Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

Un grand nombre des articles que vous trouverez ici vous présenteront des fiches de lecture concernant les livres indiqués dans les différentes bibliographies relatives aux épreuves écrites.

N’hésitez pas à ajouter vos commentaires, indications et liens utiles.

mardi 22 janvier 2013

"L'image intolérable" - Jacques Rancière, in Le spectateur émancipé.

Jacques RANCIERE, « L'image intolérable », Le spectateur émancipé, Paris : La Fabrique, 2008.

Résumé du texte : Rancière s'intéresse aux images « intolérables » : celles qu'on voit quotidiennement mais qui expriment une horreur. Il y a toujours une ambivalence entre le courage affiché de présenter ce type d'images et le risque de tomber dans un voyeurisme malsain. Plusieurs interrogations : l'image doit-elle culpabiliser le spectateur ? Dans quelle mesure ?
l'image par rapport aux mots : l'irreprésentable (de la Shoah) doit-il s'exprimer par des mots (témoignages?) ou des visuels ? L'image ne peut pas rendre compte de tout, elle n'est pas l'équivalent d'un fait mais un autre type de rapport avec celui-ci, de même que le témoignage oral.
Comment l'art contemporain est-il en mesure de dépasser le régime de l'Information pour établir une autre relation à l'irreprésentable ?

Notes de lecture :

p. 93 : « Qu'est-ce qui rend une image intolérable ? »
    • les traits de cette image ;
    • ET autre question : « est-il tolérable de proposer à la vue de telles images ? »
S'appuie sur une œuvre d' OLIVIERO TOSCANI : affiche d'une jeune femme anorexique placardée dans tout Milan lors de la semaine de la mode en 2007. plusieurs questions apparaissent :
    • dénonciation courageuse ?;
    • exhibition de la vérité du spectacle : belle apparence mais aussi réalité abjecte ?
p.93 : « Le photographe opposait à l'image de l'apparence une image de la réalité. (…) On juge que ce qu'elle montre est trop réel, trop intolérablement réel pour être proposé sur le mode de l'image. (…) L'image est déclarée inapte à critiquer la réalité parce qu'elle relève du même régime de visibilité que cette réalité, laquelle exhibe tour à tour sa face d'apparence brillante et son revers de vérité sordide qui composent un seul et même spectacle. »
p.94 : « Ce déplacement de l'intolérable dans l'image à l'intolérable de l'image s'est trouvé au cœur des tensions affectant l'art politique. (…) [sur les collages sur le Vietnam de Martha Rosler] Il n'y aurait alors plus d'intolérable réalité que l'image puisse opposer au prestige des apparences mais un seul et même flux d'images, un seul et même régime d'exhibition universelle, et c'est ce régime qui constituerait aujourd'hui l'intolérable. »
L'image, pour être effective politiquement (et pour que le spectateur ne se contente pas de fermer les yeux), doit déjà nécessiter une sorte d'adhésion implicite au discours artistique.
p. 95 : « En bref, [le spectateur] doit se sentir déjà coupable de regarder l'image qui doit provoquer le sentiment de sa culpabilité. »
Sur Guy Debord, La Société du spectacle. L'image n'a plus le pouvoir de montrer l'intolérable. p.96 : « La seule chose à faire semblait être d'opposer à la passivité de l'image, à sa vie aliénée, l'action vivante. »
p. 97 : « [Debord] demande que nous prenions à notre compte l'héroïsme du combat, que nous transformions cette charge cinématographique [celle d'un Errol Flynn dans un western hollywoodien], jouée par des acteurs, en assauts réels contre la société du spectacle. » Mais la démonstration de notre culpabilité nous dit aussi que nous n'agirons jamais.
Sur des photographies d'Auschwitz présentées lors d'une exposition parisienne, Mémoire des camps. Deux positions se font face : soit l'image est intolérable parce que trop réelle ; soit l'image de représente pas l'extermination des Juifs parce que ce fait est irreprésentable (position de Gérard Wajcman). Il affirme que c'est un savoir, un « nouveau savoir. » Mais selon Rancière, p.100 : « Qu'est-ce qui distingue la vertu du témoignage de l'indignité de la preuve ? Celui qui témoigne par un récit de ce qu'il a vu dans un camp de la mort fait œuvre de représentation, tout comme celui qui a cherché à enregistrer une trace visible. »
p. 102-103 : A propos de la distinction des différents types de témoignages. En résumé : est meilleurs témoin celui qui ne veut pas témoigner parce que son silence exprime à lui seul l'indicible de l'intolérable. «  Et le commentateur qui déclarait impossible de distinguer sur la photographie d'Auschwitz les femmes envoyées à la mort d'un groupe de naturistes en promenade semble n'avoir aucune difficulté à distinguer les pleurs qui reflètent l'horreur des chambres à gaz de ceux qui expriment en général un souvenir douloureux pour un cœur sensible. La différence, de fait, n'est oas dans le contenu de l'image : elle est simplement dans le fait que la première est un témoignage volontaire alors que la seconde est un témoignage involontaire. La vertu du (bon) témoin est d'être celui qui obéit simplement à la double frappe du Réel qui horrifie et de la parole de l'Autre qui oblige. »
p. 103 : Sur le statut de l'image : « La représentation n'est pas l'acte de produire une forme visible, elle est l'acte de donner un équivalent, ce que la parole fait tout autant que la photographie. L'image n'est pas le double d'une chose. Elle est un jeu complexe de relations entre le visible et l'invisible, le visible et la parole, le dit et le non-dit. (…) Elle est toujours une altération qui prend place dans une chaîne d'images qui l'altère à son tour. »
p. 104 : « [Les larmes] sont à la place des mots qui étaient eux-mêmes à la place de la représentation visuelle de l’événement. Elles deviennent une figure d'art, l'élément d'un dispositif qui vise à donner une équivalence figurative de ce qui est advenu dans la chambre à gaz. Une équivalence figurative, c'est un système de relations entre ressemblance et dissemblance, qui met lui-même en jeu plusieurs sortes d'intolérable. »

Comprendre les usages de l'image avec l’idolâtrie, l'ignorance ou la passivité.
S'arrête sur l'artiste chilien Alfredo Jaar à propos de ses œuvres sur le génocide rwandais en 1994.
Installation Real Pictures : boîtes noires dans lesquelles sont enfermées des photographies de Rwandais qu'on ne peut pas voir. On sait ce que contiennent les boîtes grâce à une description, une légende. Ici opposition apparente entre texte et image. Pourtant le texte ne tente pas de se substituer à l'image mais instaure un autre type de relation avec elle. p. 105 : « Il s'agit de construire une image, c'est-à-dire une certaine connexion du verbal et du visuel. Le pouvoir de cette image est alors de déranger le régime ordinaire de cette connexion, tel que le met en œuvre le système officiel de l'information. »
Opinion courante : ce système d'information nous submerge d'images d'horreurs. Rancière explique au contraire qu'il n'y a que peu d'images d'horreurs, qu'elles sont très finement choisies mais qu'au contraire une masse de commentateurs nous explique ce qu'il y a d'horreur dedans et ce que nous devons en penser. p.106 : « Si l'horreur est banalisée, ce n'est pas parce que nous en voyons trop d'images. Nous ne voyons pas trop de corps souffrants sur l'écran. Mais nous voyons trop de corps sans noms, trop de corps incapables de nous renvoyer le regard que nous leur adressons, de corps qui sont objet de parole sans avoir eux-mêmes la parole. (…) La politique propre à ces images consiste à nous enseigner que n'importe qui n'est pas capable de voir et de parler. »

Déplacement de la question : faut-il ou non montrer ces images intolérables ? À celle du : quel dispositif pour les montrer ?
p.111 : « Le traitement de l'intolérable est ainsi une affaire de dispositif de visibilité. (…) Le problème n'est pas d'opposer la réalité à ses apparences. Il est de construire d'autres réalités, d'autres formes de sens commun, c'est-à-dire d'autres dispositifs spatiaux-temporels, d'autres communautés des mots et des choses, des formes et des significations. »

Nécessité d'une résistance à l'anticipation des effets. Sur le travail sur le conflit israélo-palestinien par Sophie Ristelhueber.
p.114 : « Je parle ici de curiosité, j'ai parlé plus haut d'attention. Ce sont là en effet des affects qui brouillent les fausses évidences des schémas stratégiques ; ce sont des dispositions du corps et de l'esprit où l’œil ne sait pas par avance ce qu'il voit ni la pensée ce qu'elle doit en faire. Leur tension pointe ainsi vers une autre politique du sensible, une politique fondée sur la variation de la distance, la résistance du visible et l'indécidabilité de l'effet. Les images changent notre regard et le paysage du possible si elles ne sont pas anticipées par leur sens et n'anticipent pas leurs effets. »

lundi 21 janvier 2013

Le partage du sensible, esthétique et politique de Jacques Rancière. La fabrique éditions

Le partage du sensible
esthétique et politique
de Jacques Rancière

Des régimes de l'art …

« la mimesis est d'abord le pli dans la distribution des manière de faire et des occupations sociales qui rend les arts visibles. Elle n'est pas un procédé de l'art mais un régime de visibilité des arts. »

« A ce régime représentatif s'oppose le régime que j'appelle esthétique des arts. Esthétique, parce que l'identification de l'art ne s'y fait plus par une distinction au sein des manière de faire, mais par la distinction d'un monde d'être sensible propre aux produits de l'art.[...]Il renvoie proprement au mode d'être spécifique de ce qui appartient à l'art, au mode d'être de ses objets . Dans le régime esthétique des arts, les choses de l'art sont identifiées par leur appartenance à un régime spécifique du sensible. »(p31)

