Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

Un grand nombre des articles que vous trouverez ici vous présenteront des fiches de lecture concernant les livres indiqués dans les différentes bibliographies relatives aux épreuves écrites.

N’hésitez pas à ajouter vos commentaires, indications et liens utiles.

lundi 7 janvier 2013


Ut Pictura Poesis – Humanisme & Théorie de la Peinture. XVe-XVIIIe siècles
R. W. Lee
Éd. Macula, 1998

R. W. Lee (1898-1984) publie cet essai en 1967. Ancien élève de Panofsky et de Friedlander, professeur d'art et d'archéologie à Princeton, il était un spécialiste de la Renaissance et du Baroque.

      « Nous nous demanderons pourquoi les critiques qui appelaient les poètes des peintres identifiaient aussi virtuellement l'art de la peinture à l'art de la poésie. » (p. 11)
      À partir de références antiques (Horace, Aristote), les peintres mais surtout les critiques, cherchent à instituer la noblesse de la peinture, art libéral autant que la poésie. Lee montre alors l'importance de la pensée humaniste (avec les 'dérives' du formalisme académique français) dans la doctrine de l'ut pictura poesis : la peinture est avant tout associée à la poésie car elle interprète dignement (idéalement) les valeurs humaines, tout en procurant du plaisir, de l''agréable.
     S'il analyse certaines oeuvres, Lee explicite surtout les différences de pensée entre les théoriciens de l'art européens du XVe au XVIIIe (et fait quelques remarques sur le romantisme). Il revient sur l'ensemble des concepts et préceptes de cette doctrine, en explique les limites ainsi que les changements à partir du XVIIIe. Il s'applique à montrer l'importance de la théorie de Joshua Reynolds (peintre anglais du XVIIIe) face aux limites de la conception de la peinture de Lessing.


Théorie humaniste de la peinture
= se développe au XVe et décline au XVIIIe
= repose sur présupposé : « la bonne peinture consiste, comme la bonne poésie, en une imitation idéale de la nature humaine en action. Par conséquent, les peintres ont pour tâche, autant que les poètes, d'exprimer une vérité générale, et non locale [//]. À cette fin, ils recourent aux récits de la Bible, à la littérature de l'Antiquité gréco-romaine; ils en tirent des sujets qui présentent un intérêt universel […]. Les peintres doivent en outre déployer une grande variété d'émotions humaines. Enfin, non contents de délecter l'humanité, il leur faut également à l'instruire. »
Théorie qui a ses racines dans l'Antiquité, en particulier avec la Poétique d'Aristote et L'Art Poétique d'Horace, où ceux-ci établissent comparaisons entre peinture et poésie
Aristote = être humain en action est l'objet à imiter aussi bien par poètes que peintres
Horace = « conclut en admettant que les peintres et les poètes ont également droit à la liberté d'imagination pourvu que ce Pégase aux pouvoirs parfois dangereux reste attaché dans l'écurie du probable et du convenable. »

