Ut
Pictura Poesis – Humanisme & Théorie de la Peinture.
XVe-XVIIIe siècles
R.
W. Lee
Éd.
Macula, 1998
R.
W. Lee (1898-1984) publie cet essai en 1967. Ancien élève de
Panofsky et de Friedlander, professeur d'art et d'archéologie à
Princeton, il était un spécialiste de la Renaissance et du Baroque.
« Nous
nous demanderons pourquoi les critiques qui appelaient les poètes
des peintres identifiaient aussi virtuellement l'art de la peinture à
l'art de la poésie. » (p. 11)
À
partir de références antiques (Horace, Aristote), les peintres mais
surtout les critiques, cherchent à instituer la noblesse de la
peinture, art libéral autant que la poésie. Lee montre alors
l'importance de la pensée humaniste (avec les 'dérives' du
formalisme académique français) dans la doctrine de l'ut pictura
poesis : la peinture est avant tout associée à la poésie car elle
interprète dignement (idéalement) les valeurs humaines, tout en
procurant du plaisir, de l''agréable.
S'il
analyse certaines oeuvres, Lee explicite surtout les différences de
pensée entre les théoriciens de l'art européens du XVe au XVIIIe
(et fait quelques remarques sur le romantisme). Il revient sur
l'ensemble des concepts et préceptes de cette doctrine, en explique
les limites ainsi que les changements à partir du XVIIIe. Il
s'applique à montrer l'importance de la théorie de Joshua Reynolds
(peintre anglais du XVIIIe) face aux limites de la conception de la
peinture de Lessing.
Théorie
humaniste de la peinture
=
se développe au XVe et décline au XVIIIe
=
repose sur présupposé : « la
bonne peinture consiste, comme la bonne poésie, en une imitation
idéale de la nature humaine en action. Par conséquent, les
peintres ont pour tâche, autant que les poètes, d'exprimer une
vérité générale, et non locale [//].
À cette fin, ils recourent aux
récits de la Bible, à la littérature de l'Antiquité
gréco-romaine; ils en tirent des sujets qui présentent un intérêt
universel […]. Les peintres
doivent en outre déployer
une grande variété d'émotions humaines.
Enfin, non contents de délecter l'humanité, il leur faut également
à l'instruire. »
Théorie
qui a ses racines dans l'Antiquité, en particulier avec la Poétique
d'Aristote
et L'Art
Poétique
d'Horace,
où ceux-ci établissent comparaisons entre peinture et poésie
Aristote
= être humain en action est l'objet à imiter aussi bien par poètes
que peintres
Horace
= « conclut en admettant que les peintres et les poètes ont
également droit à la liberté d'imagination pourvu que ce Pégase
aux pouvoirs parfois dangereux reste attaché dans l'écurie du
probable et du convenable. »
Introduction
Permet
chronologie et développement-déclin de la théorie de l'ut
pictura poesis
#
« Entre 1550 et 1750, les
traités sur l'art et la littérature insistent presque tous sur la
parenté étroite qui lie peinture et poésie. Les “deux
soeurs“, comme on les appelait communément […]
différaient certes par leurs moyens d'expression, mais on
considérerait qu'elles étaient presque
identiques dans leur nature profonde, leur contenu et leur
finalité. »
la
peinture est une poésie muette, la poésie une peinture parlante
(formule attribuée à Simonide par Plutarque)
_ la
poésie est comme la peinture / ut pictura poesis (Horace)…
renversée _ Poètes longtemps considérés comme peintres =
leurs images sont vivantes et pleine de couleurs, peintures verbales
; vivacité picturale dans description pouvoir du poète de pouvoir
« peindre dans l'oeil de l'esprit des images claires du monde
extérieur, comme un peintre les enregistre sur une toile. »
Si
peintres pas forcément considérés comme poètes, « du moins
sont-ils presque unanimes à affirmer que la peinture
mérite d'être prise au sérieux, à titre d'art libéral, par la
seule vertu de sa ressemblance avec la poésie. » p.10
« Ce
n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle
que cette opinion n'est plus partagée par Lessing
: il trouve dans les strophes de l'Arioste un excès de détails qui
ne donne aucune image distincte d'une femme vivante et outrepasse
donc les limites de l'art du poète. Le Laocoon s'attaque à ces
transgressions artistique qu'en poésie, comme dans les arts
figuratifs, l'ut pictura poesis d'Horace pouvait
encourager ou contribuer à justifier. »
Jusqu'au
XVIe
siècle, peintres plus
soucieux des problèmes
techniques et théories scientifiques
au service de leur art que de développer une esthétique
fondamentale. L'important est de savoir comment représenter le monde
sur sa toile (tri/bidimension) pratique
concrète de la peinture
// Léonard
#
Vers fin
XVIe attachement de
peintres-théoriciens (Lomazzo,
Armenini) « à organiser et codifier
des connaissances déjà
constituées dans l'intérêt des jeunes peintres. Ceux-ci, parce
qu'ils vivaient dans une époque de dégénérescence, avaient,
croyaient-on, d'autant plus besoin d'une instruction approfondie et
spécialisée, fondée sur la grandeur du passé dans l'invention et
la pratique […]. Ils avaient adopté le point de vue professionnel
d'une époque
d'académiciens et
croyaient naïvement que des prescriptions suivies à la lettre
garantiraient une belle pratique. » Théorie intervenait pour
activer possibilités idéales de l'art qui ne se manifestaient plus
dans la pratique _ Se tournent vers autorité de l'Antiquité Les
critiques « n'hésitèrent pas à s'approprier, pour fonder
leur propre théorie, nombre de concepts fondamentaux des traités
antique [Horace
et Aristote],
les forçant […] à s'appliquer à la l'art de la peinture pour
lequel ils n'avaient pas été conçus. » D'où certaine
absurdité
dans cette théorie de la peinture : un art utilisant un médium
différent ne peut se soumettre à une esthétique d'emprunt
_ Ce n'est qu'à partir d'une certaine indépendance face à doctrine
antique que les critiques, en analysant différences peinture/poésie
(apologie de l'une et l'autre sans vouloir les associer) donnèrent
notions vraies (auteur parle d'ars
pictoria)
Fondement
de l'ensemble de la théorie (avec ses réajustements) = peinture
comme poésie trouve son accomplissement le plus haut dans
l'imitation représentative de la vie humaine, non dans ses formes
moyennes, mais dans ses formes les plus élevées
//
Alberti
et son De
Pictura (doctrine
humaniste, un siècle avant âge de la critique en Italie)
« malgré sa connaissance imparfaite de la Poétique
d'Aristote,
il savait que l'activité essentielle d'un peintre sérieux est de
peindre une
“histoire“ - une action humaine significative ; et il avait
appris chez les auteurs latins que les artistes de l'Antiquité
s'étaient efforcés de transmettre une beauté idéale à leurs
oeuvres. »
//
Léonard
de Vinci dans son
affirmation que la visée
fondamentale de l'art de la peinture est d'exprimer les émotions de
l'être humains par les mouvements du corps
« la
plus grande peinture italienne, de Cimabue à Michel-Ange, a presque
toujours été l'incarnation
de la doctrine de l'imitation idéale.
