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lundi 21 janvier 2013

Le partage du sensible, esthétique et politique de Jacques Rancière. La fabrique éditions

Le partage du sensible
esthétique et politique
de Jacques Rancière

Des régimes de l'art …

« la mimesis est d'abord le pli dans la distribution des manière de faire et des occupations sociales qui rend les arts visibles. Elle n'est pas un procédé de l'art mais un régime de visibilité des arts. »

« A ce régime représentatif s'oppose le régime que j'appelle esthétique des arts. Esthétique, parce que l'identification de l'art ne s'y fait plus par une distinction au sein des manière de faire, mais par la distinction d'un monde d'être sensible propre aux produits de l'art.[...]Il renvoie proprement au mode d'être spécifique de ce qui appartient à l'art, au mode d'être de ses objets . Dans le régime esthétique des arts, les choses de l'art sont identifiées par leur appartenance à un régime spécifique du sensible. »(p31)

« Cette idée d'un sensible devenu étranger à lui-même, siège d'une pensée elle-même devenue étrangère à elle-même, est le noyau invariable des identifications de l'art qui configurent originellement la pensée esthétique […] Le régime esthétique des arts est celui qui proprement identifie l'art au singulier et délie cet art de toute règle spécifique, de toute hiérarchie des sujets, des genres et des arts. Mais il le fait en faisant voler en éclats la barrière mimétique qui distinguait les manières de faire de l'art des autres manières de faire et séparait ses règles de l'ordre des occupations sociales. Il affirme l'absolue singularité de l'art et détruit en même temps tout critère pragmatique de cette singularité. Il fonde en même temps l'autonomie de l'art et l'identité de ses formes avec celles par lesquelles la vie se forme elle-même. »(p33)

« La foi moderniste s'était accrochée à l'idée de cette « éducation esthétique de l'homme » que Schiller avait tirée de l'analytique kantienne du beau. Le retournement postmoderne a eu pour socle théorique l'analyse lyotardienne du sublime kantien, réinterprété comme scène d'un écart fondateur entre l'idée et toute présentation sensible.[...] Et la scène de l'écart sublime est venue résumer toutes sortes de scènes de péché ou d'écart originel : la fuite heideggerienne des dieux ; l'irréductible freudien de l'objet insymbolisable et de la pulsion de mort ; la voix de l' Absolument Autre prononçant l'interdit de la représentation ; le meurtre révolutionnaire du Père. Le postmodernisme est alors devenu le grand thrène de l'irreprésentable/intraitable/irrachetable, dénonçant la folie moderne de l'idée d'une auto-émancipation de l'humanité de l'homme et son inévitable et interminable achèvement dans les camps d'extermination. » (p43)

Des arts mécaniques...

« Le régime esthétique des arts , c'est d'abord la ruine du système de la représentation, c'est-à-dire d'un système où la dignité des sujets commandait celle des genres de la représentation (tragédie pour les nobles, comédie pour les gens de peu ; peinture d'histoire contre peinture de genre, etc.) Le système de la représentation définissait, avec les genres, les situations et les formes d'expression qui convenaient à la bassesse ou à l'élévation du sujet. Le régime esthétique des arts défait cette corrélation entre sujet et mode de représentation.(p48)

« C'est la science historique nouvelle et les arts de reproduction mécanique qui s'inscrivent dans la logique de la révolution esthétique . Passer des grands événements et personnages à la vie des anonymes, trouver les symptômes d'un temps , d'une société ou d'une civilisation dans des détails infimes de la vie ordinaire, expliquer la surface par les couches souterraines et reconstituer des mondes à partir de leurs vestiges, ce programme est littéraire avant d'être scientifique. »(p50)

« Dans Guerre et Paix, Tolstoï opposait les documents de la littérature, empruntés aux récits et témoignages de l'action des innombrables acteurs anonymes, aux documents des historiens empruntés aux archives-et aux fictions-de ceux qui croient diriger les batailles et faire l'histoire . » (p51)

« Ce que le cinéma et la photo reprennent, c'est cette logique que laisse apparaître la radition romanesque, de Balzac à Proust et au surréalisme, cette pensée du vrai dont Marx, Freud, Benjamin et la tradition de la « pensée critique » ont hérité : l'ordinaire devient beau comme trace du vrai. »
(p52)
(Balzac, Hugo, Flaubert, ...les émigrants de L'Entrepont de Stieglitz, les portraits frontaux de Paul Strand ou de Walker Evans.)

Des modes de la fiction...

« (Balzac) établit un régime d'équivalence entre les signes du roman nouveau et ceux de la description ou de l'interprétation des phénomènes d'une civilisation. Il forge cette rationalité nouvelle du banal et de l'obscur qui s'oppose aux grands agencements aristotéliciens et deviendra la nouvelle rationalité de l'histoire de la vie matérielle opposée aux histoires des grands faits et des grands personnages. » (p59)

« La révolution esthétique bouleverse les choses : le témoignage et la fiction relèvent d'un même régime de sens. D'un côté l'« empirique » porte les marques du vrai sous forme de traces et d'empreintes. « Ce qui s'est passé » relève donc directement d'un régime de vérité, d'un régime de monstration de sa propre nécessité. De l'autre «  ce qui pourrait se passer » n'a plus la forme autonome et linéaire de l'agencement d'actions. »(p59)

« Cette articulation est passée de la littérature au nouvel art du récit, le cinéma. Celui-ci porte à sa plus haute puissance la double ressource de l'impression muette qui parle et du montage qui calcule les puissances de signifiance et les valeurs de vérité . »(p60)

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