Introduction
    Permet chronologie et développement-déclin de la théorie de l'ut pictura poesis
   # « Entre 1550 et 1750, les traités sur l'art et la littérature insistent presque tous sur la parenté étroite qui lie peinture et poésie. Les “deux soeurs“, comme on les appelait communément […] différaient certes par leurs moyens d'expression, mais on considérerait qu'elles étaient presque identiques dans leur nature profonde, leur contenu et leur finalité. »
la peinture est une poésie muette, la poésie une peinture parlante (formule attribuée à Simonide par Plutarque) _ la poésie est comme la peinture / ut pictura poesis (Horace)… renversée _ Poètes longtemps considérés comme peintres = leurs images sont vivantes et pleine de couleurs, peintures verbales ; vivacité picturale dans description pouvoir du poète de pouvoir « peindre dans l'oeil de l'esprit des images claires du monde extérieur, comme un peintre les enregistre sur une toile. »
    Si peintres pas forcément considérés comme poètes, « du moins sont-ils presque unanimes à affirmer que la peinture mérite d'être prise au sérieux, à titre d'art libéral, par la seule vertu de sa ressemblance avec la poésie. » p.10
    « Ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle que cette opinion n'est plus partagée par Lessing : il trouve dans les strophes de l'Arioste un excès de détails qui ne donne aucune image distincte d'une femme vivante et outrepasse donc les limites de l'art du poète. Le Laocoon s'attaque à ces transgressions artistique qu'en poésie, comme dans les arts figuratifs, l'ut pictura poesis d'Horace pouvait encourager ou contribuer à justifier. »
    Jusqu'au XVIe siècle, peintres plus soucieux des problèmes techniques et théories scientifiques au service de leur art que de développer une esthétique fondamentale. L'important est de savoir comment représenter le monde sur sa toile (tri/bidimension) pratique concrète de la peinture // Léonard
    # Vers fin XVIe attachement de peintres-théoriciens (Lomazzo, Armenini) « à organiser et codifier des connaissances déjà constituées dans l'intérêt des jeunes peintres. Ceux-ci, parce qu'ils vivaient dans une époque de dégénérescence, avaient, croyaient-on, d'autant plus besoin d'une instruction approfondie et spécialisée, fondée sur la grandeur du passé dans l'invention et la pratique […]. Ils avaient adopté le point de vue professionnel d'une époque d'académiciens et croyaient naïvement que des prescriptions suivies à la lettre garantiraient une belle pratique. » Théorie intervenait pour activer possibilités idéales de l'art qui ne se manifestaient plus dans la pratique _ Se tournent vers autorité de l'Antiquité Les critiques « n'hésitèrent pas à s'approprier, pour fonder leur propre théorie, nombre de concepts fondamentaux des traités antique [Horace et Aristote], les forçant […] à s'appliquer à la l'art de la peinture pour lequel ils n'avaient pas été conçus. » D'où certaine absurdité dans cette théorie de la peinture : un art utilisant un médium différent ne peut se soumettre à une esthétique d'emprunt _ Ce n'est qu'à partir d'une certaine indépendance face à doctrine antique que les critiques, en analysant différences peinture/poésie (apologie de l'une et l'autre sans vouloir les associer) donnèrent notions vraies (auteur parle d'ars pictoria)
    Fondement de l'ensemble de la théorie (avec ses réajustements) = peinture comme poésie trouve son accomplissement le plus haut dans l'imitation représentative de la vie humaine, non dans ses formes moyennes, mais dans ses formes les plus élevées
// Alberti et son De Pictura (doctrine humaniste, un siècle avant âge de la critique en Italie) « malgré sa connaissance imparfaite de la Poétique d'Aristote, il savait que l'activité essentielle d'un peintre sérieux est de peindre une “histoire“ - une action humaine significative ; et il avait appris chez les auteurs latins que les artistes de l'Antiquité s'étaient efforcés de transmettre une beauté idéale à leurs oeuvres. »
// Léonard de Vinci dans son affirmation que la visée fondamentale de l'art de la peinture est d'exprimer les émotions de l'être humains par les mouvements du corps
    « la plus grande peinture italienne, de Cimabue à Michel-Ange, a presque toujours été l'incarnation de la doctrine de l'imitation idéale. Cette doctrine ne pouvait être que normative, à une époque de conscience critique comme le XVIe siècle tardif » qui détient héritage de l'art “mythopoïétique“.
< la poïesis = geste créateur, à la fois « invention » et « travail ». Platon : les poètes « fabriquent les mythes »  et en retour les mythes « font », « façonnent » les âmes des enfants, donc les hommes qu’ils deviendront. Adjectif aussi utilisé dans les années 60 en France par « mythopoétique », défini par « qui trouve dans les mythes sa richesse poétique »(même sens de la fabrication du mythe). Claude Lévi-Strauss l’employait dans la Pensée sauvage, en 1962, pour qualifier son concept de « bricolage » (commenté plus tard par Derrida)
    # XVIIe siècle = certaine continuité de la théorie de la peinture humaniste mais direction différente. « Car les critiques italiens, absorbés par la tâche primordiale de montrer combien la peinture ressemblait à la poésie dans son domaine de compétence, sa profondeur ou sa puissance expressive, n'avaient jamais cherché à explorer l'idée, qui remonte pourtant à Aristote, qu'il existe des correspondances formelles entre les “arts soeurs“ : le dessin équivaut à l'action, les couleurs aux mots, etc. Par la suite, les critiques français et anglais ont parfois développé à l'excès ces correspondances. Par une extension malheureuse de ce parallèle artificiel, ils tentèrent parfois d'enfermer l'art de peindre dans la camisole d'une théorie aristotélicienne de la tragédie. Il en résulta, pour la critique comme pour la pratique une grave confusion entre les arts qui aboutit, comme on sait, au milieu du XVIIIe siècle, à la vigoureuse tentative de Lessing pour redéfinir opportunément la poésie et la peinture et pour assigner à chacune ses frontières propres. En fait, dès le siècle précédent, La Fontaine, anticipant clairement sur Lessing, désignait le mal à sa racine en écrivant : “Les mots et les couleurs ne sont choses pareilles / Ni les yeux ne sont les oreilles.“ [Conte du tableau, 1674]»