Cette doctrine ne pouvait être que normative, à une époque de
conscience critique comme le XVIe siècle tardif » qui détient
héritage
de l'art “mythopoïétique“.
< la
poïesis
= geste
créateur, à la fois « invention » et « travail ».
Platon : les
poètes « fabriquent les mythes » et en
retour les mythes « font », « façonnent »
les âmes des enfants, donc les hommes qu’ils deviendront. Adjectif
aussi utilisé dans les années 60 en France par
« mythopoétique », défini par « qui trouve dans
les mythes sa richesse poétique »(même sens de la fabrication
du mythe). Claude Lévi-Strauss l’employait dans la
Pensée sauvage,
en 1962, pour qualifier son concept de « bricolage »
(commenté plus tard par Derrida)
#
XVIIe
siècle = certaine
continuité de la théorie de la peinture humaniste mais direction
différente. « Car les critiques italiens, absorbés par la
tâche primordiale de montrer combien la peinture ressemblait à la
poésie dans son domaine de compétence, sa profondeur ou sa
puissance expressive, n'avaient jamais cherché à explorer l'idée,
qui remonte pourtant à Aristote, qu'il existe des correspondances
formelles entre les “arts soeurs“ : le dessin équivaut à
l'action, les couleurs aux mots, etc.
Par la suite, les critiques
français et anglais ont parfois développé à l'excès ces
correspondances. Par une
extension malheureuse de ce parallèle artificiel, ils tentèrent
parfois d'enfermer
l'art de peindre dans la camisole d'une théorie aristotélicienne de
la tragédie. Il en
résulta, pour la critique comme pour la pratique une grave
confusion entre les arts
qui aboutit, comme on sait, au milieu du XVIIIe siècle, à la
vigoureuse tentative de Lessing
pour redéfinir opportunément la poésie et la peinture et pour
assigner à chacune ses frontières propres. En fait, dès le siècle
précédent, La Fontaine,
anticipant clairement sur Lessing, désignait le mal à sa racine en
écrivant :
“Les mots et les couleurs ne sont choses pareilles / Ni les yeux ne
sont les oreilles.“
[Conte
du tableau,
1674]»
Chapitre
I : L'imitation
Imitation
idéale / littérale
« Au
XVIe siècle, la doctrine de l'imitation idéale n'avait pas encore
entièrement supplanté la conception plus ancienne, et difficilement
conciliable, de l'art comme imitation exacte de la nature […].
Apparu
dès le Trecento
[// louange de Boccace
pour l'art de Giotto],
le concept
d'imitation littérale accompagne naturellement, tout au long du
Quattrocento, un point de vue et une pratique réalistes, chez des
artistes qui tendaient de toutes leurs forces à atteindre l'illusion
parfaite de la nature lisible. »
// Pline
(Zeuxis
trompant les oiseaux avec raisins peints, et Parrhasios
qui lui réussit à tromper Zeuxis lui-même avec rideau peint)
Paradoxe
= car jusqu'au milieu du XVIe, « l'homme
cultivé pouvait adopter la conception courante de l'art comme
facteur de généralisation et d'embellissement tout en considérant
comme le comble de l'art du peintre sa capacité à singer la
nature » // Vasari qui loue le naturalisme de
Raphaël ; // Léonard, pour qui la peinture est
beaucoup plus que la représentation littérale de la nature mais un
peintre mérite plus d'éloges s'il se conforme davantage à l'objet
imité
Dolce
= auteur du premier traité humaniste du XVIe s. sur la peinture
=
“le peintre doit s'efforcer non
seulement d'imiter, mais aussi de surpasser la nature“ et
c'est uniquement dans la représentation du corps humain qu'il peut
la surpasser, qui prime sur le reste de la nature (importance dans la
peinture italienne), cherche à concilier en quelque sorte
contradiction imitation idéale/littérale
=
à propos du corps humain en
mouvement que Dolce a développé sa propre doctrine de
l'imitation idéale > théorie
esthétique qui restera en vigueur pendant 2 siècles
=
si l'artiste veut surpasser nature en corrigeant défauts pour la
rendre plus belle qu'elle ne l'est, il doit être guidé par l'étude