« Cette idée d'un sensible devenu étranger à lui-même, siège d'une pensée elle-même devenue étrangère à elle-même, est le noyau invariable des identifications de l'art qui configurent originellement la pensée esthétique […] Le régime esthétique des arts est celui qui proprement identifie l'art au singulier et délie cet art de toute règle spécifique, de toute hiérarchie des sujets, des genres et des arts. Mais il le fait en faisant voler en éclats la barrière mimétique qui distinguait les manières de faire de l'art des autres manières de faire et séparait ses règles de l'ordre des occupations sociales. Il affirme l'absolue singularité de l'art et détruit en même temps tout critère pragmatique de cette singularité. Il fonde en même temps l'autonomie de l'art et l'identité de ses formes avec celles par lesquelles la vie se forme elle-même. »(p33)

« La foi moderniste s'était accrochée à l'idée de cette « éducation esthétique de l'homme » que Schiller avait tirée de l'analytique kantienne du beau. Le retournement postmoderne a eu pour socle théorique l'analyse lyotardienne du sublime kantien, réinterprété comme scène d'un écart fondateur entre l'idée et toute présentation sensible.[...] Et la scène de l'écart sublime est venue résumer toutes sortes de scènes de péché ou d'écart originel : la fuite heideggerienne des dieux ; l'irréductible freudien de l'objet insymbolisable et de la pulsion de mort ; la voix de l' Absolument Autre prononçant l'interdit de la représentation ; le meurtre révolutionnaire du Père. Le postmodernisme est alors devenu le grand thrène de l'irreprésentable/intraitable/irrachetable, dénonçant la folie moderne de l'idée d'une auto-émancipation de l'humanité de l'homme et son inévitable et interminable achèvement dans les camps d'extermination. » (p43)

Des arts mécaniques...

« Le régime esthétique des arts , c'est d'abord la ruine du système de la représentation, c'est-à-dire d'un système où la dignité des sujets commandait celle des genres de la représentation (tragédie pour les nobles, comédie pour les gens de peu ; peinture d'histoire contre peinture de genre, etc.) Le système de la représentation définissait, avec les genres, les situations et les formes d'expression qui convenaient à la bassesse ou à l'élévation du sujet. Le régime esthétique des arts défait cette corrélation entre sujet et mode de représentation.(p48)

« C'est la science historique nouvelle et les arts de reproduction mécanique qui s'inscrivent dans la logique de la révolution esthétique . Passer des grands événements et personnages à la vie des anonymes, trouver les symptômes d'un temps , d'une société ou d'une civilisation dans des détails infimes de la vie ordinaire, expliquer la surface par les couches souterraines et reconstituer des mondes à partir de leurs vestiges, ce programme est littéraire avant d'être scientifique. »(p50)

« Dans Guerre et Paix, Tolstoï opposait les documents de la littérature, empruntés aux récits et témoignages de l'action des innombrables acteurs anonymes, aux documents des historiens empruntés aux archives-et aux fictions-de ceux qui croient diriger les batailles et faire l'histoire . » (p51)

« Ce que le cinéma et la photo reprennent, c'est cette logique que laisse apparaître la radition romanesque, de Balzac à Proust et au surréalisme, cette pensée du vrai dont Marx, Freud, Benjamin et la tradition de la « pensée critique » ont hérité : l'ordinaire devient beau comme trace du vrai. »
(p52)
(Balzac, Hugo, Flaubert, ...les émigrants de L'Entrepont de Stieglitz, les portraits frontaux de Paul Strand ou de Walker Evans.)

Des modes de la fiction...

« (Balzac) établit un régime d'équivalence entre les signes du roman nouveau et ceux de la description ou de l'interprétation des phénomènes d'une civilisation. Il forge cette rationalité nouvelle du banal et de l'obscur qui s'oppose aux grands agencements aristotéliciens et deviendra la nouvelle rationalité de l'histoire de la vie matérielle opposée aux histoires des grands faits et des grands personnages. » (p59)

« La révolution esthétique bouleverse les choses : le témoignage et la fiction relèvent d'un même régime de sens. D'un côté l'« empirique » porte les marques du vrai sous forme de traces et d'empreintes. « Ce qui s'est passé » relève donc directement d'un régime de vérité, d'un régime de monstration de sa propre nécessité. De l'autre «  ce qui pourrait se passer » n'a plus la forme autonome et linéaire de l'agencement d'actions. »(p59)

« Cette articulation est passée de la littérature au nouvel art du récit, le cinéma. Celui-ci porte à sa plus haute puissance la double ressource de l'impression muette qui parle et du montage qui calcule les puissances de signifiance et les valeurs de vérité . »(p60)

mardi 15 janvier 2013


Le statut de l'art chez Kant in L'ardent sanglot. Cinq études sur l'art. 1994 ed Encre Marine
par Nicolas Grimaldi

Espoir et désespoir de la raison.

« S'il est vrai , comme dans l'empirisme, que tout savoir commence avec l'expérience , la raison a toutefois trouvé le moyen d'échapper au désespérant et humiliant scepticisme que Hume avait développé comme l'inévitable corollaire d'un aussi précaire fondement »

« Mais à quoi bon pour la raison avoir sauvé ce qui ne peut toutefois lui servir à si peu que rien ?Car à l'inverse de l'espoir que l'invincibilité des mathématiques avait pu donner à la raison cartésienne, leur nature transcendantale ne permet précisément pas à la raison kantienne d'espérer pouvoir construire les objets de notre connaissance à la manière dont les mathématiques construisent les leurs dans les formes a priori de toute intuition sensible possible »

« 1ère conséquence d'un savoir qui ne puisse être reçue sinon dans l'espace et dans le temps : C'est qu'il ne peut rien y avoir d'absolument inétendu ou d'absolument intemporel qui puisse être jamais connu. Ni l'âme , si on entend par là la permanence d'une substance inétendue, ni Dieu, si on entend par là un être éternel qui serait partout actif et présent nulle part, ne peuvent être l'objet d'aucune science. La raison kantienne vient donc de découvrir ainsi que ce qui lui importe le plus est ce qu'elle est le moins capable de connaître. Mais comme dans la nature cartésienne , où tout est explicable rien n'est merveilleux. »

« Car si les règles de l'entendement constituent en ce sens « la source de toute vérité », elles n'en sont pas pour autant les conditions de toute réalité »

« Ce qui est proprement esthétique dans un objet , nous rappelle Kant , c'est ce qu'il y a de simplement subjectif dans sa représentation ; c'est à dire ce qui, ne pouvant participer à aucune connaissance , est seulement le plaisir ou la peine que nous retirons de sa représentation . »

« Le premier problème à se poser à propos du plaisir esthétique est à la fois celui de sa réalité et de la réalité de ce qui le produit.  « Cette prétention à l'universalité , constate Kant , appartient si essentiellement à un jugement qui affirme la beauté d'une chose qu'il ne viendrait à l'esprit de personne d'user de ce terme sans lui attribuer une validité universelle. » Or , comme ce qui plait matériellement aux sens est particulier à chacun l'inclination qu'on retire de ce qui nous est agréable ne peut-être qu'incommunicable, et ne saurait donc participer en rien au jugement esthétique. »

« En quoi peut bien consister la paradoxale réalité de ce plaisir que nous éprouvons sans que nos sens ni notre entendement y puissent être intéressés ?

A cette question Kant donne 3 réponses :

1-  « De même qu'il n'y a rien d'universalisable qui ne soit désintéressé , il n'y a rien d'universel qui ne soit transcendantal. Cette communicabilité universelle n'est pas celle d'un concept , il reste seulement qu'elle soit celle de « l'état d'esprit produit, dans cette contemplation par le rapport de nos facultés de représentation », c'est à dire par le libre jeu de l'entendement et de l'imagination.
Telle est la première réalité de l'expérience esthétique chez Kant , qui consiste dans le plaisir d'éprouver, à l'occasion de cette pure contemplation , «  l'harmonie de nos facultés », comme si la spontanéité de chacune s'épanouissait et s'accomplissait dans la libre invention de ce jeu sans contrainte. »

2- « De même que nous avons dû éprouver naguère « un plaisir très remarquable devant la compréhensibilité de la nature », de même l'expérience de la beauté suscite en nous le plaisir d'éprouver une secrète convenance (Einstimmung). Une sorte de connivence et de camaraderie entre la réalité empirique de la nature, ses compositions, ses formes, ses entrelacs et la spontanéité de nos propres facultés de représentation. »

3- « Le plaisir relatif à l'objet est sa communicabilité même. Le plaisir relatif à l'objet (dans une pure contemplation), nous dit Kant , est la conséquence de la communicabilité universelle de l'état d'esprit qui suscite sa représentation. Non pas un simple plaisir de sociabilité, c'est l'humanité tout entière que nous sentons convoquée et rassemblée autour de nous, le grand rassemblement de l'Église Invisible. »

« Dans le jugement de goût nous n'avons pas affaire à une beauté adhérente, puisque la beauté adhérente n'est autre chose que la gloire du concept rayonnant à travers la matière où il s'accomplit. Non plus d'un intérêt empirique proche de la sensualité d'un agrément (couleur de coquillage, chatoiement de plumages, chant de rossignols). Ce qui nous plaisait dans ces fleurs ou dans ce chant s'était donc pas tant leur forme que l'attendrissante et réconfortante pensée qu'elle nous était adressée par la nature elle-même. Seules les œuvres de l'art peuvent par conséquent nous procurer un plaisir esthétique absolument désintéressé. (à condition que ce ne soit ni des illusions de la nature, ni un divertissement quelconque) »

art = « ce qui a été produit par une liberté qui a mis la raison au fondement de son action ».
Sans qu'un concept ait transi cette volonté, on sent qu'une volonté transit cette œuvre entière . »