Chapitre I : L'imitation
    Imitation idéale / littérale
    « Au XVIe siècle, la doctrine de l'imitation idéale n'avait pas encore entièrement supplanté la conception plus ancienne, et difficilement conciliable, de l'art comme imitation exacte de la nature […]. Apparu dès le Trecento [// louange de Boccace pour l'art de Giotto], le concept d'imitation littérale accompagne naturellement, tout au long du Quattrocento, un point de vue et une pratique réalistes, chez des artistes qui tendaient de toutes leurs forces à atteindre l'illusion parfaite de la nature lisible. » // Pline (Zeuxis trompant les oiseaux avec raisins peints, et Parrhasios qui lui réussit à tromper Zeuxis lui-même avec rideau peint)
Paradoxe = car jusqu'au milieu du XVIe, « l'homme cultivé pouvait adopter la conception courante de l'art comme facteur de généralisation et d'embellissement tout en considérant comme le comble de l'art du peintre sa capacité à singer la nature » // Vasari qui loue le naturalisme de Raphaël ; // Léonard, pour qui la peinture est beaucoup plus que la représentation littérale de la nature mais un peintre mérite plus d'éloges s'il se conforme davantage à l'objet imité
    Dolce = auteur du premier traité humaniste du XVIe s. sur la peinture
= “le peintre doit s'efforcer non seulement d'imiter, mais aussi de surpasser la nature“ et c'est uniquement dans la représentation du corps humain qu'il peut la surpasser, qui prime sur le reste de la nature (importance dans la peinture italienne), cherche à concilier en quelque sorte contradiction imitation idéale/littérale
= à propos du corps humain en mouvement que Dolce a développé sa propre doctrine de l'imitation idéale > théorie esthétique qui restera en vigueur pendant 2 siècles
= si l'artiste veut surpasser nature en corrigeant défauts pour la rendre plus belle qu'elle ne l'est, il doit être guidé par l'étude de l'antique et donc prendre exemple sur les statues antiques qui sont déjà cette nature idéalisée et la “perfection de l'art“ pour Dolce
imitation non pas comme fin ou en soi mais comme moyen, comme des repères pour progresser vers réalisation idéale
    Problème du culte de l'antique qui a parfois mené à une impasse
« théorie pseudo-aristotélicienne de l'imitation » chez académiciens français du XVIIe s. qui encouragent formalisme vide _ Conseil de suivre l'antique se change en précepte dogmatique en imposant un canon de beauté artificiel et définitivement invariable _ traditionalisme sans inspiration (contre lequel romantisme devait se révolter au nom de l'expression individuelle et intérêt nouveau porté à la nature dans ses singularités)
exceptions : Poussin et Raphaël qui réussissent à suivre l'antique avec intelligence
  Détournement du cours aristotélicien de la théorie de l'imitation = pensée néo-platonicienne (Lomazzo) = beauté idéale, dont chacun voit l'image reflétée dans le miroir de son propre esprit, a sa source en Dieu plutôt que dans la nature _ « Quasi religieuse, voire mystique, en harmonie avec la tournure d'esprit grave de la Contre-Réforme, cette doctrine ne cherchait pas une norme empirique de l'excellence en choisissant le meilleur dans la nature extérieure concrète : elle la découvrait d'une manière platonicienne dans la contemplation subjective d'une Idée intérieure immatérielle. » p. 29
    Giovanni Pietro Bellori [archéologue, historien, critique d'art et biographe italien (1613-1696) qui publie dans la tradition de Vasari, ses Vies des peintres, sculpteurs et architectes modernes en 1672, dont Poussin fait partie] = retour de la théorie aristotélicienne // tout le Classicisme
= proclama que la nature extérieure devait être la source de ces conceptions idéales qui sont les objets de l'imitation artistique _ l'Idée (l'objet propre de l'imitation du peintre) provient de la nature par un processus de sélection du meilleur
« il érigea définitivement la Poétique d'Aristote – déjà consacrée dans la théorie littéraire – en document tout aussi capitale pour la théorie de peinture. »
= « Après avoir, malgré son platonisme résiduel, rétabli dans sa version aristotélicienne la théorie de l'imitation en réaffirmant que l'Idée prend sa source dans la nature, Bellori rappelle le conseil qu'Aristote donne aux auteurs tragiques de faire comme les bons peintres, d'imiter la vie telle qu'elle devrait être ; dans une curieuse juxtaposition d'éléments aristotéliciens et platoniciens, il ajoute que “faire des hommes plus beaux qu'ils ne le sont communément et choisir ce qui est parfait relève de l'Idée. En termes aristotéliciens précis, il définit ensuite la peinture comme une représentation de l'action humaine. Il énonce ainsi ce qui était allusif ou implicite chez les critiques antérieurs : la peinture est, comme la poésie, l'imitation d'une action humaine plus belle ou plus significative que la moyenne. À ce sujet, on peut rappeler l'observation parfaitement humaniste et aristotélicienne de Poussin : ayant compris plus profondément peut-être que tous les critiques la portée de l'ut pictura poesis pour l'art du peintre, il disait qu'en peinture, sans l'action, le dessin et la couleur ne servent à rien. » p. 37


