
corps. »
p.62 « Quant à l’histoire
des œuvres, en tout cas, si elles sont grandes, le sens qu’on leur donne après
coup est issus d’elles. C’est l’œuvre elle-même qui a ouvert le champ d’où elle
apparaît dans un autre jour […]. »
p.70 « L’art n’est pas
construction, artifice, rapport industrieux à un espace et à un monde du
dehors. »
p.71 « C’est cette animation
interne, ce rayonnement du visible que le peintre cherche sous les noms de
profondeur, d’espace, de couleur. »
p.73 « il n’y a pas de ligne
visible en soi. »
p.76 « Figurative ou non, la
ligne en tous cas n’est plus imitation des choses ni chose. C’est un certain
déséquilibre ménagé dans l’indifférence du papier blanc, c’est un certain
forage pratiqué dans l’en soi, un certain vide constituant. »
p.78 Donner l’illusion du
mouvement « C’est une image où les bras, les jambes, le tronc, la
tête sont pris chacun à un autre instant, qui donc figure le corps dans une
attitude qu’il n’a eue à aucun moment, et impose entre ces parties des raccords
fictifs […]. »
« Le tableau fait voir le
mouvement par sa discordance interne. »
p.81 « La vision n’est pas
un certain mode de la pensée ou présence à soi : c’est le moyen qui m’est
donné d’être absent de moi-même, d’assister du dedans à la fission de l’être,
au terme de laquelle seulement je me ferme sur moi. »
p.92 « Si nulle peinture
n’achève la peinture, si même nulle œuvre ne s’achève absolument, chaque
création change, altère, éclaire, approfondit, confirme, exalte, recrée ou crée
d’avance toutes les autres. Si les créations ne sont pas un acquis ce n’est pas
seulement que, comme toutes choses, elles passent, c’est aussi qu’elles sont
presque toute leur vie devant elles. »
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