de l'antique et donc prendre exemple sur les statues antiques qui
sont déjà cette nature idéalisée et la “perfection de l'art“
pour Dolce
imitation
non pas comme fin ou en soi mais comme moyen, comme des repères pour
progresser vers réalisation idéale
Problème
du culte de l'antique qui a parfois mené à une impasse
« théorie
pseudo-aristotélicienne de l'imitation » chez académiciens
français du XVIIe s. qui encouragent formalisme vide _ Conseil
de suivre l'antique se change en précepte dogmatique en imposant un
canon de beauté artificiel et définitivement invariable
_ traditionalisme sans inspiration (contre lequel romantisme devait
se révolter au nom de l'expression individuelle et intérêt nouveau
porté à la nature dans ses singularités)
exceptions
: Poussin
et Raphaël
qui réussissent à suivre l'antique avec intelligence
Détournement
du cours aristotélicien de la théorie de l'imitation = pensée
néo-platonicienne
(Lomazzo)
= beauté idéale, dont
chacun voit l'image reflétée dans le miroir de son propre esprit, a
sa source en Dieu plutôt que dans la nature _
« Quasi religieuse, voire mystique, en harmonie avec la
tournure d'esprit grave de la Contre-Réforme,
cette doctrine ne cherchait
pas une norme empirique de l'excellence en choisissant le meilleur
dans la nature extérieure concrète : elle la découvrait d'une
manière platonicienne dans la contemplation subjective d'une Idée
intérieure immatérielle. »
p. 29
Giovanni
Pietro Bellori
[archéologue,
historien, critique d'art et biographe italien (1613-1696) qui publie
dans la tradition de Vasari, ses
Vies
des peintres, sculpteurs et architectes modernes
en 1672, dont Poussin fait partie]
= retour de la théorie
aristotélicienne // tout le Classicisme
=
proclama que la nature
extérieure devait être la source de ces conceptions idéales qui
sont les objets de l'imitation artistique _ l'Idée (l'objet propre
de l'imitation du peintre) provient de la nature par un processus de
sélection du meilleur
« il
érigea définitivement la Poétique
d'Aristote – déjà consacrée dans la théorie littéraire – en
document tout aussi capitale pour la théorie de peinture. »
=
« Après avoir, malgré son platonisme résiduel, rétabli dans
sa version aristotélicienne la théorie de l'imitation en
réaffirmant que l'Idée prend sa source dans la nature, Bellori
rappelle le conseil
qu'Aristote donne aux auteurs tragiques de faire comme les bons
peintres, d'imiter la vie telle qu'elle devrait être ; dans une
curieuse juxtaposition d'éléments aristotéliciens et platoniciens,
il ajoute que “faire des hommes plus beaux qu'ils ne le sont
communément et choisir ce qui est parfait relève de l'Idée.
En termes aristotéliciens précis, il définit ensuite la peinture
comme une représentation de l'action humaine. Il énonce ainsi ce
qui était allusif ou implicite chez les critiques antérieurs : la
peinture est, comme la poésie, l'imitation d'une action humaine plus
belle ou plus significative que la moyenne. À ce sujet, on peut
rappeler l'observation
parfaitement humaniste et aristotélicienne de Poussin
: ayant compris plus profondément peut-être que tous les critiques
la portée de l'ut
pictura poesis pour
l'art du peintre, il disait qu'en peinture, sans l'action, le dessin
et la couleur ne servent à rien. »
p. 37
Chapitre
II : L'invention
Horace
= déconseille de créer de nouveaux sujets, mais plutôt de se
borner aux thèmes rendus familiers par la tradition
//
critiques des siècles ultérieurs = conviction
que l'invention (inventio)
qui recouvrait normalement le choix du sujet aussi bien que
l'organisation générale de la composition, devait porter
principalement sur thèmes traditionnels
//
époque Alberti,
peintre digne de ce nom est peintre d'histoire (istoria) = celui qui
représente un thème narratif, ancien ou moderne, sacré ou profane,
tiré de l'histoire et de la poésie, lesquelles étaient tenues pour
des disciplines libérales.