Chapitre II : L'invention
    Horace = déconseille de créer de nouveaux sujets, mais plutôt de se borner aux thèmes rendus familiers par la tradition
   // critiques des siècles ultérieurs = conviction que l'invention (inventio) qui recouvrait normalement le choix du sujet aussi bien que l'organisation générale de la composition, devait porter principalement sur thèmes traditionnels
// époque Alberti, peintre digne de ce nom est peintre d'histoire (istoria) = celui qui représente un thème narratif, ancien ou moderne, sacré ou profane, tiré de l'histoire et de la poésie, lesquelles étaient tenues pour des disciplines libérales.
Sujets tirés de la Bible et de l'Antiquité = indispensables pour un bonne invention mais l'étude de la nature doit toujours servir de point de départ, y compris pour renouveler thèmes consacrés
    # Fin XVIe = « le sentiment de l'histoire engendre la bonne composition d'où procède la gravité et la vérité ; les peintres ressemblent aux poètes non seulement parce qu'ils possèdent “il furor d'Apolline“ – cette inspiration divine dont Platon avait parlé dans le Phèdre – mais aussi parce qu'ils ont à représenter les exploits illustres et la gloire des héros » (pensée de Lomazzo)
Bon peintre = doit étudier en profondeur la nature humaine
= peintre érudit, pourvu d'esprit poétique, connaissance de la littérature qui lui fournira des exemples appropriés d'action et d'émotion _ L'“érudition digne d'un homme libre“ (Cicéron) demeure la première source d'inspiration pour peintres autant que poètes
    # XVIIe siècle = sujet noble est une condition sine qua non du grand style, qui vise à la vérité universelle en visant la “belle nature“ = représentation idéalisée des grands évènements de l'Écriture ou de la fable et de l'histoire grecque et romaine 
Poussin = “La nouveauté en peinture ne consiste pas principalement en un sujet jamais vu, mais en une disposition et une expression bonnes et nouvelles, et ainsi le sujet, de commun et vieux qu'il était, devient singulier et nouveau.“ (cité par Bellori dans ses Vies)
    Félibien = on reconnaît un bon peintre à une invention difficile et noble < hiérarchie selon les sujets traités par les peintres _ Supériorité du peintre d'histoire « Imitant Dieu, dont “le plus parfait ouvrage“ est l'homme, il représente des groupes de personnages et emprunte ses sujets à l'histoire et à la fable. “Il [lui] faut représenter de grandes actions comme les Historiens; ou des sujets agréables comme les Poëtes ; et, montant encore plus haut, il faut, par des compositions allégoriques, sçavoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes & les mystères les plus relevez.“ [préface de Félibien à ses Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1669]
    # XVIIIe siècle = accueil varié à la doctrine de l'ut pictura poesis parmi critiques
Roger de Piles [1635-1709] // Joshua Reynolds [1723-1792, peintre anglais, célèbre portraitiste, premier président de la Royal Academy fondée en 1768] tous deux volonté d'un élargissement de la sphère d'activité légitime du peintre
    Lessing = définition austère et restrictive de l'art de peindre
« Car bien que son propos avoué dans le Laocoon soit de dissiper la confusion entre l'art temporel de la poésie et l'art spatial de la peinture, Lessing confond inconsciemment peinture et sculpture en définissant la finalité de la peinture comme la représentation de la beauté corporelle. » beauté dans symétrie et proportion qui donne forme à l'oeuvre
Hostilité face à la peinture allégorique // abbé du Bos [1670-1742] qui écrit “Les peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentiments où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles, & à faire deviner ses sentiments.“ à propos de La Naissance de Louis XIII de Rubens p. 49
«Lessing considérait que l'expression relève plus de la poésie que de la peinture, convaincu qu'en peinture elle tendait à interférer gravement avec la représentation primordiale de la beauté corporelle. »
    Reynolds “Qu'il s'agisse de l'être humain, d'un animal ou même d'objets inanimés, il n'y a rien, même sous des apparences peu flatteuse, qui ne puisse être élevé en dignité ou exprimer un sentiment et produire de l'émotion sous la main d'un peintre de génie. Ce qui a été dit de Virgile, qu'il donnait un air de dignité au fumier répandu sur le sol, pourrait s'appliquer à Titien : quoi qu'il touche, aussi naturellement bas, aussi habituellement familier que ce soit, par une sorte de magie, il le revêt de dignité et d'importance.“ étonnant choix du Titien selon l'auteur, aurait pu être exemple de Chardin p.45
Reynolds, à propos du cycle de Marie de Médicis par Rubens
= « Tout en dénonçant, en accord avec Du Bos, la faute commise par Rubens de mêler des personnages allégoriques aux personnages réels, il souligne qu'en sacrifiant la vérité à la nature Rubens atteint un autre ordre de vérité, plus riche de sens. » « sur ce sujet de l'allégorie en peinture, Reynolds a des mots plus concluants que Lessing quand il poursuit en ces termes […] : “On doit toujours rappeler que la tâche d'un grand peintre est de produire un grand tableau ; il doit par conséquent prendre particulièrement soin de ne pas se laisser détourner de son matériau par des arguments spécieux. Ce qui a été si souvent dit contre la poésie allégorique – qu'elle est ennuyeuse et dépourvue d'intérêt – ne peut s'appliquer aussi exactement en peinture, où l'intérêt est d'un autre ordre. Si la peinture allégorique procure une plus grande variété de beauté idéale, une composition plus riche, plus variée, plus délicieuse, si elle donne à l'artiste une meilleure occasion de déployer son talent, elle présente tout l'intérêt que le peintre recherche ; un tel tableau n'attire pas seulement l'attention, il la retient.“ » p. 51-52