« Pour qu'une œuvre d'art soit perçue comme telle, il faut que bien que le propre de la finalité d'une œuvre soit intentionnelle ,(comme celle de n'importe quel objet produit par une technique) il faut qu'en même temps elle paraisse n'être pas intentionnelle. » §45 de la critique du jugement.
« Une œuvre d'art a l'apparence de la nature lorsqu'on y trouve une rigoureuse et exacte conformité aux règles selon lesquelles le produit peut devenir ce qu'il doit être ; mais cela ne doit pas être pénible; le procédé scolaire ne doit pas transparaître. En d'autres termes l'œuvre ne doit en rien laisser soupçonner que l'artiste ait pu être gouverné par aucune règles... ».Selon la formule d'Ingres, « l'art cache l'Art ». Par conséquent, le propre d'une œuvre d'art serait que la finalité externe y prit l'apparence d'une finalité interne. Si prodigieuse y doit donc être la technique, que le métier en vient à gommer toute trace du métier. Semblant donc manifester la même spontanéité organique, la même individualité et la même autonomie créatrice d'un être vivant, toute œuvre d'art parait ainsi figurer qu'en sa liberté l'esprit pourrait donner la vie aux choses. C'est pourquoi, dans l'instruction a ses Propylées de 1798, Goethe pourra dire que «  la plus fondamentale exigence envers un artiste sera toujours qu'il produise quelque chose de semblable aux phénomènes de la nature...; qu'il crée en rivalisant avec la nature, quelque chose de spirituellement organique, de sorte que son œuvre paraisse à la fois naturelle et surnaturelle. »

« S'il n'y a d'art que du génie, il n'y a de génie sans virtuosité , pas de virtuosité sans talent, pas de talent sans métier, et pas de métier sans apprentissage. A défaut qu'elle puisse en être une condition suffisante, l'une des conditions nécessaire de l'art est donc l'assimilation de processus mécaniques. Comment l'art peut-il être distingué de la nature s'il doit paraître naturel, et comment peut-il avoir l'apparence de la nature s'il doit en même temps nous donner conscience qu'il ne s'agit nullement d'une production de la nature? C'est par l'originalité de sa théorie du génie que Kant nous paraît résoudre cette aporie :-  « il n'y a pas de génie sans règles » mais il n'y a pas de règle du génie. Le génie ne peut ni s'apprendre, ni s'enseigner. Son premier caractère est « l'originalité » même. (§ 46)
Sans généalogie, sans ascendance, sans passé, il est l'intrusion dans la nature d'un pur commencement, exemplaire dans l'audace de son originalité.
Mais l'originalité n'est pas la seule condition au génie car «  l'absurde aussi peut-être original ».
Comme en témoigne la plus banale expérience de l'art, sans que l'œuvre change jamais, la perception que nous en avons peut indéfiniment changer. »

Percevoir =jouer = interpréter

« Dans l'expérience de l'art, tout est donc toujours en la merveille de son premier instant en sorte que, n'en finissant pas de commencer, la contemplation d'une œuvre nous introduit en l'éternité même. Parce qu'aucune intuition ne pouvait jamais correspondre à ces Idées de la raison, parce que notre raison ne pouvait donc jamais voir ce qu'elle ne pouvait que concevoir , elle faisait ainsi mélancoliquement , dans son usage théorique, l'expérience métaphysique de l'absence . Mais lorsque vient le poète et qu'il ose « donner une forme sensible aux Idées de la raison. » , voici que grâce à son art et a son imagination créatrice, le libre jeu de nos facultés vient effectivement à nous représenter ce qui dans la nature ne peut jamais être présenté, et à nous faire pressentir ce qu'on ne peut jamais y sentir.
Par la médiation de l'art, c'est donc la nature-elle-même-qui nous entretient de notre connaturalité avec le surnaturel. La causalité mécanique peut effectivement conspirer avec la causalité finale, l'ordre de la nécessité accueillir les œuvres de la liberté et la nature secrètement préparer l'avènement du surnaturel.
L'homme tend vers le surnaturel et l'ordre de la nature concourt à l'état de Grâce. »
« En analysant le statut de l'œuvre d'art et de sa production par le Génie, la critique du jugement esthétique répond à cette problématique, à savoir, une finalité à la nature. »


vendredi 11 janvier 2013

Essais esthétiques


Essais esthétiques

Hume

De la délicatesse du goût et de la passion

Comparaison entre la délicatesse de passion et la délicatesse de goût.
« Bref, la délicatesse de goût a le même effet que la délicatesse de passion : elle élargit la sphère à la fois de notre bonheur et de notre misère, et nous rend sensible à des peines aussi bien qu’à des plaisirs qui échappent au reste de l’humanité. »

Cependant « la délicatesse de goût doit être désirée et cultivée autant qu’il faut déplorer la délicatesse de passion ».
En effet, la délicatesse de passion s’attache à des phénomènes sur lesquels nous n’avons que peu de pouvoir. En revanche, la délicatesse de goût est dépendante de nos choix : « tout homme avisé essaiera de placer son bonheur dans des objets tels qu’ils dépendent principalement de lui même ».
« Quand un homme possède ce talent, il est plus heureux par ce qui plaît à son goût que par ce qui satisfait ses appétits ».

D’après Hume, il faut donc privilégier la délicatesse de goût, et se débarrasser d’une trop grande délicatesse de passion, or justement, pour lui la première constitue un remède à la seconde : « rien n’est si propre à nous guérir de cette délicatesse de passion que de cultiver ce goût plus élevé et plus raffiné qui nous rend capables de juger des caractères des hommes, des compositions du génie, et des productions des arts les plus nobles. »

Hume indique qu’il faut prioritairement « cultiver notre goût dans les arts libéraux », et qu’ainsi « notre jugement se fortifiera par cet exercice. »

Il apporte une précision, on peut même parler de rectification, au sujet du rapport délicatesse de passion / délicatesse de goût.
« Après une réflexion plus approfondie, je trouve que cela augmente plutôt notre sensibilité à toutes les passions tendres et agréables ; en même temps que cela rend l’esprit incapable des plus grossières et violentes émotions. »

La fréquentation et l’étude du beau ne permettent pas seulement le développement de la délicatesse de goût, elle permet également l’amélioration et le raffinement de l’individu :

« Rien n’améliore autant le caractère que l’étude des beautés, qu’il s’agisse de la poésie, de l’éloquence, de la musique, ou de la peinture. Elles donnent une certaine élégance de sentiments à laquelle le reste de l’humanité est étranger. »

« Elles détournent l’esprit de la précipitation propre aux affaires et à l’intérêt, entretiennent la réflexion, disposent à la tranquillité, et produisent une mélancolie agréable qui, de toutes les dispositions de l’esprit est la mieux appropriée à l’amour et à l’amitié. »

« Le jugement peut être comparé à une horloge ou a une montre, où la machine la plus ordinaire suffit à dire les heures. Mais seule a plus élaborée peut désigner les minutes et les secondes, et distinguer les plus petites différences de temps. »

De la norme du goût

Hume commence par reconnaître l’existence d’une « grande variété de goût et d’opinion ». Ainsi cette « grande différence » de goût peut se constater « même là où les personnes ont été éduquées sous le même gouvernement, et ont de bonne heure été imprégnées des mêmes préjugés. »
Et plus on voyage, plus on découvre « la grande contrariété et diversité de ces goûts ».

« Les sentiments des hommes diffèrent souvent à l’égard de la beauté et de la difformité de toutes sortes, même quand leur discours général est le même. »

Cependant : « tous les hommes qui utilisent la même langue doivent tomber d’accord dans l’application de ces termes. »
La connaissance et le respect de ces termes spécifiques constituent un outil précis d’analyse.

Le débat esthétique se fait souvent à propos de détails alors qu’on s’accorde vite sur l’impression générale.
« Dans toutes les matières relevant de l’opinion et de la science, le cas est inverse : la différence entre les hommes réside dans les points de vus généraux plutôt que dans les détails. »

« La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. »
« Chercher la beauté réelle ou la réelle laideur est une vaine enquête ».

Estimer de la même façon deux œuvres qualitativement très éloignées témoigne d’un manque flagrant de goût : « le principe de l’égalité naturelle des goûts est alors totalement oublié et, tandis que nous l’admettons dans certaines occasions, où les objets semblent approcher de l’égalité, cela paraît être un extravagant paradoxe, ou plutôt une absurdité tangible, là où des objets aussi disproportionnés sont comparés ensemble. »

« Il est évident qu’aucune des règles de la composition n’est fixée par des raisonnements a priori ».
« Le fondement de ces règles est le même que celui de toutes les sciences pratiques : l’expérience. »
« Mais, bien que la poésie ne puisse jamais se soumettre à l’exacte vérité, elle doit être contenue par les règles de l’art, révélées à l’auteur soit par le génie, soit par l’observation. »

« Bien que toutes les règles générales de l’art soient fondées seulement sur l’expérience et sur l’observation des sentiments communs de la nature humaine, nous ne devons pas imaginer que, à chaque occasion, les sentiments des hommes seront conformes à ces règles. »

« La moindre entrave extérieure à de tels petits ressorts, ou le moindre désordre interne, perturbe leur mouvement et dérègle les opérations de la machine tentière*. »
* en référence à la comparaison faite entre le jugement et une horloge.

