Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

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vendredi 11 janvier 2013

Essais esthétiques


Essais esthétiques

Hume

De la délicatesse du goût et de la passion

Comparaison entre la délicatesse de passion et la délicatesse de goût.
« Bref, la délicatesse de goût a le même effet que la délicatesse de passion : elle élargit la sphère à la fois de notre bonheur et de notre misère, et nous rend sensible à des peines aussi bien qu’à des plaisirs qui échappent au reste de l’humanité. »

Cependant « la délicatesse de goût doit être désirée et cultivée autant qu’il faut déplorer la délicatesse de passion ».
En effet, la délicatesse de passion s’attache à des phénomènes sur lesquels nous n’avons que peu de pouvoir. En revanche, la délicatesse de goût est dépendante de nos choix : « tout homme avisé essaiera de placer son bonheur dans des objets tels qu’ils dépendent principalement de lui même ».
« Quand un homme possède ce talent, il est plus heureux par ce qui plaît à son goût que par ce qui satisfait ses appétits ».

D’après Hume, il faut donc privilégier la délicatesse de goût, et se débarrasser d’une trop grande délicatesse de passion, or justement, pour lui la première constitue un remède à la seconde : « rien n’est si propre à nous guérir de cette délicatesse de passion que de cultiver ce goût plus élevé et plus raffiné qui nous rend capables de juger des caractères des hommes, des compositions du génie, et des productions des arts les plus nobles. »

Hume indique qu’il faut prioritairement « cultiver notre goût dans les arts libéraux », et qu’ainsi « notre jugement se fortifiera par cet exercice. »

Il apporte une précision, on peut même parler de rectification, au sujet du rapport délicatesse de passion / délicatesse de goût.
« Après une réflexion plus approfondie, je trouve que cela augmente plutôt notre sensibilité à toutes les passions tendres et agréables ; en même temps que cela rend l’esprit incapable des plus grossières et violentes émotions. »

La fréquentation et l’étude du beau ne permettent pas seulement le développement de la délicatesse de goût, elle permet également l’amélioration et le raffinement de l’individu :

« Rien n’améliore autant le caractère que l’étude des beautés, qu’il s’agisse de la poésie, de l’éloquence, de la musique, ou de la peinture. Elles donnent une certaine élégance de sentiments à laquelle le reste de l’humanité est étranger. »

« Elles détournent l’esprit de la précipitation propre aux affaires et à l’intérêt, entretiennent la réflexion, disposent à la tranquillité, et produisent une mélancolie agréable qui, de toutes les dispositions de l’esprit est la mieux appropriée à l’amour et à l’amitié. »

« Le jugement peut être comparé à une horloge ou a une montre, où la machine la plus ordinaire suffit à dire les heures. Mais seule a plus élaborée peut désigner les minutes et les secondes, et distinguer les plus petites différences de temps. »

De la norme du goût

Hume commence par reconnaître l’existence d’une « grande variété de goût et d’opinion ». Ainsi cette « grande différence » de goût peut se constater « même là où les personnes ont été éduquées sous le même gouvernement, et ont de bonne heure été imprégnées des mêmes préjugés. »
Et plus on voyage, plus on découvre « la grande contrariété et diversité de ces goûts ».

« Les sentiments des hommes diffèrent souvent à l’égard de la beauté et de la difformité de toutes sortes, même quand leur discours général est le même. »

Cependant : « tous les hommes qui utilisent la même langue doivent tomber d’accord dans l’application de ces termes. »
La connaissance et le respect de ces termes spécifiques constituent un outil précis d’analyse.

Le débat esthétique se fait souvent à propos de détails alors qu’on s’accorde vite sur l’impression générale.
« Dans toutes les matières relevant de l’opinion et de la science, le cas est inverse : la différence entre les hommes réside dans les points de vus généraux plutôt que dans les détails. »

« La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente. »
« Chercher la beauté réelle ou la réelle laideur est une vaine enquête ».

Estimer de la même façon deux œuvres qualitativement très éloignées témoigne d’un manque flagrant de goût : « le principe de l’égalité naturelle des goûts est alors totalement oublié et, tandis que nous l’admettons dans certaines occasions, où les objets semblent approcher de l’égalité, cela paraît être un extravagant paradoxe, ou plutôt une absurdité tangible, là où des objets aussi disproportionnés sont comparés ensemble. »

« Il est évident qu’aucune des règles de la composition n’est fixée par des raisonnements a priori ».
« Le fondement de ces règles est le même que celui de toutes les sciences pratiques : l’expérience. »
« Mais, bien que la poésie ne puisse jamais se soumettre à l’exacte vérité, elle doit être contenue par les règles de l’art, révélées à l’auteur soit par le génie, soit par l’observation. »

« Bien que toutes les règles générales de l’art soient fondées seulement sur l’expérience et sur l’observation des sentiments communs de la nature humaine, nous ne devons pas imaginer que, à chaque occasion, les sentiments des hommes seront conformes à ces règles. »

« La moindre entrave extérieure à de tels petits ressorts, ou le moindre désordre interne, perturbe leur mouvement et dérègle les opérations de la machine tentière*. »
* en référence à la comparaison faite entre le jugement et une horloge.