Chapitre III : L'expression
    Génie de la peinture et poésie = connaissance des passions et dans le pouvoir de les exprimer (Lomazzo) // nécessité de connaître exactement les mouvements corporels exprimant l'émotion humaine (Alberti)
Pensée humaniste = âme de l'artiste doit avant tout être capable de ressentir l'expérience humaine avec profondeur (//Horace) ; participation imaginative de l'artiste aux émotions de ces personnages se recrée chez le destinataire de l'oeuvre dans une certaine mesure
    // Léonard = éloge de la peinture, qu'il voit comme supérieur à la poésie, car vivacité des images capable d'inciter les hommes à des actes d'adoration et d'amour p55
= « ses remarques sur l'expression se fondent non sur des prescriptions écrites, mais presque toujours sur une profonde observation personnelle de la vie humaine. Ainsi Léonard compare-t-il les mouvements du bras et de la main qui accompagnent les paroles d'un orateur résolu à persuader son auditoire à ces mouvements par lesquels, en peinture, l'activité mentale des personnages représentés doit être exprimée dans la moindre ambiguité pour que l'illusion de vie recherchée soit convaincante – d'autant plus convaincante que la peinture est elle-même pure illusion et non réalité. » p. 56
= peinture qui n'extériorise pas de manière convaincante les passions de l'âme est selon son expression “deux fois morte“ p.57
    Idée que la peinture a le pouvoir d'émouvoir le spectateur en exprimant des émotions humaines
    # Académiciens (critiques et peintres) = cherchent à « mettre en pratique une rhétorique picturale des gestes et de l'expression du visage, à la fois exacte et complète, qui s'accordât avec les idées de leur siècle en matière de convenances et de “belle nature“ et donnât en même temps satisfaction à son vif intérêt pour la peinture des émotions. » p.61 (// Le Brun et Descartes : caractère psycho-physiologique particulier revêtu par la théorie de l'expression durant les décennies du XVIIe ; univers entier comme tout corps individuel perçu comme une machine)
= « les critiques estimaient que, dans une peinture, tout élément formel ou expressif était un composant logique d'un ordre rationnel et devait donc infailliblement contribuer à manifester une idée dramatique centrale. C'était là un but que, au moins en téhorie, le peintre ne pouvait atteindre que s'il respectait scrupuleusement les règles de l'invention historique, de la disposition (ou “ordonnance“) et de la couleur. » p.63
    Poussin (La Manne) = bonne manière de comprendre le tableau est de le “lire“, tout en le comparant avec l'histoire, non pour en contrôler l'exactitude mais exercice de discrimination pour l'esprit qui aboutit à juger de l'excellence du tableau ; condition de cette excellence est dans capacité du peintre à représenter émotions humaines clairement appropriées au sujet p.67
    Poussin // Descartes = méfiance du mirage de la perception sensorielle et apprécie cette connaissance choisie et ordonnée que seul le pouvoir de la raison peut atteindre
     Félibien // Boileau et sa conception cartésienne = énoncé clair fait suite à une conception claire « si un artiste entend former dans son esprit une sage disposition de l'oeuvre qu'il veut exécuter, il doit d'abord “avoir une connoissance parfaite de la chose qu'on veut représenter, de quelles parties elle doit estre composée, & de quelle sorte l'on doit y proceder.“ [Félibien] […] Un tableau parfait est, comme un poème parfait, une construction logique de la raison humaine, une pensée architectonique où la moindre partie se rattache par un lien de causalité à l'intention dramatique qui informe le tout. Dans la perfection abstraite de l'édifice de la raison résident ces règles que l'esprit peut découvrir par une suite rationnelle de déductions – les règles pour l'invention, la disposition, les convenances, la vraisemblance, l'expression, etc. –, bref, tout le code draconien de l'Académie. » p. 69


Chapitre IV : L'instruction et la délectation
    Exhortation à instruite en même temps que délecter par la peinture et la poésie dérive directement d'Horace (qui pensait surtout à l'effet de l'art dramatique sur le public)
= légitimation morale aux arts soeurs
= « incitation à la vertu, voire, comme l'avait soutenu Lomazzo, un guide dans cette vallée de larmes pour vivre dans la rectitude de la foi chrétienne. » p. 73
     Différent chez Aristote, puisque chez lui la représentation idéale de la vie humaine ne fait pas de l'artiste un moraliste délibéré, mais cette conception peut se rejoindre avec son concept de catharsis = effet d'élévation et de purification de l'esprit, par le spectacle d'un être de haut rang dans la tragédie
    «En estimant que le plus haut accomplissement de la peinture était d'intégrer l'antique 'beau de corps et d'esprit' à la construction dramatique d'un sujet noble qui proclamât la dignité de l'homme en un sens chrétien ou stoïcien, les académiciens étaient conscients du fait que l'instruction morale passait par les règles et qu'il fallait que la peinture, comme la poésie, ainsi que Boileau le prescrivait après Horace : “Partout joigne au plaisant le solide et l'utile.“ Et ils auraient ajouté que le spectateur avisé d'un tableau, tout comme le “lecteur sage“ de Boileau, “…fuit un vain amusement / Et veut mettre à profit son divertissement.“ [L'Art poétique de Boileau,1674] » p. 74
    Théorie didactique de l'art // tradition antique mais aussi médiévale, exprimée par exemple par Dante, « selon laquelle la poésie est le guide et l'institutrice des hommes »


