Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

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mardi 15 janvier 2013


Le statut de l'art chez Kant in L'ardent sanglot. Cinq études sur l'art. 1994 ed Encre Marine
par Nicolas Grimaldi

Espoir et désespoir de la raison.

« S'il est vrai , comme dans l'empirisme, que tout savoir commence avec l'expérience , la raison a toutefois trouvé le moyen d'échapper au désespérant et humiliant scepticisme que Hume avait développé comme l'inévitable corollaire d'un aussi précaire fondement »

« Mais à quoi bon pour la raison avoir sauvé ce qui ne peut toutefois lui servir à si peu que rien ?Car à l'inverse de l'espoir que l'invincibilité des mathématiques avait pu donner à la raison cartésienne, leur nature transcendantale ne permet précisément pas à la raison kantienne d'espérer pouvoir construire les objets de notre connaissance à la manière dont les mathématiques construisent les leurs dans les formes a priori de toute intuition sensible possible »

« 1ère conséquence d'un savoir qui ne puisse être reçue sinon dans l'espace et dans le temps : C'est qu'il ne peut rien y avoir d'absolument inétendu ou d'absolument intemporel qui puisse être jamais connu. Ni l'âme , si on entend par là la permanence d'une substance inétendue, ni Dieu, si on entend par là un être éternel qui serait partout actif et présent nulle part, ne peuvent être l'objet d'aucune science. La raison kantienne vient donc de découvrir ainsi que ce qui lui importe le plus est ce qu'elle est le moins capable de connaître. Mais comme dans la nature cartésienne , où tout est explicable rien n'est merveilleux. »

« Car si les règles de l'entendement constituent en ce sens « la source de toute vérité », elles n'en sont pas pour autant les conditions de toute réalité »

« Ce qui est proprement esthétique dans un objet , nous rappelle Kant , c'est ce qu'il y a de simplement subjectif dans sa représentation ; c'est à dire ce qui, ne pouvant participer à aucune connaissance , est seulement le plaisir ou la peine que nous retirons de sa représentation . »

« Le premier problème à se poser à propos du plaisir esthétique est à la fois celui de sa réalité et de la réalité de ce qui le produit.  « Cette prétention à l'universalité , constate Kant , appartient si essentiellement à un jugement qui affirme la beauté d'une chose qu'il ne viendrait à l'esprit de personne d'user de ce terme sans lui attribuer une validité universelle. » Or , comme ce qui plait matériellement aux sens est particulier à chacun l'inclination qu'on retire de ce qui nous est agréable ne peut-être qu'incommunicable, et ne saurait donc participer en rien au jugement esthétique. »

« En quoi peut bien consister la paradoxale réalité de ce plaisir que nous éprouvons sans que nos sens ni notre entendement y puissent être intéressés ?

A cette question Kant donne 3 réponses :

1-  « De même qu'il n'y a rien d'universalisable qui ne soit désintéressé , il n'y a rien d'universel qui ne soit transcendantal. Cette communicabilité universelle n'est pas celle d'un concept , il reste seulement qu'elle soit celle de « l'état d'esprit produit, dans cette contemplation par le rapport de nos facultés de représentation », c'est à dire par le libre jeu de l'entendement et de l'imagination.
Telle est la première réalité de l'expérience esthétique chez Kant , qui consiste dans le plaisir d'éprouver, à l'occasion de cette pure contemplation , «  l'harmonie de nos facultés », comme si la spontanéité de chacune s'épanouissait et s'accomplissait dans la libre invention de ce jeu sans contrainte. »

2- « De même que nous avons dû éprouver naguère « un plaisir très remarquable devant la compréhensibilité de la nature », de même l'expérience de la beauté suscite en nous le plaisir d'éprouver une secrète convenance (Einstimmung). Une sorte de connivence et de camaraderie entre la réalité empirique de la nature, ses compositions, ses formes, ses entrelacs et la spontanéité de nos propres facultés de représentation. »

3- « Le plaisir relatif à l'objet est sa communicabilité même. Le plaisir relatif à l'objet (dans une pure contemplation), nous dit Kant , est la conséquence de la communicabilité universelle de l'état d'esprit qui suscite sa représentation. Non pas un simple plaisir de sociabilité, c'est l'humanité tout entière que nous sentons convoquée et rassemblée autour de nous, le grand rassemblement de l'Église Invisible. »

« Dans le jugement de goût nous n'avons pas affaire à une beauté adhérente, puisque la beauté adhérente n'est autre chose que la gloire du concept rayonnant à travers la matière où il s'accomplit. Non plus d'un intérêt empirique proche de la sensualité d'un agrément (couleur de coquillage, chatoiement de plumages, chant de rossignols). Ce qui nous plaisait dans ces fleurs ou dans ce chant s'était donc pas tant leur forme que l'attendrissante et réconfortante pensée qu'elle nous était adressée par la nature elle-même. Seules les œuvres de l'art peuvent par conséquent nous procurer un plaisir esthétique absolument désintéressé. (à condition que ce ne soit ni des illusions de la nature, ni un divertissement quelconque) »

art = « ce qui a été produit par une liberté qui a mis la raison au fondement de son action ».
Sans qu'un concept ait transi cette volonté, on sent qu'une volonté transit cette œuvre entière . »

« Pour qu'une œuvre d'art soit perçue comme telle, il faut que bien que le propre de la finalité d'une œuvre soit intentionnelle ,(comme celle de n'importe quel objet produit par une technique) il faut qu'en même temps elle paraisse n'être pas intentionnelle. » §45 de la critique du jugement.
« Une œuvre d'art a l'apparence de la nature lorsqu'on y trouve une rigoureuse et exacte conformité aux règles selon lesquelles le produit peut devenir ce qu'il doit être ; mais cela ne doit pas être pénible; le procédé scolaire ne doit pas transparaître. En d'autres termes l'œuvre ne doit en rien laisser soupçonner que l'artiste ait pu être gouverné par aucune règles... ».Selon la formule d'Ingres, « l'art cache l'Art ». Par conséquent, le propre d'une œuvre d'art serait que la finalité externe y prit l'apparence d'une finalité interne. Si prodigieuse y doit donc être la technique, que le métier en vient à gommer toute trace du métier. Semblant donc manifester la même spontanéité organique, la même individualité et la même autonomie créatrice d'un être vivant, toute œuvre d'art parait ainsi figurer qu'en sa liberté l'esprit pourrait donner la vie aux choses. C'est pourquoi, dans l'instruction a ses Propylées de 1798, Goethe pourra dire que «  la plus fondamentale exigence envers un artiste sera toujours qu'il produise quelque chose de semblable aux phénomènes de la nature...; qu'il crée en rivalisant avec la nature, quelque chose de spirituellement organique, de sorte que son œuvre paraisse à la fois naturelle et surnaturelle. »

« S'il n'y a d'art que du génie, il n'y a de génie sans virtuosité , pas de virtuosité sans talent, pas de talent sans métier, et pas de métier sans apprentissage. A défaut qu'elle puisse en être une condition suffisante, l'une des conditions nécessaire de l'art est donc l'assimilation de processus mécaniques. Comment l'art peut-il être distingué de la nature s'il doit paraître naturel, et comment peut-il avoir l'apparence de la nature s'il doit en même temps nous donner conscience qu'il ne s'agit nullement d'une production de la nature? C'est par l'originalité de sa théorie du génie que Kant nous paraît résoudre cette aporie :-  « il n'y a pas de génie sans règles » mais il n'y a pas de règle du génie. Le génie ne peut ni s'apprendre, ni s'enseigner. Son premier caractère est « l'originalité » même. (§ 46)
Sans généalogie, sans ascendance, sans passé, il est l'intrusion dans la nature d'un pur commencement, exemplaire dans l'audace de son originalité.
Mais l'originalité n'est pas la seule condition au génie car «  l'absurde aussi peut-être original ».
Comme en témoigne la plus banale expérience de l'art, sans que l'œuvre change jamais, la perception que nous en avons peut indéfiniment changer. »

Percevoir =jouer = interpréter

« Dans l'expérience de l'art, tout est donc toujours en la merveille de son premier instant en sorte que, n'en finissant pas de commencer, la contemplation d'une œuvre nous introduit en l'éternité même. Parce qu'aucune intuition ne pouvait jamais correspondre à ces Idées de la raison, parce que notre raison ne pouvait donc jamais voir ce qu'elle ne pouvait que concevoir , elle faisait ainsi mélancoliquement , dans son usage théorique, l'expérience métaphysique de l'absence . Mais lorsque vient le poète et qu'il ose « donner une forme sensible aux Idées de la raison. » , voici que grâce à son art et a son imagination créatrice, le libre jeu de nos facultés vient effectivement à nous représenter ce qui dans la nature ne peut jamais être présenté, et à nous faire pressentir ce qu'on ne peut jamais y sentir.
Par la médiation de l'art, c'est donc la nature-elle-même-qui nous entretient de notre connaturalité avec le surnaturel. La causalité mécanique peut effectivement conspirer avec la causalité finale, l'ordre de la nécessité accueillir les œuvres de la liberté et la nature secrètement préparer l'avènement du surnaturel.
L'homme tend vers le surnaturel et l'ordre de la nature concourt à l'état de Grâce. »
« En analysant le statut de l'œuvre d'art et de sa production par le Génie, la critique du jugement esthétique répond à cette problématique, à savoir, une finalité à la nature. »


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