Question du génie : « pour un vrai génie, plus ses œuvres durent, et plus largement sont-elles répandues, plus sincère est l’admiration qu’il rencontre. »

« Il apparaît alors que, au milieu de la variété et du caprice du goût, il y a certains principes généraux d’approbation ou de blâme dont un œil attentif peut retrouver l’influence dans toutes les opérations de l’esprit. Certaines formes ou qualités particulières, de par la structure originale de la constitution interne de l’homme, sont calculées pour plaire et d’autres pour déplaire, et si elles manquent leur effet dans un cas particulier, cela vient d’une imperfection ou d’un défaut apparent dans l’organe. »

« Dans toute créature, il y a un état sain et un état déficient, et le premier seul peut être supposé nous offrir une vraie norme du goût et du sentiment. A supposer que, dans l’organisme en bonne santé, on constate une uniformité complète ou importante de sentiments parmi les hommes, nous pouvons en tirer une idée de la beauté parfaite. »

Comparaison du jugement esthétique avec le jugement gustatif, exemple de l’anecdote du vin dans Don Quichotte.
« C’est avec une bonne raison, dit Sancho, que je prétends avoir un jugement sur les vins : c’est là une qualité héréditaire dans notre famille. Deux de mes parents furent une fois appelés pour donner leur opinion au sujet d’un fût de vin, supposé excellent parce que vieux et de bonne vinée. L’un d’eux le goûte, le juge et, après mûre réflexion, énoncé que le vin serait bon, n’était ce petit goût de cuir qu’il perçoit en lui. L’autre, après avoir pris les mêmes précautions, rend aussi un verdict favorable au vin, mais sous la réserve d’un goût de fer, qu’il pouvait aisément distinguer. Vous ne pouvez imaginer à quel point tous deux furent tournés en ridicule pour leur jugement. Mais qui rit à la fin ? En vidant le tonneau, on trouva en son fond une vieille clé, attachée à une lanière de cuir. »

« Bien qu’il soit assuré que la beauté et la difformité, plus encore que le doux et l’amer, ne peuvent être des qualités inhérentes aux objets, mais sont entièrement le fait du sentiment interne ou externe, on doit reconnaître qu’il y a certaines qualités dans les objets qui sont adaptées par nature à produire ces sentiments particuliers. »

« Là où les sens sont assez déliés pour que rien ne leur échappe, et en même temps assez aiguisés pour percevoir tout ingrédient introduit dans la composition : c’est là ce que nous appellerons délicatesse de goût ».
« Les règles générales de la beauté sont d’usage, car elles sont tirées des modèles établis, et de l’observation de ce qui plaît ou déplaît. »
Et celui qui ne sait pas reconnaître ces qualité n’est donc pas un homme de goût.

« La perfection de notre goût mental doit consister dans une perception rapide et perçante de la beauté et de la difformité. »

« Rien ne tend davantage à accroître et à parfaire ce talent que la pratique d’un art particulier, et l’étude ou la contemplation répétées d’une sorte particulière de beauté. »

« En un mot, la même adresse et la même dextérité que donne aussi la pratique pour exécuter un travail, sont acquises par le même moyen pour en juger. »

« Il est impossible de persévérer dans la pratique de la contemplation de quelque ordre de beauté que ce soit, sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les divers degrés et genres de perfection, et sans estimer l’importance relative des uns par rapport aux autres. »

« Quelqu’un d’accoutumé à voir, à examiner et à peser la valeur des réalisations de diverses sortes qui ont été admirées dans des époques et des nations différentes, est seul habilité à juger des mérites d’une œuvre qu’on lui présente, et à lui assigner le rang qui lui revient parmi les productions de génie. »

Cependant le bon critique doit :
-       ne pas entraver son jugement de préjugés (il use pour cela de la raison)
-       toujours considérer la fin visée par l’œuvre et la façon dont elle y parvient (ou pas)
-       ne pas considérer son propre sentiment comme norme de la beauté

« Un sens fort, uni à un sentiment délicat, amélioré par la pratique, rendu parfait par la comparaison, et clarifié de tout préjugé, peut seul conférer à un critique ce caractère estimable. Et les verdicts réunis de tels hommes, où qu’on puisse les trouver, constituent la véritable norme du goût et de la beauté. »

« Bien des hommes, lorsqu’ils sont livrés à eux mêmes, ont seulement, de la beauté, une perception faible, et empreinte de doute. Ils sont cependant capables de goûter au trait empli de finesse, s’il est désigné à leur intention. Tout converti à l’admiration du véritable poète, ou de l’authentique orateur, est l’artisan de nouvelles conversions. »

« Bien qu’une nation civilisée puisse aisément être induite en erreur dans le choix de son philosophe admiré, on n’a jamais vu qu’elle puisse errer longtemps dans son affection pour un auteur épique ou tragique de prédilection. »

« deux sources de variation » dans le jugement de goût :
-       « les différentes humeurs des hommes en particulier. »
-       « les mœurs et les opinions particulières à notre âge et à notre pays. »

lundi 7 janvier 2013


Ut Pictura Poesis – Humanisme & Théorie de la Peinture. XVe-XVIIIe siècles
R. W. Lee
Éd. Macula, 1998

R. W. Lee (1898-1984) publie cet essai en 1967. Ancien élève de Panofsky et de Friedlander, professeur d'art et d'archéologie à Princeton, il était un spécialiste de la Renaissance et du Baroque.

      « Nous nous demanderons pourquoi les critiques qui appelaient les poètes des peintres identifiaient aussi virtuellement l'art de la peinture à l'art de la poésie. » (p. 11)
      À partir de références antiques (Horace, Aristote), les peintres mais surtout les critiques, cherchent à instituer la noblesse de la peinture, art libéral autant que la poésie. Lee montre alors l'importance de la pensée humaniste (avec les 'dérives' du formalisme académique français) dans la doctrine de l'ut pictura poesis : la peinture est avant tout associée à la poésie car elle interprète dignement (idéalement) les valeurs humaines, tout en procurant du plaisir, de l''agréable.
     S'il analyse certaines oeuvres, Lee explicite surtout les différences de pensée entre les théoriciens de l'art européens du XVe au XVIIIe (et fait quelques remarques sur le romantisme). Il revient sur l'ensemble des concepts et préceptes de cette doctrine, en explique les limites ainsi que les changements à partir du XVIIIe. Il s'applique à montrer l'importance de la théorie de Joshua Reynolds (peintre anglais du XVIIIe) face aux limites de la conception de la peinture de Lessing.


Théorie humaniste de la peinture
= se développe au XVe et décline au XVIIIe
= repose sur présupposé : « la bonne peinture consiste, comme la bonne poésie, en une imitation idéale de la nature humaine en action. Par conséquent, les peintres ont pour tâche, autant que les poètes, d'exprimer une vérité générale, et non locale [//]. À cette fin, ils recourent aux récits de la Bible, à la littérature de l'Antiquité gréco-romaine; ils en tirent des sujets qui présentent un intérêt universel […]. Les peintres doivent en outre déployer une grande variété d'émotions humaines. Enfin, non contents de délecter l'humanité, il leur faut également à l'instruire. »
Théorie qui a ses racines dans l'Antiquité, en particulier avec la Poétique d'Aristote et L'Art Poétique d'Horace, où ceux-ci établissent comparaisons entre peinture et poésie
Aristote = être humain en action est l'objet à imiter aussi bien par poètes que peintres
Horace = « conclut en admettant que les peintres et les poètes ont également droit à la liberté d'imagination pourvu que ce Pégase aux pouvoirs parfois dangereux reste attaché dans l'écurie du probable et du convenable. »