Chapitre V : La convenance
    # Horace définition des buts de la poésie < idées de convenance de la critique des XVIe et XVIIe s. + en partie responsables de l'expression conventionnelle et affectée d'un Le Brun = eut pour effet de pousser la théorie aristotélicienne de l'imitation vers formalisme et didactisme
    Convenance (convenevolezza ou decoro) = peintre adjuré de faire en sorte que dans son art chaque âge, chaque sexe, chaque type d'être humain exhibât ses traits caractéristiques _ devait donné scrupuleusement à chacun de ses personnages le physique / port / geste / expression du visage appropriés
1ère formulation = Alberti dans son De Pictura
// Léonard en convient également = malgré son intérêt pour la variété infinie de la nature, il définit le decoro comme “la convenance dans le geste, l'accoutrement et le lieu“ [Traité] et engage le peintre à prendre garde de la dignité ou la bassesse des choses
     Sorte de débordement au conseil d'éviter l'improbable et le fortuit pour adhérer au typique et au représentatif < concept convenance amène système normatif qui n'était pas propre à encourager originalité artistique < notion antique (comme celle de nature idéale) aboutit à des formes conventionnelles p. 80-81
# Autre idée dans concept de convenance découlant de l'Art poétique d'Horace = adhésion spécifique à ce qui décent et conforme au goût / moralité / religion
= si implicite chez Alberti, après 1550 « les exemples que les critiques relèvent pour illustrer le manque de convenance suggèrent presque toujours l'immoralité, l'irrévérence ou la vulgarité, plutôt que l'improbabilité ou l'absence de représentativité ; attentifs à ce qu'ils considèrent comme sa fonction didactique, les critiques s'intéressent avant tout à ce que l'art soit aussi édifiant que possible. » (// Dolce) p.82
    // critique de la Contre-Réforme sur le Jugement dernier de Michel-Ange = impropriété esthétique dans rendu des muscles selon sexe mais surtout accusé pour « avoir gravement manqué à la modestie, la décence et la vérité sacrée en transformant un sujet religieux en un déploiement d'invention anatomique » (son art conviendrait plus à un bordel qu'à la Sixtine selon propos de l'Arétin rapportés par Dolce en 1557) p.83 + critique dans son choix d'associer histoire biblique et poésie mythologique : « La poésie et la théologie s'opposent fortement dit Gilio, et quand Michel-Ange peignait un important article de foi, c'était son devoir que de s'en rapporter aux théologiens, et non aux poètes. » risque de croyances fausses pour les ignorants_ p. 90 [clerc Gilio da Fabriano = clerc qui écrivit un dialogue sur la peinture, début XVIIe]
    Pas de champ à l'imagination _ Le peintre de sujets religieux doit représenter à la lettre les faits d'histoire et posséder une érudition suffisante pour que ses peintures soient acceptées par les théologiens < Montre « appauvrissement temporaire des valeurs humanistes qui accompagna, au XVIe siècle, la fin de la Renaissance classique et la politique de l'Église enrôlant les arts au service de la morale et du dogme chrétien. » p.94
   # XVIIe = application du concept de convenance implique vérité représentative mais surtout vérité moralement édifiante < précepte selon lequel l'art doit conjointement instruite et délecter (commun ici à Horace)
// Félibien, préface Conférences de l'Académie, considère la convenance (“bienséance“) comme l'une des parties “les plus nécessaires en peinture pour instruire les ignorans & l'une des plus agréables aux yeux des personnes sçavantes“


Chapitre VI : Le peintre érudit
Théorie du peintre érudit = important dans doctrine de l'ut pictura poesis // prototype du doctus poeta de l'Antiquité
    // Idée exprimée par Alberti au XVe peintre gagnera à connaître poètes et érudits ou même s'associer avec ceux de son époque pour se procurer sujets dignes d'intérêt
   mais fin XVIe exagération de ce pédantisme : les critiques de la peinture (et leurs collègues littéraires pour poètes) stipulent que peintre doit connaître la littérature sacrée et profane + géographie, géologie, théologie et us et coutumes de différents pays car « seul un onde de connaissances précises lui permet de témoigner le respect dû aux textes poétiques ou historiques
    «Lecture littérale des tableaux qui s'exerce aux dépens de leur signification dramatique, lecture que pendant deux siècles la critique devait s'efforcer d'encourager au nom de la convenance, ou peut-être de la vraisemblance, ou tout simplement de l'érudition pour elle-même. » p. 100
    # XVIe, sous l'influence de la Contre-Réforme, peintre doit avoir solide connaissance de la littérature religieuse (légendes des saints,…) et converser avec les théologiens pour savoir comment représenter le Ciel, l'Enfer et ses habitants
  Totalité importante de tout un programme d'érudition exigé au peintre (exigences scientifiques et références littéraires étaient déjà conseillées par Alberti et Léonard, dans une moindre mesure) < exactitude absolue avec laquelle il faut rendre l'histoire courante au XVIe siècle < « quelle que soit sa source, le peintre doit faire une citation strictement littérale. » p. 103-104 // Borghini reproche à Titien d'avoir mal lu Ovide et d'autres poètes pour son tableau Vénus et Adonis (1554)
    # Encore plus représentatif au XVIIe, en particulier avec les critiques français qui prescrivent au peintre l'érudition et le respect de la vérité du texte
// débat académiciens autour des tableaux Le Frappement du rocher (16) et Éliézer et Rebecca de Poussin (1648) = complaisance au nom de la vérité historique, ou encore justification de libertés prises avec faits historiques par vérité plus haute atteinte
     Poussin peut-être le plus proche de cette figure du peintre érudit mais souvent il n'a pas de science exacte du costume ou du lieu par exemple, se borne à des généralisations de formes italiennes ou antiques (« Cette subordination de l'érudition à la création artistique était inévitable chez Poussin, comme elle doit l'être chez tout grand peintre érudit qui voit les formes naturelles ou les actions humaines sous l'aspect de l'éternité. »)
     # « si l'on considère les grands artistes de la Renaissance qui peignirent avant que ne se développât la doctrine du peintre érudit, il est incontestable que, quand ils illustraient les fables des poètes ou des sujets tirés de l'histoire ou de l'Écriture, malgré tous les liens qu'ils entretenaient avec les humanistes, jamais ils ne privilégiaient l'érudition, jamais ils ne se souciaient en priorité de suivre scrupuleusement les textes : ils traitaient leur matériau littéraire librement, avec imagination, en l'adaptant aux possibilités de leur propre moyen d'expression et au langage traditionnel de leur art. »
< finalement le peintre érudit « a moins existé dans la réalité que dans l'idée que les critiques du XVIe se sont faites de lui » p.110