Sujets
tirés de la Bible et de l'Antiquité = indispensables pour un bonne
invention mais l'étude de la nature doit toujours servir de point de
départ, y compris pour renouveler thèmes consacrés
#
Fin XVIe = « le sentiment
de l'histoire engendre la bonne composition d'où procède la gravité
et la vérité ; les
peintres ressemblent aux poètes non seulement parce qu'ils possèdent
“il furor
d'Apolline“ –
cette inspiration divine dont Platon
avait parlé dans le Phèdre
– mais aussi parce qu'ils ont à représenter les exploits
illustres et la gloire des héros » (pensée de Lomazzo)
Bon
peintre = doit étudier en profondeur la nature humaine
=
peintre érudit, pourvu d'esprit poétique, connaissance de la
littérature qui lui fournira des exemples appropriés d'action et
d'émotion _ L'“érudition digne d'un homme libre“ (Cicéron)
demeure la première source d'inspiration pour peintres autant que
poètes
#
XVIIe siècle = sujet noble
est une condition sine
qua non du grand style,
qui vise à la vérité universelle en visant la “belle nature“ =
représentation idéalisée des grands évènements de l'Écriture ou
de la fable et de l'histoire grecque et romaine
Poussin
= “La nouveauté en peinture ne consiste pas principalement en un
sujet jamais vu, mais en une disposition et une expression bonnes et
nouvelles, et ainsi le sujet, de commun et vieux qu'il était,
devient singulier et nouveau.“ (cité
par Bellori
dans ses Vies)
Félibien
= on reconnaît un bon
peintre à une invention difficile et noble <
hiérarchie selon les sujets traités par les peintres _ Supériorité
du peintre d'histoire « Imitant Dieu, dont “le plus parfait
ouvrage“ est l'homme, il représente des groupes de personnages et
emprunte ses sujets à l'histoire et à la fable. “Il [lui]
faut représenter de grandes actions comme les Historiens; ou des
sujets agréables comme les Poëtes ; et, montant encore plus haut,
il faut, par des
compositions allégoriques, sçavoir couvrir sous le voile de la
fable les vertus des grands hommes & les mystères les plus
relevez.“ [préface
de Félibien à ses Conférences
de l'Académie royale de peinture et de sculpture,
1669]
#
XVIIIe siècle = accueil
varié à la doctrine de l'ut
pictura poesis parmi
critiques
Roger
de Piles
[1635-1709]
// Joshua Reynolds
[1723-1792,
peintre anglais, célèbre portraitiste, premier président de la
Royal Academy fondée en 1768] tous deux
volonté d'un élargissement
de la sphère d'activité légitime du peintre
Lessing
= définition austère et restrictive de l'art de peindre
« Car
bien que son propos avoué dans le Laocoon
soit de dissiper la confusion entre l'art temporel de la poésie et
l'art spatial de la peinture, Lessing confond inconsciemment peinture
et sculpture en définissant la finalité de la peinture comme la
représentation de la beauté corporelle. » beauté dans
symétrie et proportion qui donne forme à l'oeuvre
Hostilité
face à la peinture allégorique //
abbé du Bos
[1670-1742]
qui écrit “Les peintres sont Poëtes, mais leur Poësie ne
consiste pas tant à inventer des chimeres ou des jeux d'esprit, qu'à
bien imaginer quelles passions & quels sentiments où l'on les
suppose, comme à trouver les expressions propres à rendre ces
passions sensibles, & à faire deviner ses sentiments.“ à
propos de La
Naissance de Louis XIII
de Rubens
p. 49
«Lessing
considérait que l'expression relève plus de la poésie que de la
peinture, convaincu qu'en peinture elle tendait à interférer
gravement avec la représentation primordiale de la beauté
corporelle. »
Reynolds
“Qu'il s'agisse de l'être humain, d'un animal ou même d'objets
inanimés, il n'y a rien,
même sous des apparences peu flatteuse, qui ne puisse être élevé
en dignité ou exprimer un sentiment et produire de l'émotion sous
la main d'un peintre de génie.
Ce qui a été dit de Virgile,
qu'il donnait un air de dignité au fumier répandu sur le sol,
pourrait s'appliquer à Titien
: quoi qu'il touche, aussi
naturellement bas, aussi habituellement familier que ce soit, par une
sorte de magie, il le revêt de dignité et d'importance.“
étonnant
choix du Titien selon l'auteur, aurait pu être exemple de Chardin
p.45
Reynolds,
à propos du cycle de Marie de Médicis par Rubens
=
« Tout en dénonçant, en accord avec Du
Bos, la faute
commise par Rubens de mêler des personnages allégoriques aux
personnages réels, il souligne qu'en sacrifiant la vérité à la
nature Rubens atteint un autre ordre de vérité, plus riche de
sens. » « sur
ce sujet de l'allégorie en peinture, Reynolds a des mots plus
concluants que Lessing
quand il poursuit en ces termes […]
: “On doit toujours rappeler que la tâche d'un grand peintre est
de produire un grand tableau ; il doit par conséquent prendre
particulièrement soin de ne pas se laisser détourner de son
matériau par des arguments spécieux. Ce qui a été si souvent dit
contre la poésie allégorique – qu'elle est ennuyeuse et dépourvue
d'intérêt – ne peut s'appliquer aussi exactement en peinture, où
l'intérêt est d'un autre ordre. Si
la peinture allégorique procure une plus grande variété de beauté
idéale, une composition plus riche, plus variée, plus délicieuse,
si elle donne à l'artiste une meilleure occasion de déployer son
talent, elle présente tout l'intérêt que le peintre recherche ; un
tel tableau n'attire pas seulement l'attention, il la retient.“ »
p. 51-52
Chapitre
III : L'expression
Génie
de la peinture et poésie = connaissance des passions et dans le
pouvoir de les exprimer (Lomazzo)
// nécessité de connaître exactement les mouvements corporels
exprimant l'émotion humaine (Alberti)
Pensée
humaniste = âme de l'artiste doit avant tout être capable de
ressentir l'expérience humaine avec profondeur (//Horace) ;
participation imaginative de l'artiste aux émotions de ces
personnages se recrée chez le destinataire de l'oeuvre dans une
certaine mesure
//
Léonard
= éloge de la peinture, qu'il voit comme supérieur à la poésie,
car vivacité
des images capable d'inciter les hommes à des actes d'adoration et
d'amour
p55
=
« ses
remarques sur l'expression se fondent non sur des prescriptions
écrites, mais presque toujours sur une profonde observation
personnelle de la vie humaine.
Ainsi Léonard compare-t-il les mouvements du bras et de la main qui
accompagnent les paroles d'un orateur résolu à persuader son
auditoire à ces mouvements par lesquels, en peinture, l'activité
mentale des personnages représentés doit être exprimée dans la
moindre ambiguité pour que l'illusion de vie recherchée soit
convaincante
– d'autant plus convaincante que la peinture est elle-même pure
illusion et non réalité. » p. 56
=
peinture qui n'extériorise pas de manière convaincante les passions
de l'âme est selon son expression “deux fois morte“ p.57
Idée
que la peinture a le pouvoir d'émouvoir le spectateur en exprimant
des émotions humaines
#
Académiciens (critiques et peintres) = cherchent à « mettre
en pratique une rhétorique
picturale des gestes et de l'expression du visage,
à la fois exacte et complète, qui s'accordât avec les idées de
leur siècle en matière de convenances et de “belle nature“ et
donnât en même temps satisfaction à son vif intérêt
pour la peinture des émotions. »
p.61 (// Le
Brun
et Descartes : caractère psycho-physiologique particulier revêtu
par la théorie de l'expression durant les décennies du XVIIe ;
univers entier comme tout corps individuel perçu comme une machine)
=
« les critiques estimaient que, dans
une peinture, tout élément formel ou expressif était un composant
logique d'un ordre rationnel et devait donc infailliblement
contribuer à manifester une idée dramatique centrale.