Introduction
    Permet chronologie et développement-déclin de la théorie de l'ut pictura poesis
   # « Entre 1550 et 1750, les traités sur l'art et la littérature insistent presque tous sur la parenté étroite qui lie peinture et poésie. Les “deux soeurs“, comme on les appelait communément […] différaient certes par leurs moyens d'expression, mais on considérerait qu'elles étaient presque identiques dans leur nature profonde, leur contenu et leur finalité. »
la peinture est une poésie muette, la poésie une peinture parlante (formule attribuée à Simonide par Plutarque) _ la poésie est comme la peinture / ut pictura poesis (Horace)… renversée _ Poètes longtemps considérés comme peintres = leurs images sont vivantes et pleine de couleurs, peintures verbales ; vivacité picturale dans description pouvoir du poète de pouvoir « peindre dans l'oeil de l'esprit des images claires du monde extérieur, comme un peintre les enregistre sur une toile. »
    Si peintres pas forcément considérés comme poètes, « du moins sont-ils presque unanimes à affirmer que la peinture mérite d'être prise au sérieux, à titre d'art libéral, par la seule vertu de sa ressemblance avec la poésie. » p.10
    « Ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle que cette opinion n'est plus partagée par Lessing : il trouve dans les strophes de l'Arioste un excès de détails qui ne donne aucune image distincte d'une femme vivante et outrepasse donc les limites de l'art du poète. Le Laocoon s'attaque à ces transgressions artistique qu'en poésie, comme dans les arts figuratifs, l'ut pictura poesis d'Horace pouvait encourager ou contribuer à justifier. »
    Jusqu'au XVIe siècle, peintres plus soucieux des problèmes techniques et théories scientifiques au service de leur art que de développer une esthétique fondamentale. L'important est de savoir comment représenter le monde sur sa toile (tri/bidimension) pratique concrète de la peinture // Léonard
    # Vers fin XVIe attachement de peintres-théoriciens (Lomazzo, Armenini) « à organiser et codifier des connaissances déjà constituées dans l'intérêt des jeunes peintres. Ceux-ci, parce qu'ils vivaient dans une époque de dégénérescence, avaient, croyaient-on, d'autant plus besoin d'une instruction approfondie et spécialisée, fondée sur la grandeur du passé dans l'invention et la pratique […]. Ils avaient adopté le point de vue professionnel d'une époque d'académiciens et croyaient naïvement que des prescriptions suivies à la lettre garantiraient une belle pratique. » Théorie intervenait pour activer possibilités idéales de l'art qui ne se manifestaient plus dans la pratique _ Se tournent vers autorité de l'Antiquité Les critiques « n'hésitèrent pas à s'approprier, pour fonder leur propre théorie, nombre de concepts fondamentaux des traités antique [Horace et Aristote], les forçant […] à s'appliquer à la l'art de la peinture pour lequel ils n'avaient pas été conçus. » D'où certaine absurdité dans cette théorie de la peinture : un art utilisant un médium différent ne peut se soumettre à une esthétique d'emprunt _ Ce n'est qu'à partir d'une certaine indépendance face à doctrine antique que les critiques, en analysant différences peinture/poésie (apologie de l'une et l'autre sans vouloir les associer) donnèrent notions vraies (auteur parle d'ars pictoria)
    Fondement de l'ensemble de la théorie (avec ses réajustements) = peinture comme poésie trouve son accomplissement le plus haut dans l'imitation représentative de la vie humaine, non dans ses formes moyennes, mais dans ses formes les plus élevées
// Alberti et son De Pictura (doctrine humaniste, un siècle avant âge de la critique en Italie) « malgré sa connaissance imparfaite de la Poétique d'Aristote, il savait que l'activité essentielle d'un peintre sérieux est de peindre une “histoire“ - une action humaine significative ; et il avait appris chez les auteurs latins que les artistes de l'Antiquité s'étaient efforcés de transmettre une beauté idéale à leurs oeuvres. »
// Léonard de Vinci dans son affirmation que la visée fondamentale de l'art de la peinture est d'exprimer les émotions de l'être humains par les mouvements du corps
    « la plus grande peinture italienne, de Cimabue à Michel-Ange, a presque toujours été l'incarnation de la doctrine de l'imitation idéale. Cette doctrine ne pouvait être que normative, à une époque de conscience critique comme le XVIe siècle tardif » qui détient héritage de l'art “mythopoïétique“.
< la poïesis = geste créateur, à la fois « invention » et « travail ». Platon : les poètes « fabriquent les mythes »  et en retour les mythes « font », « façonnent » les âmes des enfants, donc les hommes qu’ils deviendront. Adjectif aussi utilisé dans les années 60 en France par « mythopoétique », défini par « qui trouve dans les mythes sa richesse poétique »(même sens de la fabrication du mythe). Claude Lévi-Strauss l’employait dans la Pensée sauvage, en 1962, pour qualifier son concept de « bricolage » (commenté plus tard par Derrida)
    # XVIIe siècle = certaine continuité de la théorie de la peinture humaniste mais direction différente. « Car les critiques italiens, absorbés par la tâche primordiale de montrer combien la peinture ressemblait à la poésie dans son domaine de compétence, sa profondeur ou sa puissance expressive, n'avaient jamais cherché à explorer l'idée, qui remonte pourtant à Aristote, qu'il existe des correspondances formelles entre les “arts soeurs“ : le dessin équivaut à l'action, les couleurs aux mots, etc. Par la suite, les critiques français et anglais ont parfois développé à l'excès ces correspondances. Par une extension malheureuse de ce parallèle artificiel, ils tentèrent parfois d'enfermer l'art de peindre dans la camisole d'une théorie aristotélicienne de la tragédie. Il en résulta, pour la critique comme pour la pratique une grave confusion entre les arts qui aboutit, comme on sait, au milieu du XVIIIe siècle, à la vigoureuse tentative de Lessing pour redéfinir opportunément la poésie et la peinture et pour assigner à chacune ses frontières propres. En fait, dès le siècle précédent, La Fontaine, anticipant clairement sur Lessing, désignait le mal à sa racine en écrivant : “Les mots et les couleurs ne sont choses pareilles / Ni les yeux ne sont les oreilles.“ [Conte du tableau, 1674]»

Chapitre I : L'imitation
    Imitation idéale / littérale
    « Au XVIe siècle, la doctrine de l'imitation idéale n'avait pas encore entièrement supplanté la conception plus ancienne, et difficilement conciliable, de l'art comme imitation exacte de la nature […]. Apparu dès le Trecento [// louange de Boccace pour l'art de Giotto], le concept d'imitation littérale accompagne naturellement, tout au long du Quattrocento, un point de vue et une pratique réalistes, chez des artistes qui tendaient de toutes leurs forces à atteindre l'illusion parfaite de la nature lisible. » // Pline (Zeuxis trompant les oiseaux avec raisins peints, et Parrhasios qui lui réussit à tromper Zeuxis lui-même avec rideau peint)
Paradoxe = car jusqu'au milieu du XVIe, « l'homme cultivé pouvait adopter la conception courante de l'art comme facteur de généralisation et d'embellissement tout en considérant comme le comble de l'art du peintre sa capacité à singer la nature » // Vasari qui loue le naturalisme de Raphaël ; // Léonard, pour qui la peinture est beaucoup plus que la représentation littérale de la nature mais un peintre mérite plus d'éloges s'il se conforme davantage à l'objet imité
    Dolce = auteur du premier traité humaniste du XVIe s. sur la peinture
= “le peintre doit s'efforcer non seulement d'imiter, mais aussi de surpasser la nature“ et c'est uniquement dans la représentation du corps humain qu'il peut la surpasser, qui prime sur le reste de la nature (importance dans la peinture italienne), cherche à concilier en quelque sorte contradiction imitation idéale/littérale
= à propos du corps humain en mouvement que Dolce a développé sa propre doctrine de l'imitation idéale > théorie esthétique qui restera en vigueur pendant 2 siècles
= si l'artiste veut surpasser nature en corrigeant défauts pour la rendre plus belle qu'elle ne l'est, il doit être guidé par l'étude de l'antique et donc prendre exemple sur les statues antiques qui sont déjà cette nature idéalisée et la “perfection de l'art“ pour Dolce
imitation non pas comme fin ou en soi mais comme moyen, comme des repères pour progresser vers réalisation idéale
    Problème du culte de l'antique qui a parfois mené à une impasse
« théorie pseudo-aristotélicienne de l'imitation » chez académiciens français du XVIIe s. qui encouragent formalisme vide _ Conseil de suivre l'antique se change en précepte dogmatique en imposant un canon de beauté artificiel et définitivement invariable _ traditionalisme sans inspiration (contre lequel romantisme devait se révolter au nom de l'expression individuelle et intérêt nouveau porté à la nature dans ses singularités)
exceptions : Poussin et Raphaël qui réussissent à suivre l'antique avec intelligence
  Détournement du cours aristotélicien de la théorie de l'imitation = pensée néo-platonicienne (Lomazzo) = beauté idéale, dont chacun voit l'image reflétée dans le miroir de son propre esprit, a sa source en Dieu plutôt que dans la nature _ « Quasi religieuse, voire mystique, en harmonie avec la tournure d'esprit grave de la Contre-Réforme, cette doctrine ne cherchait pas une norme empirique de l'excellence en choisissant le meilleur dans la nature extérieure concrète : elle la découvrait d'une manière platonicienne dans la contemplation subjective d'une Idée intérieure immatérielle. » p. 29
    Giovanni Pietro Bellori [archéologue, historien, critique d'art et biographe italien (1613-1696) qui publie dans la tradition de Vasari, ses Vies des peintres, sculpteurs et architectes modernes en 1672, dont Poussin fait partie] = retour de la théorie aristotélicienne // tout le Classicisme
= proclama que la nature extérieure devait être la source de ces conceptions idéales qui sont les objets de l'imitation artistique _ l'Idée (l'objet propre de l'imitation du peintre) provient de la nature par un processus de sélection du meilleur
« il érigea définitivement la Poétique d'Aristote – déjà consacrée dans la théorie littéraire – en document tout aussi capitale pour la théorie de peinture. »
= « Après avoir, malgré son platonisme résiduel, rétabli dans sa version aristotélicienne la théorie de l'imitation en réaffirmant que l'Idée prend sa source dans la nature, Bellori rappelle le conseil qu'Aristote donne aux auteurs tragiques de faire comme les bons peintres, d'imiter la vie telle qu'elle devrait être ; dans une curieuse juxtaposition d'éléments aristotéliciens et platoniciens, il ajoute que “faire des hommes plus beaux qu'ils ne le sont communément et choisir ce qui est parfait relève de l'Idée. En termes aristotéliciens précis, il définit ensuite la peinture comme une représentation de l'action humaine. Il énonce ainsi ce qui était allusif ou implicite chez les critiques antérieurs : la peinture est, comme la poésie, l'imitation d'une action humaine plus belle ou plus significative que la moyenne. À ce sujet, on peut rappeler l'observation parfaitement humaniste et aristotélicienne de Poussin : ayant compris plus profondément peut-être que tous les critiques la portée de l'ut pictura poesis pour l'art du peintre, il disait qu'en peinture, sans l'action, le dessin et la couleur ne servent à rien. » p. 37


Chapitre II : L'invention
    Horace = déconseille de créer de nouveaux sujets, mais plutôt de se borner aux thèmes rendus familiers par la tradition
   // critiques des siècles ultérieurs = conviction que l'invention (inventio) qui recouvrait normalement le choix du sujet aussi bien que l'organisation générale de la composition, devait porter principalement sur thèmes traditionnels
// époque Alberti, peintre digne de ce nom est peintre d'histoire (istoria) = celui qui représente un thème narratif, ancien ou moderne, sacré ou profane, tiré de l'histoire et de la poésie, lesquelles étaient tenues pour des disciplines libérales.
Sujets tirés de la Bible et de l'Antiquité = indispensables pour un bonne invention mais l'étude de la nature doit toujours servir de point de départ, y compris pour renouveler thèmes consacrés
    # Fin XVIe = « le sentiment de l'histoire engendre la bonne composition d'où procède la gravité et la vérité ; les peintres ressemblent aux poètes non seulement parce qu'ils possèdent “il furor d'Apolline“ – cette inspiration divine dont Platon avait parlé dans le Phèdre – mais aussi parce qu'ils ont à représenter les exploits illustres et la gloire des héros » (pensée de Lomazzo)
Bon peintre = doit étudier en profondeur la nature humaine
= peintre érudit, pourvu d'esprit poétique, connaissance de la littérature qui lui fournira des exemples appropriés d'action et d'émotion _ L'“érudition digne d'un homme libre“ (Cicéron) demeure la première source d'inspiration pour peintres autant que poètes
    # XVIIe siècle = sujet noble est une condition sine qua non du grand style, qui vise à la vérité universelle en visant la “belle nature“ = représentation idéalisée des grands évènements de l'Écriture ou de la fable et de l'histoire grecque et romaine 
Poussin = “La nouveauté en peinture ne consiste pas principalement en un sujet jamais vu, mais en une disposition et une expression bonnes et nouvelles, et ainsi le sujet, de commun et vieux qu'il était, devient singulier et nouveau.“ (cité par Bellori dans ses Vies)
    Félibien = on reconnaît un bon peintre à une invention difficile et noble < hiérarchie selon les sujets traités par les peintres _ Supériorité du peintre d'histoire « Imitant Dieu, dont “le plus parfait ouvrage“ est l'homme, il représente des groupes de personnages et emprunte ses sujets à l'histoire et à la fable. “Il [lui] faut représenter de grandes actions comme les Historiens; ou des sujets agréables comme les Poëtes ; et, montant encore plus haut, il faut, par des compositions allégoriques, sçavoir couvrir sous le voile de la fable les vertus des grands hommes & les mystères les plus relevez.“ [préface de Félibien à ses Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1669]
    # XVIIIe siècle = accueil varié à la doctrine de l'ut pictura poesis parmi critiques
Roger de Piles [1635-1709] // Joshua Reynolds [1723-1792, peintre anglais, célèbre portraitiste, premier président de la Royal Academy fondée en 1768] tous deux volonté d'un élargissement de la sphère d'activité légitime du peintre
    Lessing = définition austère et restrictive de l'art de peindre
« Car bien que son propos avoué dans le Laocoon soit de dissiper la confusion entre l'art temporel de la poésie et l'art spatial de la peinture, Lessing confond inconsciemment peinture et sculpture en définissant la finalité de la peinture comme la représentation de la beauté corporelle. » beauté dans symétrie et proportion qui donne forme à l'oeuvre
Hostilité face à la peinture allégorique // abbé du Bos [1670-1742] qui écrit “Les peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à bien imaginer quelles passions & quels sentiments où l'on les suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces passions sensibles, & à faire deviner ses sentiments.“ à propos de La Naissance de Louis XIII de Rubens p. 49
«Lessing considérait que l'expression relève plus de la poésie que de la peinture, convaincu qu'en peinture elle tendait à interférer gravement avec la représentation primordiale de la beauté corporelle. »
    Reynolds “Qu'il s'agisse de l'être humain, d'un animal ou même d'objets inanimés, il n'y a rien, même sous des apparences peu flatteuse, qui ne puisse être élevé en dignité ou exprimer un sentiment et produire de l'émotion sous la main d'un peintre de génie. Ce qui a été dit de Virgile, qu'il donnait un air de dignité au fumier répandu sur le sol, pourrait s'appliquer à Titien : quoi qu'il touche, aussi naturellement bas, aussi habituellement familier que ce soit, par une sorte de magie, il le revêt de dignité et d'importance.“ étonnant choix du Titien selon l'auteur, aurait pu être exemple de Chardin p.45
Reynolds, à propos du cycle de Marie de Médicis par Rubens
= « Tout en dénonçant, en accord avec Du Bos, la faute commise par Rubens de mêler des personnages allégoriques aux personnages réels, il souligne qu'en sacrifiant la vérité à la nature Rubens atteint un autre ordre de vérité, plus riche de sens. » « sur ce sujet de l'allégorie en peinture, Reynolds a des mots plus concluants que Lessing quand il poursuit en ces termes […] : “On doit toujours rappeler que la tâche d'un grand peintre est de produire un grand tableau ; il doit par conséquent prendre particulièrement soin de ne pas se laisser détourner de son matériau par des arguments spécieux. Ce qui a été si souvent dit contre la poésie allégorique – qu'elle est ennuyeuse et dépourvue d'intérêt – ne peut s'appliquer aussi exactement en peinture, où l'intérêt est d'un autre ordre. Si la peinture allégorique procure une plus grande variété de beauté idéale, une composition plus riche, plus variée, plus délicieuse, si elle donne à l'artiste une meilleure occasion de déployer son talent, elle présente tout l'intérêt que le peintre recherche ; un tel tableau n'attire pas seulement l'attention, il la retient.“ » p. 51-52


Chapitre III : L'expression
    Génie de la peinture et poésie = connaissance des passions et dans le pouvoir de les exprimer (Lomazzo) // nécessité de connaître exactement les mouvements corporels exprimant l'émotion humaine (Alberti)
Pensée humaniste = âme de l'artiste doit avant tout être capable de ressentir l'expérience humaine avec profondeur (//Horace) ; participation imaginative de l'artiste aux émotions de ces personnages se recrée chez le destinataire de l'oeuvre dans une certaine mesure
    // Léonard = éloge de la peinture, qu'il voit comme supérieur à la poésie, car vivacité des images capable d'inciter les hommes à des actes d'adoration et d'amour p55
= « ses remarques sur l'expression se fondent non sur des prescriptions écrites, mais presque toujours sur une profonde observation personnelle de la vie humaine. Ainsi Léonard compare-t-il les mouvements du bras et de la main qui accompagnent les paroles d'un orateur résolu à persuader son auditoire à ces mouvements par lesquels, en peinture, l'activité mentale des personnages représentés doit être exprimée dans la moindre ambiguité pour que l'illusion de vie recherchée soit convaincante – d'autant plus convaincante que la peinture est elle-même pure illusion et non réalité. » p. 56
= peinture qui n'extériorise pas de manière convaincante les passions de l'âme est selon son expression “deux fois morte“ p.57
    Idée que la peinture a le pouvoir d'émouvoir le spectateur en exprimant des émotions humaines
    # Académiciens (critiques et peintres) = cherchent à « mettre en pratique une rhétorique picturale des gestes et de l'expression du visage, à la fois exacte et complète, qui s'accordât avec les idées de leur siècle en matière de convenances et de “belle nature“ et donnât en même temps satisfaction à son vif intérêt pour la peinture des émotions. » p.61 (// Le Brun et Descartes : caractère psycho-physiologique particulier revêtu par la théorie de l'expression durant les décennies du XVIIe ; univers entier comme tout corps individuel perçu comme une machine)
= « les critiques estimaient que, dans une peinture, tout élément formel ou expressif était un composant logique d'un ordre rationnel et devait donc infailliblement contribuer à manifester une idée dramatique centrale. C'était là un but que, au moins en téhorie, le peintre ne pouvait atteindre que s'il respectait scrupuleusement les règles de l'invention historique, de la disposition (ou “ordonnance“) et de la couleur. » p.63
    Poussin (La Manne) = bonne manière de comprendre le tableau est de le “lire“, tout en le comparant avec l'histoire, non pour en contrôler l'exactitude mais exercice de discrimination pour l'esprit qui aboutit à juger de l'excellence du tableau ; condition de cette excellence est dans capacité du peintre à représenter émotions humaines clairement appropriées au sujet p.67
    Poussin // Descartes = méfiance du mirage de la perception sensorielle et apprécie cette connaissance choisie et ordonnée que seul le pouvoir de la raison peut atteindre
     Félibien // Boileau et sa conception cartésienne = énoncé clair fait suite à une conception claire « si un artiste entend former dans son esprit une sage disposition de l'oeuvre qu'il veut exécuter, il doit d'abord “avoir une connoissance parfaite de la chose qu'on veut représenter, de quelles parties elle doit estre composée, & de quelle sorte l'on doit y proceder.“ [Félibien] […] Un tableau parfait est, comme un poème parfait, une construction logique de la raison humaine, une pensée architectonique où la moindre partie se rattache par un lien de causalité à l'intention dramatique qui informe le tout. Dans la perfection abstraite de l'édifice de la raison résident ces règles que l'esprit peut découvrir par une suite rationnelle de déductions – les règles pour l'invention, la disposition, les convenances, la vraisemblance, l'expression, etc. –, bref, tout le code draconien de l'Académie. » p. 69


Chapitre IV : L'instruction et la délectation
    Exhortation à instruite en même temps que délecter par la peinture et la poésie dérive directement d'Horace (qui pensait surtout à l'effet de l'art dramatique sur le public)
= légitimation morale aux arts soeurs
= « incitation à la vertu, voire, comme l'avait soutenu Lomazzo, un guide dans cette vallée de larmes pour vivre dans la rectitude de la foi chrétienne. » p. 73
     Différent chez Aristote, puisque chez lui la représentation idéale de la vie humaine ne fait pas de l'artiste un moraliste délibéré, mais cette conception peut se rejoindre avec son concept de catharsis = effet d'élévation et de purification de l'esprit, par le spectacle d'un être de haut rang dans la tragédie
    «En estimant que le plus haut accomplissement de la peinture était d'intégrer l'antique 'beau de corps et d'esprit' à la construction dramatique d'un sujet noble qui proclamât la dignité de l'homme en un sens chrétien ou stoïcien, les académiciens étaient conscients du fait que l'instruction morale passait par les règles et qu'il fallait que la peinture, comme la poésie, ainsi que Boileau le prescrivait après Horace : “Partout joigne au plaisant le solide et l'utile.“ Et ils auraient ajouté que le spectateur avisé d'un tableau, tout comme le “lecteur sage“ de Boileau, “…fuit un vain amusement / Et veut mettre à profit son divertissement.“ [L'Art poétique de Boileau,1674] » p. 74
    Théorie didactique de l'art // tradition antique mais aussi médiévale, exprimée par exemple par Dante, « selon laquelle la poésie est le guide et l'institutrice des hommes »


Chapitre V : La convenance
    # Horace définition des buts de la poésie < idées de convenance de la critique des XVIe et XVIIe s. + en partie responsables de l'expression conventionnelle et affectée d'un Le Brun = eut pour effet de pousser la théorie aristotélicienne de l'imitation vers formalisme et didactisme
    Convenance (convenevolezza ou decoro) = peintre adjuré de faire en sorte que dans son art chaque âge, chaque sexe, chaque type d'être humain exhibât ses traits caractéristiques _ devait donné scrupuleusement à chacun de ses personnages le physique / port / geste / expression du visage appropriés
1ère formulation = Alberti dans son De Pictura
// Léonard en convient également = malgré son intérêt pour la variété infinie de la nature, il définit le decoro comme “la convenance dans le geste, l'accoutrement et le lieu“ [Traité] et engage le peintre à prendre garde de la dignité ou la bassesse des choses
     Sorte de débordement au conseil d'éviter l'improbable et le fortuit pour adhérer au typique et au représentatif < concept convenance amène système normatif qui n'était pas propre à encourager originalité artistique < notion antique (comme celle de nature idéale) aboutit à des formes conventionnelles p. 80-81
# Autre idée dans concept de convenance découlant de l'Art poétique d'Horace = adhésion spécifique à ce qui décent et conforme au goût / moralité / religion
= si implicite chez Alberti, après 1550 « les exemples que les critiques relèvent pour illustrer le manque de convenance suggèrent presque toujours l'immoralité, l'irrévérence ou la vulgarité, plutôt que l'improbabilité ou l'absence de représentativité ; attentifs à ce qu'ils considèrent comme sa fonction didactique, les critiques s'intéressent avant tout à ce que l'art soit aussi édifiant que possible. » (// Dolce) p.82
    // critique de la Contre-Réforme sur le Jugement dernier de Michel-Ange = impropriété esthétique dans rendu des muscles selon sexe mais surtout accusé pour « avoir gravement manqué à la modestie, la décence et la vérité sacrée en transformant un sujet religieux en un déploiement d'invention anatomique » (son art conviendrait plus à un bordel qu'à la Sixtine selon propos de l'Arétin rapportés par Dolce en 1557) p.83 + critique dans son choix d'associer histoire biblique et poésie mythologique : « La poésie et la théologie s'opposent fortement dit Gilio, et quand Michel-Ange peignait un important article de foi, c'était son devoir que de s'en rapporter aux théologiens, et non aux poètes. » risque de croyances fausses pour les ignorants_ p. 90 [clerc Gilio da Fabriano = clerc qui écrivit un dialogue sur la peinture, début XVIIe]
    Pas de champ à l'imagination _ Le peintre de sujets religieux doit représenter à la lettre les faits d'histoire et posséder une érudition suffisante pour que ses peintures soient acceptées par les théologiens < Montre « appauvrissement temporaire des valeurs humanistes qui accompagna, au XVIe siècle, la fin de la Renaissance classique et la politique de l'Église enrôlant les arts au service de la morale et du dogme chrétien. » p.94
   # XVIIe = application du concept de convenance implique vérité représentative mais surtout vérité moralement édifiante < précepte selon lequel l'art doit conjointement instruite et délecter (commun ici à Horace)
// Félibien, préface Conférences de l'Académie, considère la convenance (“bienséance“) comme l'une des parties “les plus nécessaires en peinture pour instruire les ignorans & l'une des plus agréables aux yeux des personnes sçavantes“


Chapitre VI : Le peintre érudit
Théorie du peintre érudit = important dans doctrine de l'ut pictura poesis // prototype du doctus poeta de l'Antiquité
    // Idée exprimée par Alberti au XVe peintre gagnera à connaître poètes et érudits ou même s'associer avec ceux de son époque pour se procurer sujets dignes d'intérêt
   mais fin XVIe exagération de ce pédantisme : les critiques de la peinture (et leurs collègues littéraires pour poètes) stipulent que peintre doit connaître la littérature sacrée et profane + géographie, géologie, théologie et us et coutumes de différents pays car « seul un onde de connaissances précises lui permet de témoigner le respect dû aux textes poétiques ou historiques
    «Lecture littérale des tableaux qui s'exerce aux dépens de leur signification dramatique, lecture que pendant deux siècles la critique devait s'efforcer d'encourager au nom de la convenance, ou peut-être de la vraisemblance, ou tout simplement de l'érudition pour elle-même. » p. 100
    # XVIe, sous l'influence de la Contre-Réforme, peintre doit avoir solide connaissance de la littérature religieuse (légendes des saints,…) et converser avec les théologiens pour savoir comment représenter le Ciel, l'Enfer et ses habitants
  Totalité importante de tout un programme d'érudition exigé au peintre (exigences scientifiques et références littéraires étaient déjà conseillées par Alberti et Léonard, dans une moindre mesure) < exactitude absolue avec laquelle il faut rendre l'histoire courante au XVIe siècle < « quelle que soit sa source, le peintre doit faire une citation strictement littérale. » p. 103-104 // Borghini reproche à Titien d'avoir mal lu Ovide et d'autres poètes pour son tableau Vénus et Adonis (1554)
    # Encore plus représentatif au XVIIe, en particulier avec les critiques français qui prescrivent au peintre l'érudition et le respect de la vérité du texte
// débat académiciens autour des tableaux Le Frappement du rocher (16) et Éliézer et Rebecca de Poussin (1648) = complaisance au nom de la vérité historique, ou encore justification de libertés prises avec faits historiques par vérité plus haute atteinte
     Poussin peut-être le plus proche de cette figure du peintre érudit mais souvent il n'a pas de science exacte du costume ou du lieu par exemple, se borne à des généralisations de formes italiennes ou antiques (« Cette subordination de l'érudition à la création artistique était inévitable chez Poussin, comme elle doit l'être chez tout grand peintre érudit qui voit les formes naturelles ou les actions humaines sous l'aspect de l'éternité. »)
     # « si l'on considère les grands artistes de la Renaissance qui peignirent avant que ne se développât la doctrine du peintre érudit, il est incontestable que, quand ils illustraient les fables des poètes ou des sujets tirés de l'histoire ou de l'Écriture, malgré tous les liens qu'ils entretenaient avec les humanistes, jamais ils ne privilégiaient l'érudition, jamais ils ne se souciaient en priorité de suivre scrupuleusement les textes : ils traitaient leur matériau littéraire librement, avec imagination, en l'adaptant aux possibilités de leur propre moyen d'expression et au langage traditionnel de leur art. »
< finalement le peintre érudit « a moins existé dans la réalité que dans l'idée que les critiques du XVIe se sont faites de lui » p.110

Chapitre VII : Renaud et Armide
    Deux personnages issus du poème épique du Tasse, La Jérusalem délivrée, publié en 1581 et qui fournit des sujets aux peintres 10 à 15 ans après
Chapitre qui analyse tableaux qui représentèrent cette épisode : Poussin, Simon Vouet, Andrea Camassei, Le Guerchin, Annibal Carrache, Paolo Finoglio, Giambattista Tiepolo…
    # « les peintres qui illustraient le poème du Tasse se conformaient nécessairement à quelques unes des exigences les plus importantes de la doctrine de l'ut pictura poesis. En empruntant leurs sujets à un poème épique empreint de noblesse et de gravité, dans lequel l'histoire héroïque se combinait avec le merveilleux, ils participaient de la grande invention du poète et, comme lui, imitaient des actions humaines d'un intérêt et d'une signification hors du commun. L'expression, dans laquelle Lomazzo voyait l'essentiel de la ressemblance entre peinture et poésie, devait dépendre du génie des peintres et de l'intérêt qu'ils prenaient aux émotions humaines du poème. […] [convenance laissée aux critiques]
Ils ne se souciaient pas non plus, semble-t-il, du précepte selon lequel la peinture, doit, comme la poésie, instruire et délecter, car ils évitèrent résolument l'action principale du poème, fort sérieuse : le siège et la prise de Jérusalem par les croisés […] ; ils préférèrent pour la plupart les épisodes amoureux et idylliques à dominante lyrique, où une mélancolie tendre, caractéristique du Tasse, trouve à s'exprimer sans entraves. » p.113
    Sujets tirés de ce poème permettent de prolonger tradition pastorale de l'Antiquité (âge d'or) + mythes érotiques (engouement général pour Ovide)
// Renaud et Armide, tableaux de Finoglio (« intense sentiment du baroque ») et celui de Tiepolo (« tendresse malicieuse du rococo ») où les « deux artistes traitent librement le texte du poème, au profit de l'intensité expressive ou de l'effet pictural » p. 146
     # « Non seulement ils prirent des libertés avec le texte lorsque les exigences de la peinture les y poussaient, malgré les interdictions des critiques, mais encore, pour la composition comme pour l'iconographie, ils employèrent des formes traditionnelles que les peintres et sculpteurs de la Renaissance ou leurs prédécesseurs de l'Antiquité avaient mises au point pour illustrer des fables qui présentaient souvent quelque ressemblance avec certains épisodes du poème du Tasse. » connaissance autre que les références littéraires mais « langage traditionnel des arts de la représentation, que son génie convertit en possibilités toujours nouvelles de composition et d'interprétation » p.114
    # «Souvent, dans son oeuvre, Poussin recourt, avec beaucoup d'invention, à l'imagerie antique pour innover en matière picturale : ces évocations subtiles du mythe ancien font affleurer de riches correspondances poétiques ; le langage formel de l'Antiquité, adapté avec discrétion à de nouveaux emplois expressifs, se perpétue dans une éloquente et tangible continuité. » p.120 _ à propos du dessin de Poussin, Armide abandonnée par Renaud, peintre s'inspire de représentations de Ariane abandonnée par Thésée « les altérations apportées par Poussin à la composition antique se caractérisent par la recherche d'une plus grande unité picturale contribuant à la concentration dramatique » p.147


Chapitre VIII : La “virtù visiva
     # Pensée de Léonard de Vinci, théorie du paragone où il place la peinture au plus haut rang et surtout qu'il considère comme supérieure à la poésie = considérait le poète comme un revendeur de marchandises intellectuelles élaborées par d'autres artisans [cf son Traité] Pour lui, invention dans l'art du poète relève aussi de celui du peintre, de même pour l'instruction
    La vue (à laquelle s'adresse la peinture) est un sens supérieur, plus noble que l'ouïe (poésie) ; pour lui « “l'oeil ténébreux“ qui forme dans l'esprit les images poétiques des choses – c'est-à-dire l'imagination poétique – est inférieur à l'oeil corporel du peintre, qui appréhende directement le monde extérieur dans sa richesse et sa variété merveilleuses, alors que l'oeil intérieur du poète en est incapable. » p 156
< Peinture et poésie sont donc pour lui complètement différentes
    « Expliquant pourquoi le peintre est supérieur au poète pour dépeindre une bataille – supériorité qu'il évalue en termes d'immédiateté, de vivacité et de vérité –, Léonard déclare que le peintre montre en un unique instant les diverses actions rapides qui constituent la bataille, par contraste avec la longue et fastidieuse description du poète. » _ De même pour la représentation de la beauté physique = le tableau au contraire du poème donne à voir au même moment tous les traits d'un visage
< appréhension en un seul instant = anticipation sur l'abbé Du Bos et Lessing
    Léonard = le plus important dans la peinture est la manifestation de l'activité de l'esprit par les mouvements du corps « Affirmant que le domaine de l'esprit n'est pas fermé au peintre, Léonard cantonne cependant celui-ci à ce qui, dans cette activité intérieure, est rendue perceptible à la vue par l'intermédiaire du corps. » p. 162 [photocopies]
    # (XVIe) Benedetto Varchi, en 1549 distingue peinture et poésie = « soutenait qu'il revenait en priorité au poète d'imiter “il di dentro“ - les concepts et les passions de l'âme, qui sont intérieurs – et au peintre d'imiter “il di fuori“ - les corps et les caractéristiques du monde extérieur. »
    # début XVIIIe siècle = Du Bos = première fois depuis près de deux siècles qu'une nouvelle distinction est faite entre poésie / peinture, en montrant sujets qu conviennent le mieux au peintre d'un côté et de l'autre au poète
< souligne surtout la capacité de variété–simultanéité de la peinture
< supériorité de la poésie par capacité à représenter pensées sublimes, complexité morale + rendre compte de plusieurs évènements distincts dans le temps :
« Mais l'art temporel l'emporte sur l'art spatial en ce que le poète arrive à représenter les pensées sublimes ou subtiles qui accompagnent les passions de l'âme, alors que le peintre en est incapable, bien qu'il dépeigne les émotions avec plus de vivacité ; de même, alors que le peintre ne le peut pas, le poète arrive à rendre la complexité morale d'un personnage et donner un sens supérieur aux évènements en le reliant dramatiquement aux évènements précédents. Dans la langue de son époque, Du Bos appelle “sublime de rapport“ cette dernière possibilité, évidemment exclue pour le peintre, qui doit se limiter à un seul événement situé dans un moment unique. » p. 164
= anticipation sur Lessing


Chapitre IX : L'unité d'action
    Plus grand compliment que de faire remarquer à un peintre qu'il a respecté, comme un poète dramatique, la règle de l'unité de temps de lieu et d'action // pensée cartésienne de l'ordre et la clarté
    Nouveauté dans la doctrine de l'ut pictura poesis = concept formel de l'unité d'action (concept emprunté à Aristote mais qui n'en a pas la même signification,) et non de contenu (invention/expression/convenance)
     Avec La Manne, si Le Brun donne des intentions didactiques à Poussin, Félibien fonde son argumentation sur des bases esthétiques _ Avec ce tableau, on ne peut « accuser Poussin d'avoir mis quoi que ce soit dans son tableau qui compromît l'unité d'action, qui fût contraire à la probabilité ou […] trop éloigné de la vérité historique » p. 167
Pour Félibien, « il allait de soi, à une époque qui voyait dans le peintre un moraliste, un poète et un historien, qu'un homme cultivé lût comme un texte le tableau qu'il regardait : d'ailleurs Poussin lui-même l'y incitait, alors qu'il ne reconnaissait pas à l'art de fonction didactique. » p.169
    Félibien attribue à tort théorie aristotélicienne de l'unité d'action à l'oeuvre de Poussin = « Pour le dramaturge, l'unité d'action est un principe critique extrêmement précieux, qui concrétise une norme de sobriété et de concentration et qui met en garde contre l'adjonction d'éléments accidentels ou sans rapport avec l'action, dans un art où la succession temporelle des évènements doit s'acheminer avec cohérence vers une fin inévitable. Mais en peinture, après l'abandon de la représentation continue [où plusieurs scènes, séparées dans le temps, étaient représentées simultanément dans le tableau], ce principe ne pouvait avoir aucun sens dans son acceptation aristotélicienne, parce que l'équivalent en peinture de l'unité d'action selon Aristote, qui serait de représenter un événement de façon que tous les éléments picturaux servent simultanément à exprimer une seule action dramatique, ne pouvait nécessairement inclure qu'un seul moment du temps, du fait des contraintes du moyen d'expression employé. Une fois cela admis, il devient clair que toute tentative d'appliquer à la peinture le principe de l'unité d'action tel qu'Aristote l'appliquait au drame aboutit à une erreur esthétique. » p. 170
    Critique de cette conception par Reynolds = observe que cette tendance conduit aussi à trouver dans les oeuvres “ce que l'on est résolu à y trouver“ (analyses psychologisantes de Le Brun) _ Selon lui, “[les critiques] font l'éloge de valeurs qui ne peuvent coexister ; et par-dessus tout, ils aiment décrire, avec une grande exactitude, l'expression de passions complexes, qui, à la réflexion, se révèlent inaccessibles à notre art.“ _ exprimer passions complexes dépassent capacités de la peinture
     # Lessing = concession à l'imagination temporelle avec théorie du moment le plus fécond : le peintre se limite certes à un seul moment du temps, mais il doit choisir le moment de l'action ou de l'émotion – moment légèrement en retrait, de manière que l'expressivité ne nuise pas à la beauté – qui suggère le mieux ce qui s'est passé ou encore ce qui est à venir. Lessing ne semble malheureusement pas avoir compris les implications de cette théorie en dehors de l'art antique. […] On tiendra compte toutefois de ce qu'il s'efforce de considérer l'art, non comme la simple réalisation objective de belles formes, mais aussi dans ses effets sur l'imagination […]. Lessing aurait été le premier à récuser tous ceux pour qui l'instant fécond aura été décidément trop fécond. » [//spéculations sur vie intérieure des personnages ou perception action extérieure à l'oeuvre] p. 173

Conclusion
    Reynolds = « Ainsi, d'après l'un de des derniers et plus éclairés parmi les adeptes de l'ut pictura poesis […], la principale ressemblance qui rapproche la peinture de la poésie réside, non dans les respect d'une série de règles empruntées à “l'art soeur“, ni dans on ne sait quelles correspondances formelles bien imaginaires, mais dans la “noblesse de conception“. Pour Reynolds, le sens le plus profond de la peinture, comme de la poésie, est de révéler et d'interpréter ce qui fait la dignité de la vie des hommes. Il avait la conviction que la peinture ne se réduit jamais à un pur art de la vue, mais que c'est l'esprit, auquel l'oeil se subordonne, qu'à l'instar du poète, le peintre de génie cherche avant tout à s'adresser. » p. 178  cf. photocopies (3pages) = à la fois résumé et conclusion + explique rapidement changements XVIII-XIXe