Chapitre VII : Renaud et Armide
    Deux personnages issus du poème épique du Tasse, La Jérusalem délivrée, publié en 1581 et qui fournit des sujets aux peintres 10 à 15 ans après
Chapitre qui analyse tableaux qui représentèrent cette épisode : Poussin, Simon Vouet, Andrea Camassei, Le Guerchin, Annibal Carrache, Paolo Finoglio, Giambattista Tiepolo…
    # « les peintres qui illustraient le poème du Tasse se conformaient nécessairement à quelques unes des exigences les plus importantes de la doctrine de l'ut pictura poesis. En empruntant leurs sujets à un poème épique empreint de noblesse et de gravité, dans lequel l'histoire héroïque se combinait avec le merveilleux, ils participaient de la grande invention du poète et, comme lui, imitaient des actions humaines d'un intérêt et d'une signification hors du commun. L'expression, dans laquelle Lomazzo voyait l'essentiel de la ressemblance entre peinture et poésie, devait dépendre du génie des peintres et de l'intérêt qu'ils prenaient aux émotions humaines du poème. […] [convenance laissée aux critiques]
Ils ne se souciaient pas non plus, semble-t-il, du précepte selon lequel la peinture, doit, comme la poésie, instruire et délecter, car ils évitèrent résolument l'action principale du poème, fort sérieuse : le siège et la prise de Jérusalem par les croisés […] ; ils préférèrent pour la plupart les épisodes amoureux et idylliques à dominante lyrique, où une mélancolie tendre, caractéristique du Tasse, trouve à s'exprimer sans entraves. » p.113
    Sujets tirés de ce poème permettent de prolonger tradition pastorale de l'Antiquité (âge d'or) + mythes érotiques (engouement général pour Ovide)
// Renaud et Armide, tableaux de Finoglio (« intense sentiment du baroque ») et celui de Tiepolo (« tendresse malicieuse du rococo ») où les « deux artistes traitent librement le texte du poème, au profit de l'intensité expressive ou de l'effet pictural » p. 146
     # « Non seulement ils prirent des libertés avec le texte lorsque les exigences de la peinture les y poussaient, malgré les interdictions des critiques, mais encore, pour la composition comme pour l'iconographie, ils employèrent des formes traditionnelles que les peintres et sculpteurs de la Renaissance ou leurs prédécesseurs de l'Antiquité avaient mises au point pour illustrer des fables qui présentaient souvent quelque ressemblance avec certains épisodes du poème du Tasse. » connaissance autre que les références littéraires mais « langage traditionnel des arts de la représentation, que son génie convertit en possibilités toujours nouvelles de composition et d'interprétation » p.114
    # «Souvent, dans son oeuvre, Poussin recourt, avec beaucoup d'invention, à l'imagerie antique pour innover en matière picturale : ces évocations subtiles du mythe ancien font affleurer de riches correspondances poétiques ; le langage formel de l'Antiquité, adapté avec discrétion à de nouveaux emplois expressifs, se perpétue dans une éloquente et tangible continuité. » p.120 _ à propos du dessin de Poussin, Armide abandonnée par Renaud, peintre s'inspire de représentations de Ariane abandonnée par Thésée « les altérations apportées par Poussin à la composition antique se caractérisent par la recherche d'une plus grande unité picturale contribuant à la concentration dramatique » p.147


Chapitre VIII : La “virtù visiva
     # Pensée de Léonard de Vinci, théorie du paragone où il place la peinture au plus haut rang et surtout qu'il considère comme supérieure à la poésie = considérait le poète comme un revendeur de marchandises intellectuelles élaborées par d'autres artisans [cf son Traité] Pour lui, invention dans l'art du poète relève aussi de celui du peintre, de même pour l'instruction
    La vue (à laquelle s'adresse la peinture) est un sens supérieur, plus noble que l'ouïe (poésie) ; pour lui « “l'oeil ténébreux“ qui forme dans l'esprit les images poétiques des choses – c'est-à-dire l'imagination poétique – est inférieur à l'oeil corporel du peintre, qui appréhende directement le monde extérieur dans sa richesse et sa variété merveilleuses, alors que l'oeil intérieur du poète en est incapable. » p 156
< Peinture et poésie sont donc pour lui complètement différentes
    « Expliquant pourquoi le peintre est supérieur au poète pour dépeindre une bataille – supériorité qu'il évalue en termes d'immédiateté, de vivacité et de vérité –, Léonard déclare que le peintre montre en un unique instant les diverses actions rapides qui constituent la bataille, par contraste avec la longue et fastidieuse description du poète. » _ De même pour la représentation de la beauté physique = le tableau au contraire du poème donne à voir au même moment tous les traits d'un visage
< appréhension en un seul instant = anticipation sur l'abbé Du Bos et Lessing
    Léonard = le plus important dans la peinture est la manifestation de l'activité de l'esprit par les mouvements du corps « Affirmant que le domaine de l'esprit n'est pas fermé au peintre, Léonard cantonne cependant celui-ci à ce qui, dans cette activité intérieure, est rendue perceptible à la vue par l'intermédiaire du corps. » p. 162 [photocopies]
    # (XVIe) Benedetto Varchi, en 1549 distingue peinture et poésie = « soutenait qu'il revenait en priorité au poète d'imiter “il di dentro“ - les concepts et les passions de l'âme, qui sont intérieurs – et au peintre d'imiter “il di fuori“ - les corps et les caractéristiques du monde extérieur. »
    # début XVIIIe siècle = Du Bos = première fois depuis près de deux siècles qu'une nouvelle distinction est faite entre poésie / peinture, en montrant sujets qu conviennent le mieux au peintre d'un côté et de l'autre au poète
< souligne surtout la capacité de variété–simultanéité de la peinture
< supériorité de la poésie par capacité à représenter pensées sublimes, complexité morale + rendre compte de plusieurs évènements distincts dans le temps :
« Mais l'art temporel l'emporte sur l'art spatial en ce que le poète arrive à représenter les pensées sublimes ou subtiles qui accompagnent les passions de l'âme, alors que le peintre en est incapable, bien qu'il dépeigne les émotions avec plus de vivacité ; de même, alors que le peintre ne le peut pas, le poète arrive à rendre la complexité morale d'un personnage et donner un sens supérieur aux évènements en le reliant dramatiquement aux évènements précédents. Dans la langue de son époque, Du Bos appelle “sublime de rapport“ cette dernière possibilité, évidemment exclue pour le peintre, qui doit se limiter à un seul événement situé dans un moment unique. » p. 164
= anticipation sur Lessing