Question du génie : « pour un vrai génie, plus ses œuvres durent, et plus largement sont-elles répandues, plus sincère est l’admiration qu’il rencontre. »

« Il apparaît alors que, au milieu de la variété et du caprice du goût, il y a certains principes généraux d’approbation ou de blâme dont un œil attentif peut retrouver l’influence dans toutes les opérations de l’esprit. Certaines formes ou qualités particulières, de par la structure originale de la constitution interne de l’homme, sont calculées pour plaire et d’autres pour déplaire, et si elles manquent leur effet dans un cas particulier, cela vient d’une imperfection ou d’un défaut apparent dans l’organe. »

« Dans toute créature, il y a un état sain et un état déficient, et le premier seul peut être supposé nous offrir une vraie norme du goût et du sentiment. A supposer que, dans l’organisme en bonne santé, on constate une uniformité complète ou importante de sentiments parmi les hommes, nous pouvons en tirer une idée de la beauté parfaite. »

Comparaison du jugement esthétique avec le jugement gustatif, exemple de l’anecdote du vin dans Don Quichotte.
« C’est avec une bonne raison, dit Sancho, que je prétends avoir un jugement sur les vins : c’est là une qualité héréditaire dans notre famille. Deux de mes parents furent une fois appelés pour donner leur opinion au sujet d’un fût de vin, supposé excellent parce que vieux et de bonne vinée. L’un d’eux le goûte, le juge et, après mûre réflexion, énoncé que le vin serait bon, n’était ce petit goût de cuir qu’il perçoit en lui. L’autre, après avoir pris les mêmes précautions, rend aussi un verdict favorable au vin, mais sous la réserve d’un goût de fer, qu’il pouvait aisément distinguer. Vous ne pouvez imaginer à quel point tous deux furent tournés en ridicule pour leur jugement. Mais qui rit à la fin ? En vidant le tonneau, on trouva en son fond une vieille clé, attachée à une lanière de cuir. »

« Bien qu’il soit assuré que la beauté et la difformité, plus encore que le doux et l’amer, ne peuvent être des qualités inhérentes aux objets, mais sont entièrement le fait du sentiment interne ou externe, on doit reconnaître qu’il y a certaines qualités dans les objets qui sont adaptées par nature à produire ces sentiments particuliers. »

« Là où les sens sont assez déliés pour que rien ne leur échappe, et en même temps assez aiguisés pour percevoir tout ingrédient introduit dans la composition : c’est là ce que nous appellerons délicatesse de goût ».
« Les règles générales de la beauté sont d’usage, car elles sont tirées des modèles établis, et de l’observation de ce qui plaît ou déplaît. »
Et celui qui ne sait pas reconnaître ces qualité n’est donc pas un homme de goût.

« La perfection de notre goût mental doit consister dans une perception rapide et perçante de la beauté et de la difformité. »

« Rien ne tend davantage à accroître et à parfaire ce talent que la pratique d’un art particulier, et l’étude ou la contemplation répétées d’une sorte particulière de beauté. »

« En un mot, la même adresse et la même dextérité que donne aussi la pratique pour exécuter un travail, sont acquises par le même moyen pour en juger. »

« Il est impossible de persévérer dans la pratique de la contemplation de quelque ordre de beauté que ce soit, sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les divers degrés et genres de perfection, et sans estimer l’importance relative des uns par rapport aux autres. »

« Quelqu’un d’accoutumé à voir, à examiner et à peser la valeur des réalisations de diverses sortes qui ont été admirées dans des époques et des nations différentes, est seul habilité à juger des mérites d’une œuvre qu’on lui présente, et à lui assigner le rang qui lui revient parmi les productions de génie. »

Cependant le bon critique doit :
-       ne pas entraver son jugement de préjugés (il use pour cela de la raison)
-       toujours considérer la fin visée par l’œuvre et la façon dont elle y parvient (ou pas)
-       ne pas considérer son propre sentiment comme norme de la beauté

« Un sens fort, uni à un sentiment délicat, amélioré par la pratique, rendu parfait par la comparaison, et clarifié de tout préjugé, peut seul conférer à un critique ce caractère estimable. Et les verdicts réunis de tels hommes, où qu’on puisse les trouver, constituent la véritable norme du goût et de la beauté. »

« Bien des hommes, lorsqu’ils sont livrés à eux mêmes, ont seulement, de la beauté, une perception faible, et empreinte de doute. Ils sont cependant capables de goûter au trait empli de finesse, s’il est désigné à leur intention. Tout converti à l’admiration du véritable poète, ou de l’authentique orateur, est l’artisan de nouvelles conversions. »

« Bien qu’une nation civilisée puisse aisément être induite en erreur dans le choix de son philosophe admiré, on n’a jamais vu qu’elle puisse errer longtemps dans son affection pour un auteur épique ou tragique de prédilection. »

« deux sources de variation » dans le jugement de goût :
-       « les différentes humeurs des hommes en particulier. »
-       « les mœurs et les opinions particulières à notre âge et à notre pays. »

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