C'était là un but que, au moins en téhorie, le peintre ne pouvait
atteindre que s'il respectait scrupuleusement les règles de
l'invention historique, de la disposition (ou “ordonnance“) et de
la couleur. » p.63
Poussin
(La
Manne)
= bonne manière de comprendre le tableau est de le “lire“, tout
en le comparant avec l'histoire, non pour en contrôler l'exactitude
mais exercice de discrimination pour l'esprit qui aboutit à juger de
l'excellence du tableau ; condition de cette excellence est dans
capacité
du peintre à représenter émotions humaines clairement appropriées
au sujet p.67
Poussin
// Descartes
= méfiance du mirage de la perception sensorielle et apprécie cette
connaissance choisie et ordonnée que seul le pouvoir de la raison
peut atteindre
Félibien
// Boileau
et sa conception cartésienne = énoncé
clair fait suite à une conception claire
« si un artiste entend former dans son esprit une sage
disposition de l'oeuvre qu'il veut exécuter, il doit d'abord “avoir
une connoissance parfaite de la chose qu'on veut représenter, de
quelles parties elle doit estre composée, & de quelle sorte l'on
doit y proceder.“ [Félibien] […] Un
tableau parfait est, comme un poème parfait, une construction
logique de la raison humaine, une pensée architectonique où la
moindre partie se rattache par un lien de causalité à l'intention
dramatique qui informe le tout.
Dans la perfection abstraite de l'édifice de la raison résident ces
règles que l'esprit peut découvrir par une suite rationnelle de
déductions – les règles pour l'invention, la disposition, les
convenances, la vraisemblance, l'expression, etc. –, bref, tout le
code draconien de l'Académie. » p. 69
Chapitre
IV : L'instruction et la délectation
Exhortation
à instruite en même temps que délecter par la peinture et la
poésie dérive directement d'Horace
(qui pensait surtout à l'effet de l'art dramatique sur le public)
=
légitimation morale aux
arts soeurs
=
« incitation à la
vertu, voire, comme
l'avait soutenu Lomazzo,
un guide dans cette vallée de larmes pour vivre dans la rectitude de
la foi chrétienne. » p. 73
Différent
chez Aristote,
puisque chez lui la représentation idéale de la vie humaine ne fait
pas de l'artiste un moraliste délibéré, mais cette conception peut
se rejoindre avec son concept de catharsis
= effet d'élévation et de purification de l'esprit, par le
spectacle d'un être de haut rang dans la tragédie
«En
estimant que le plus haut
accomplissement de la peinture était d'intégrer l'antique 'beau
de corps et d'esprit' à la construction dramatique d'un sujet noble
qui
proclamât la dignité de l'homme en un sens chrétien ou stoïcien,
les académiciens
étaient conscients du fait que l'instruction
morale passait par les règles et qu'il fallait que la peinture,
comme la poésie, ainsi que Boileau
le prescrivait après Horace : “Partout joigne au plaisant le
solide et l'utile.“ Et ils auraient ajouté que le spectateur avisé
d'un tableau, tout comme le “lecteur sage“ de Boileau, “…fuit
un vain amusement / Et veut mettre à profit son divertissement.“
[L'Art
poétique
de Boileau,1674] » p. 74
Théorie
didactique de l'art // tradition antique mais aussi médiévale,
exprimée par exemple par Dante,
« selon laquelle la poésie est le guide et l'institutrice des
hommes »
Chapitre
V : La convenance
#
Horace définition des buts de la poésie < idées de
convenance de la critique des XVIe et XVIIe s. + en partie
responsables de l'expression conventionnelle et affectée d'un Le
Brun = eut pour effet de pousser la théorie aristotélicienne de
l'imitation vers formalisme et didactisme
Convenance
(convenevolezza
ou decoro)
= peintre adjuré de faire en sorte que dans son art chaque âge,
chaque sexe, chaque type d'être humain exhibât ses traits
caractéristiques _ devait donné scrupuleusement à chacun de ses
personnages le physique / port / geste / expression du visage
appropriés
1ère
formulation = Alberti dans son De Pictura
//
Léonard en convient également = malgré son intérêt pour
la variété infinie de la nature, il définit le decoro comme
“la convenance dans le geste, l'accoutrement et le lieu“ [Traité]
et engage le peintre à prendre garde de la dignité ou la
bassesse des choses
Sorte
de débordement au conseil d'éviter
l'improbable et le fortuit pour adhérer au typique et au
représentatif < concept convenance amène système normatif qui
n'était pas propre à encourager originalité artistique < notion
antique (comme celle de nature idéale) aboutit à des formes
conventionnelles p. 80-81
#
Autre idée dans concept de convenance découlant de l'Art
poétique d'Horace = adhésion
spécifique à ce qui décent et conforme au goût / moralité /
religion
=
si implicite chez Alberti, après 1550 « les exemples
que les critiques relèvent pour illustrer le manque de convenance
suggèrent presque toujours l'immoralité, l'irrévérence ou la
vulgarité, plutôt que l'improbabilité ou l'absence de
représentativité ; attentifs à ce qu'ils considèrent comme sa
fonction didactique, les critiques s'intéressent avant tout à ce
que l'art soit aussi édifiant que possible. » (// Dolce)
p.82
//
critique de la Contre-Réforme sur le Jugement dernier de
Michel-Ange = impropriété esthétique dans rendu des muscles
selon sexe mais surtout accusé pour « avoir
gravement manqué à la modestie, la décence et la vérité sacrée
en transformant un sujet religieux en un déploiement d'invention
anatomique » (son art conviendrait plus à un bordel
qu'à la Sixtine selon propos de l'Arétin
rapportés par Dolce en 1557) p.83 + critique dans son choix
d'associer histoire biblique et poésie mythologique : « La
poésie et la théologie s'opposent fortement dit Gilio,
et quand Michel-Ange peignait un important article de foi, c'était
son devoir que de s'en rapporter aux théologiens, et non aux
poètes. » risque de croyances fausses pour les
ignorants_ p. 90 [clerc Gilio da
Fabriano = clerc qui écrivit un dialogue sur la peinture, début
XVIIe]
Pas
de champ à l'imagination _ Le peintre
de sujets religieux doit représenter à la lettre les faits
d'histoire et posséder une érudition suffisante
pour que ses peintures soient acceptées par les théologiens <
Montre « appauvrissement temporaire des valeurs humanistes qui
accompagna, au XVIe siècle, la fin
de la Renaissance classique et la politique de l'Église enrôlant
les arts au service de la morale et du dogme chrétien. »
p.94
#
XVIIe = application du concept de convenance implique vérité
représentative mais surtout vérité
moralement édifiante < précepte
selon lequel l'art doit conjointement instruite et délecter
(commun ici à Horace)
//
Félibien,
préface Conférences de
l'Académie, considère
la convenance (“bienséance“) comme l'une des parties “les plus
nécessaires en peinture pour instruire les ignorans & l'une des
plus agréables aux yeux des personnes sçavantes“
Chapitre
VI : Le peintre érudit
Théorie
du peintre érudit = important dans doctrine de l'ut
pictura poesis //
prototype du doctus poeta
de l'Antiquité
//
Idée exprimée par Alberti au XVe peintre gagnera à
connaître poètes et érudits ou même s'associer avec ceux de son
époque pour se procurer sujets dignes d'intérêt
mais
fin XVIe exagération de ce pédantisme : les critiques de la
peinture (et leurs collègues littéraires pour poètes) stipulent
que peintre doit connaître la littérature sacrée et profane +
géographie, géologie, théologie et us et coutumes de différents
pays car « seul un onde de connaissances précises lui permet
de témoigner le respect dû aux textes poétiques ou historiques
«Lecture
littérale des tableaux qui s'exerce aux dépens de leur
signification dramatique, lecture que pendant deux siècles la
critique devait s'efforcer d'encourager au nom de la convenance, ou
peut-être de la vraisemblance, ou tout simplement de l'érudition
pour elle-même. » p. 100
# XVIe,
sous l'influence de la Contre-Réforme, peintre doit avoir solide
connaissance de la littérature religieuse (légendes
des saints,…) et converser avec les théologiens pour savoir
comment représenter le Ciel, l'Enfer et ses habitants
Totalité
importante de tout un programme
d'érudition exigé au peintre (exigences scientifiques et
références littéraires étaient déjà conseillées par Alberti et
Léonard, dans une moindre mesure) < exactitude
absolue avec laquelle il faut rendre l'histoire courante au XVIe
siècle < « quelle que soit sa source, le peintre doit faire
une citation strictement littérale. » p. 103-104 //
Borghini reproche à Titien d'avoir mal lu Ovide
et d'autres poètes pour son tableau Vénus et Adonis (1554)
# Encore
plus représentatif au XVIIe, en particulier avec les critiques
français qui prescrivent au peintre l'érudition
et le respect de la vérité du texte
//
débat académiciens autour des tableaux Le Frappement du rocher
(16) et Éliézer et Rebecca de Poussin (1648) =
complaisance au nom de la vérité historique, ou encore
justification de libertés prises avec faits historiques par vérité
plus haute atteinte
Poussin
peut-être le plus proche de cette figure du peintre érudit mais
souvent il n'a pas de science exacte du costume ou du lieu par
exemple, se borne à des généralisations de formes italiennes ou
antiques (« Cette subordination de l'érudition à la création
artistique était inévitable chez Poussin, comme elle doit l'être
chez tout grand peintre érudit qui voit les formes naturelles ou les
actions humaines sous l'aspect de l'éternité. »)
# « si
l'on considère les grands artistes de la Renaissance qui peignirent
avant que ne se développât la doctrine du peintre érudit, il est
incontestable que, quand ils illustraient les fables des poètes ou
des sujets tirés de l'histoire ou de l'Écriture, malgré tous les
liens qu'ils entretenaient avec les humanistes, jamais ils ne
privilégiaient l'érudition, jamais ils ne se souciaient en priorité
de suivre scrupuleusement les textes : ils traitaient leur matériau
littéraire librement, avec imagination, en l'adaptant aux
possibilités de leur propre moyen d'expression et au langage
traditionnel de leur art. »
<
finalement le peintre érudit « a
moins existé dans la réalité que dans l'idée que les critiques du
XVIe se sont faites de lui » p.110
Chapitre
VII : Renaud et Armide
Deux
personnages issus du poème épique du Tasse,
La Jérusalem délivrée,
publié en 1581 et qui fournit des sujets aux peintres 10 à 15 ans
après
Chapitre
qui analyse tableaux qui représentèrent cette épisode : Poussin,
Simon Vouet, Andrea Camassei, Le Guerchin, Annibal Carrache, Paolo
Finoglio, Giambattista Tiepolo…
# « les
peintres qui illustraient le poème du Tasse se conformaient
nécessairement à quelques unes des exigences les plus importantes
de la doctrine de l'ut
pictura poesis. En
empruntant leurs sujets à un poème
épique empreint de noblesse et de gravité, dans lequel l'histoire
héroïque se combinait avec le merveilleux, ils participaient de la
grande invention du poète et, comme lui, imitaient des actions
humaines d'un intérêt et d'une signification hors du commun.
L'expression,
dans laquelle Lomazzo voyait l'essentiel de la ressemblance entre
peinture et poésie, devait dépendre du génie des peintres et de
l'intérêt qu'ils prenaient aux émotions humaines du poème.
[…] [convenance laissée aux critiques]
Ils
ne se souciaient pas non plus, semble-t-il, du précepte selon lequel
la peinture, doit, comme la poésie, instruire et délecter, car ils
évitèrent
résolument l'action principale
du poème, fort sérieuse : le siège et la prise de Jérusalem par
les croisés […] ; ils préférèrent
pour la plupart les épisodes amoureux et idylliques à dominante
lyrique, où une mélancolie tendre,
caractéristique du Tasse, trouve à s'exprimer sans entraves. »
p.113
Sujets
tirés de ce poème permettent de prolonger tradition pastorale de
l'Antiquité (âge d'or) + mythes érotiques (engouement général
pour Ovide)
//
Renaud
et Armide,
tableaux de Finoglio
(« intense sentiment du baroque ») et celui de Tiepolo
(« tendresse malicieuse du rococo ») où les « deux
artistes traitent librement le texte du poème, au profit de
l'intensité expressive ou de l'effet pictural »
p. 146
# « Non
seulement ils prirent des libertés
avec le texte lorsque les exigences de la peinture les y poussaient,
malgré les interdictions des critiques, mais encore, pour la
composition comme pour l'iconographie, ils employèrent des formes
traditionnelles
que les peintres et sculpteurs de la Renaissance ou leurs
prédécesseurs de l'Antiquité avaient mises au point pour illustrer
des fables qui présentaient souvent quelque ressemblance avec
certains épisodes du poème du Tasse. » connaissance autre que
les références littéraires mais « langage
traditionnel des arts de la représentation, que son génie convertit
en possibilités toujours nouvelles de composition et
d'interprétation »
p.114
# «Souvent,
dans son oeuvre, Poussin
recourt, avec beaucoup d'invention, à l'imagerie antique pour
innover en matière picturale
: ces évocations subtiles du mythe ancien font affleurer de riches
correspondances poétiques ; le langage formel de l'Antiquité,
adapté avec discrétion à de nouveaux emplois expressifs, se
perpétue dans une éloquente et tangible continuité. » p.120
_ à propos du dessin de Poussin, Armide
abandonnée par Renaud,
peintre s'inspire de représentations de Ariane
abandonnée par Thésée
« les altérations apportées par Poussin à la composition
antique se caractérisent par la recherche d'une plus
grande unité picturale contribuant à la concentration dramatique »
p.147
Chapitre
VIII : La “virtù
visiva“
#
Pensée de Léonard de Vinci, théorie du paragone où il
place la peinture au plus haut rang et surtout qu'il considère comme
supérieure à la poésie = considérait
le poète comme un revendeur de marchandises intellectuelles
élaborées par d'autres artisans [cf
son Traité] Pour lui, invention dans l'art du poète relève aussi de celui du
peintre, de même pour l'instruction
La
vue (à laquelle s'adresse la peinture) est un sens supérieur, plus
noble que l'ouïe (poésie) ;
pour lui « “l'oeil ténébreux“ qui forme dans l'esprit les
images poétiques des choses – c'est-à-dire l'imagination poétique
– est inférieur à l'oeil corporel du peintre, qui appréhende
directement le monde extérieur dans sa richesse et sa variété
merveilleuses, alors que l'oeil intérieur du poète en est
incapable. » p 156
<
Peinture
et poésie sont donc pour lui complètement différentes
« Expliquant
pourquoi le peintre est supérieur au poète pour dépeindre une
bataille – supériorité
qu'il évalue en termes d'immédiateté, de vivacité et de vérité
–, Léonard déclare que le peintre
montre en un unique instant les diverses actions rapides qui
constituent la bataille, par contraste avec la longue et fastidieuse
description du poète. »
_ De même pour la représentation de la beauté physique = le
tableau au contraire du poème donne à voir au même moment tous les
traits d'un visage
<
appréhension en un seul instant = anticipation sur l'abbé Du
Bos et Lessing
Léonard
=
le plus important dans la peinture est la manifestation de l'activité
de l'esprit par les mouvements du corps
« Affirmant que le domaine de l'esprit n'est pas fermé au
peintre, Léonard cantonne cependant celui-ci à ce qui, dans cette
activité intérieure, est rendue perceptible à la vue par
l'intermédiaire du corps. » p. 162 [photocopies]
#
(XVIe) Benedetto Varchi,
en 1549 distingue peinture et poésie = « soutenait qu'il
revenait en priorité au poète d'imiter “il
di dentro“ - les concepts
et les passions de l'âme, qui sont intérieurs – et au peintre
d'imiter “il di fuori“
- les corps et les caractéristiques du monde extérieur. »
#
début XVIIIe siècle = Du
Bos = première fois depuis
près de deux siècles qu'une nouvelle distinction est faite entre
poésie / peinture, en montrant sujets qu conviennent le mieux au
peintre d'un côté et de l'autre au poète
<
souligne surtout la capacité de variété–simultanéité de la
peinture
<
supériorité de la poésie par capacité à représenter pensées
sublimes, complexité morale + rendre compte de plusieurs évènements
distincts dans le temps :
« Mais
l'art temporel l'emporte sur l'art spatial en ce que le poète arrive
à représenter les pensées sublimes ou subtiles qui accompagnent
les passions de l'âme, alors que le peintre en est incapable, bien
qu'il dépeigne les émotions avec plus de vivacité ; de même,
alors que le peintre ne le peut pas, le poète
arrive à rendre la complexité morale d'un personnage et donner un
sens supérieur aux évènements en le reliant dramatiquement aux
évènements précédents.
Dans la langue de son époque, Du Bos appelle “sublime
de rapport“ cette
dernière possibilité, évidemment exclue
pour le peintre, qui doit se limiter à un seul événement situé
dans un moment unique. »
p. 164
=
anticipation sur Lessing
Chapitre
IX : L'unité d'action
Plus grand compliment
que de faire remarquer à un peintre qu'il a respecté, comme un
poète dramatique, la règle de l'unité de temps de lieu et d'action
// pensée cartésienne de l'ordre et la clarté
Nouveauté
dans la doctrine de l'ut
pictura poesis = concept
formel
de l'unité d'action (concept emprunté à Aristote mais qui n'en a
pas la même signification,) et non de contenu
(invention/expression/convenance)
Avec La Manne, si
Le Brun donne des intentions didactiques à Poussin,
Félibien fonde son argumentation sur des bases esthétiques _
Avec ce tableau, on ne peut « accuser Poussin d'avoir mis quoi
que ce soit dans son tableau qui compromît l'unité d'action, qui
fût contraire à la probabilité ou […]
trop éloigné de la vérité historique » p. 167
Pour Félibien, « il
allait de soi, à une époque qui voyait dans le peintre un
moraliste, un poète et un historien, qu'un homme cultivé lût comme
un texte le tableau qu'il regardait : d'ailleurs Poussin lui-même
l'y incitait, alors qu'il ne reconnaissait pas à l'art de fonction
didactique. » p.169
Félibien
attribue à tort théorie aristotélicienne de l'unité d'action à
l'oeuvre de Poussin = « Pour
le dramaturge, l'unité d'action est un principe critique
extrêmement précieux, qui concrétise une norme de sobriété et de
concentration et qui met en garde contre l'adjonction d'éléments
accidentels ou sans rapport avec l'action, dans un art où la
succession temporelle des
évènements doit s'acheminer avec cohérence vers une fin
inévitable. Mais en
peinture, après l'abandon de la représentation continue [où
plusieurs scènes, séparées dans le temps, étaient représentées
simultanément dans le tableau], ce
principe ne pouvait avoir aucun sens
dans son acceptation aristotélicienne, parce
que l'équivalent en peinture de l'unité d'action selon Aristote,
qui serait de représenter un événement de façon que tous les
éléments picturaux servent simultanément à exprimer une seule
action dramatique, ne pouvait nécessairement inclure qu'un seul
moment du temps, du fait des contraintes du moyen d'expression
employé.
Une fois cela admis, il devient clair que toute
tentative d'appliquer à la peinture le principe de l'unité d'action
tel qu'Aristote l'appliquait au drame aboutit à une erreur
esthétique. »
p. 170
Critique
de cette conception par Reynolds
= observe que cette tendance conduit aussi à trouver dans les
oeuvres “ce que l'on est résolu à y trouver“ (analyses
psychologisantes de Le Brun) _ Selon lui, “[les critiques] font
l'éloge de valeurs qui ne peuvent coexister ; et par-dessus tout,
ils aiment décrire, avec une grande exactitude, l'expression de
passions complexes, qui, à la réflexion, se révèlent
inaccessibles à notre art.“ _ exprimer passions complexes
dépassent capacités de la peinture
#
Lessing
= concession
à l'imagination temporelle avec théorie du moment le plus fécond :
le peintre se limite certes à un seul moment du temps, mais il doit
choisir le moment de l'action ou de l'émotion – moment légèrement
en retrait, de manière que l'expressivité ne nuise pas à la beauté
– qui suggère le mieux ce qui s'est passé ou encore ce qui est à
venir.
Lessing ne semble malheureusement pas avoir compris les implications
de cette théorie en dehors de l'art antique. […] On tiendra compte
toutefois de ce qu'il s'efforce
de considérer l'art, non comme la simple réalisation objective de
belles formes, mais aussi dans ses effets sur l'imagination
[…]. Lessing aurait été le premier à récuser tous ceux pour qui
l'instant fécond aura été décidément trop fécond. »
[//spéculations sur vie intérieure des personnages ou perception
action extérieure à l'oeuvre] p. 173
Conclusion
Reynolds
= « Ainsi, d'après l'un de des derniers et plus éclairés
parmi les adeptes de l'ut pictura poesis […],
la principale
ressemblance qui rapproche la peinture de la poésie réside, non
dans les respect d'une série de règles empruntées à “l'art
soeur“, ni dans on ne sait quelles correspondances formelles bien
imaginaires, mais dans la “noblesse de conception“.
Pour Reynolds, le sens le plus profond de la peinture, comme de la
poésie, est de révéler
et d'interpréter ce qui fait la dignité de la vie des hommes.
Il avait la conviction que la peinture
ne se réduit jamais à un pur art de la vue, mais que c'est
l'esprit, auquel l'oeil se subordonne, qu'à l'instar du poète, le
peintre de génie cherche avant tout à s'adresser. »
p. 178 cf. photocopies (3pages) = à la fois
résumé et conclusion + explique rapidement changements XVIII-XIXe
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