Chapitre IX : L'unité d'action
    Plus grand compliment que de faire remarquer à un peintre qu'il a respecté, comme un poète dramatique, la règle de l'unité de temps de lieu et d'action // pensée cartésienne de l'ordre et la clarté
    Nouveauté dans la doctrine de l'ut pictura poesis = concept formel de l'unité d'action (concept emprunté à Aristote mais qui n'en a pas la même signification,) et non de contenu (invention/expression/convenance)
     Avec La Manne, si Le Brun donne des intentions didactiques à Poussin, Félibien fonde son argumentation sur des bases esthétiques _ Avec ce tableau, on ne peut « accuser Poussin d'avoir mis quoi que ce soit dans son tableau qui compromît l'unité d'action, qui fût contraire à la probabilité ou […] trop éloigné de la vérité historique » p. 167
Pour Félibien, « il allait de soi, à une époque qui voyait dans le peintre un moraliste, un poète et un historien, qu'un homme cultivé lût comme un texte le tableau qu'il regardait : d'ailleurs Poussin lui-même l'y incitait, alors qu'il ne reconnaissait pas à l'art de fonction didactique. » p.169
    Félibien attribue à tort théorie aristotélicienne de l'unité d'action à l'oeuvre de Poussin = « Pour le dramaturge, l'unité d'action est un principe critique extrêmement précieux, qui concrétise une norme de sobriété et de concentration et qui met en garde contre l'adjonction d'éléments accidentels ou sans rapport avec l'action, dans un art où la succession temporelle des évènements doit s'acheminer avec cohérence vers une fin inévitable. Mais en peinture, après l'abandon de la représentation continue [où plusieurs scènes, séparées dans le temps, étaient représentées simultanément dans le tableau], ce principe ne pouvait avoir aucun sens dans son acceptation aristotélicienne, parce que l'équivalent en peinture de l'unité d'action selon Aristote, qui serait de représenter un événement de façon que tous les éléments picturaux servent simultanément à exprimer une seule action dramatique, ne pouvait nécessairement inclure qu'un seul moment du temps, du fait des contraintes du moyen d'expression employé. Une fois cela admis, il devient clair que toute tentative d'appliquer à la peinture le principe de l'unité d'action tel qu'Aristote l'appliquait au drame aboutit à une erreur esthétique. » p. 170
    Critique de cette conception par Reynolds = observe que cette tendance conduit aussi à trouver dans les oeuvres “ce que l'on est résolu à y trouver“ (analyses psychologisantes de Le Brun) _ Selon lui, “[les critiques] font l'éloge de valeurs qui ne peuvent coexister ; et par-dessus tout, ils aiment décrire, avec une grande exactitude, l'expression de passions complexes, qui, à la réflexion, se révèlent inaccessibles à notre art.“ _ exprimer passions complexes dépassent capacités de la peinture
     # Lessing = concession à l'imagination temporelle avec théorie du moment le plus fécond : le peintre se limite certes à un seul moment du temps, mais il doit choisir le moment de l'action ou de l'émotion – moment légèrement en retrait, de manière que l'expressivité ne nuise pas à la beauté – qui suggère le mieux ce qui s'est passé ou encore ce qui est à venir. Lessing ne semble malheureusement pas avoir compris les implications de cette théorie en dehors de l'art antique. […] On tiendra compte toutefois de ce qu'il s'efforce de considérer l'art, non comme la simple réalisation objective de belles formes, mais aussi dans ses effets sur l'imagination […]. Lessing aurait été le premier à récuser tous ceux pour qui l'instant fécond aura été décidément trop fécond. » [//spéculations sur vie intérieure des personnages ou perception action extérieure à l'oeuvre] p. 173

Conclusion
    Reynolds = « Ainsi, d'après l'un de des derniers et plus éclairés parmi les adeptes de l'ut pictura poesis […], la principale ressemblance qui rapproche la peinture de la poésie réside, non dans les respect d'une série de règles empruntées à “l'art soeur“, ni dans on ne sait quelles correspondances formelles bien imaginaires, mais dans la “noblesse de conception“. Pour Reynolds, le sens le plus profond de la peinture, comme de la poésie, est de révéler et d'interpréter ce qui fait la dignité de la vie des hommes. Il avait la conviction que la peinture ne se réduit jamais à un pur art de la vue, mais que c'est l'esprit, auquel l'oeil se subordonne, qu'à l'instar du poète, le peintre de génie cherche avant tout à s'adresser. » p. 178  cf. photocopies (3pages) = à la fois résumé et conclusion + explique rapidement changements XVIII-XIXe

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire