Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

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mercredi 13 mars 2013

L’expérience



L’expérience

Ferdinand Alquié, 1966

La notion d’expérience

1.     définition de l’expérience

« Le mot expérience indique le contact formateur du moi avec les choses »

« L’expérience n’est pas seulement le fruit de ce qu’il nous a été donné d’apercevoir : elle est fille de notre capacité de comprendre, de notre réflexion, de notre initiative : là où ses qualités font défaut, elle semble s’évanouir. »

« On voit ainsi que ce par quoi on explique le réel ne saurait présenter les caractères du réel lui-même. La notion philosophique d’expérience renvoie à une expérience pure qui n’est, à proprement parler, jamais expérimentée ; le mot expérience désigne l’élément non isolable de passivité qui semble présent en toute connaissance humaine. »

2.     L’empirisme

Selon la pensée empiriste, « l’esprit ne possède aucune spontanéité, aucune véritable initiative : réceptif et passif, il reçoit tout du dehors. »
L’esprit est perçu comme une « ‘‘cire molle’’ sur laquelle viennent s’imprimer les empreintes des choses. »

« Il ne convient pas de réduire aux sensation l’expérience première par laquelle l’empirisme explique la connaissance. »

« La mémoire suppose, infère, juge, reconstruit : elle dépasse encore l’expérience. Ainsi, le retour aux seules données sensibles, bornées, comme le remarque Hegel, à un « maintenant » et à un « ici », m’abandonnerait en un monde où l’être se réduirait au seul objet de la perception immédiate, où la vérité ne se distinguerait plus de ce que m’offrirait l’instant. »

Hume souligne la « discontinuité des impressions sensibles, en effet momentanées et évanouissantes ».

« L’essentiel [pour l’empirisme] est seulement de ne jamais avoir recours à des conditions transcendantales de la connaissance, de découvrir à l’intérieur du donné, tout ce qui est nécessaire à sa compréhension, de faire, en un mot, rentrer l’a priori dans le domaine de l’expérience. »

3.     L’idéalisme

« L’expérience, qui était pour l’empirisme un principe d’explication, ca donc devenir ici un obstacle, une gêne. »

Tendance de l’idéalisme : négation de toute réalité extérieure à l’esprit, abolition de toute distinction entre sensibilité et raison.

« Selon Hegel, nulle réalité ne saurait être posée de façon absolue, et l’esprit lui-même ne se réalise que par la médiation. »

« De ce que tout donné est conscient, on ne saurait conclure que tout donné soit spirituel. »

« On ne peut demander aux hommes de philosopher que si la philosophie reste au niveau de l’homme. Et nulle philosophie ne reste au niveau de l’homme si elle ne donne une place à la passivité de l’esprit. »

« Il n’est qu’une façon de ne pas inviter les hommes à renier l’esprit. C’est de laisser à l’expérience sa place, et de ne point enseigner que la raison est à la source de ce dont on n’est pas capable de rendre véritablement raison. »

4.     La position kantienne

« Kant verrait plutôt dans l’expérience pure un élément évanouissant, un résidu que jamais on ne peut véritablement atteindre et saisir.
L’expérience sur laquelle réfléchit Kant, et dont il se demande « comment elle est possible, c’est toujours l’expérience constituée, telle que la présente, par exemple, la physique. »

Kant prend parfois le mot de l’expérience au sens des empiristes :

Dans la connaissance = données sensibles vis-à-vis des-quelles l’esprit est réceptif + les enseignements théoriques que nous tirons de ces donnés
En morale = manifestation immédiate des désirs en nous

« Mais lorsqu’il définit ainsi l’expérience, Kant a toujours le soin de montrer qu’elle ne peut jamais rendre tout à fait compte de ce que contient, authentiquement et réellement, notre conscience. »

« Le plus souvent, Kant entend donc par expérience la connaissance constituée, ou, en morale, le « fait de la raison » qui manifeste en nous la présence de la loi. »

« Lorsque Kant se demande comment l’expérience est possible, il ne peut ce problème qu’au terme d’une analyse régressive, s’élevant de l’expérience à des conditions qui ne sauraient être, à leur tour, expérimentées. C’est pourquoi le sujet kantien, source de connaissance et de moralité, est toujours atteint comme la condition a priori de l’expérience. »

« Toute expérience effective comporte une part de construction de la part de l’esprit. »
« L’esprit atteint par réflexion sur l’expérience n’est pas un esprit omnipotent et triomphant. Il a lui-même une expérience, il fait l’expérience du donné, et même l’expérience de lui-même. »

« Tirer du monde tout savoir et savoir cependant que le monde n’a de sens que par ce qui n’est pas au monde, telle est la condition au-dessus de laquelle nulle conscience humaine ne saurait s’élever. »


Expérience sensible et expérience intellectuelle.

1.     L’expérience sensible.

« Elle est à la source de notre perception et de notre science de l’objet. »
« Dès qu’on la veut saisir, la sensation se dérobe et paraît n’être plus offerte qu’à une sorte d’expérience limite, qu’il faudrait découvrir au bord du sommeil, ou de l’évanouissement, c’est à dire aux frontières de notre conscience. »

« C’est la perception, et non la sensation, qui est pour nous incontestable ; c’est l’objet, et non le sensible, qui nous paraît offert. »

« Si l’expérience n’a de sens que par rapport à l’objet ou au sujet, il semble qu’objet et sujet n’aient de sens que par rapport à elle. »

« Le sensible fonde le dualisme en ce qu’il renvoie toujours à autre chose, et résiste à toute identification avec ce vers quoi il renvoie : il ne peut se déduire ni des lois de l’objet, ni de l’unité du sujet. »
« Dans l’objet, le sensible est signe de subjectivité, dans le sujet, il est signe d’objectivité et d’extériorité. »

« A ce niveau, l’expérience établit à la fois que le réel ne peut se réduire à l’objet, et pourtant que le sujet n’est pas seul au monde. Elle révèle ainsi sa nature la plus fondamentale et la plus essentielle, et témoigne que l’homme ne saurait parvenir à une connaissance qui soit totalité, suffisance et repos. »

2.     L’expérience intellectuelle.

« Ainsi, lorsque nous partons du sensible, nous sommes toujours renvoyé à l’esprit ; et lorsque nous voulons partir du seul esprit, de son acte, de sa construction, nous retrouvons l’irréductibilité de l’expérience. L’esprit n’est pas seul au monde, toute science est science d’un objet, la vérité ne peut se définir de façon formelle. »


Expérience morale et esthétique.

2.     L’expérience esthétique

« L’expérience esthétique est, au sein de la contemplation, celle d’une émotion. »
Emotion éprouvée devant le beau = émotion désintéressée

« Bien des psychanalystes ont vu dans l’émotion esthétique l’expérience de la réalisation symbolique de nos désirs ; l’art constituerait le langage secret que l’inconscient de l’auteur parlerait au nôtre, et nos instincts obscurs, inavoués, seraient la clef de nos émois. »

« Si donc il y a sympathie dans l’art […], que l’art nous permet de nous « infuser » dans les êtres et les objets, encore est-il que cette sympathie est le fait d’un esprit capable de ressentir la beauté. »

« Hegel même, pour lequel l’art est, dans la forme extérieure et sensible, signe de l’idée, ne voit guère dans l’expérience esthétique qu’une préparation à l’expérience du vrai, une forme approchée de la connaissance. Chez lui, l’art cède finalement la place à la religion et à la philosophie. »

« Avec Kant, le beau nous donne une satisfaction détachée de tout intérêt, il est la forme de la finalité d’un objet en tant qu’elle y est perçue sans représentation de fin, que, sans concept, il plaît universellement et même est reconnu comme l’objet d’une satisfaction nécessaire. Ainsi l’expérience esthétique renvoie sans cesse à la sensibilité comme à sa matière et à son sujet. »

« Nous ne saisissons la beauté qu’après avoir abandonné le réel, après avoir décidé d ne plus considérer les objets dans leur être, mais seulement à titre d’image. »
« L’attitude esthétique suppose la séparation d’avec toute saisie vitale, l’abandon de tout souci réaliste : c’est au sein d’une sorte de rêve, ou de jeu, que peut se révéler la beauté. 
Il n’en est pas autrement pour la beauté « naturelle ». Elle semble appartenir aux objets réels, mais elle ne se révèle qu’à celui qui a d’abord décidé de faire du monde un spectacle, de ne le point craindre et de n’y pas intervenir. »

« Le beau artistique ou naturel n’est jamais la qualité d’un être : il apparaît au sein de l’absence, il est la qualité d’une image. »
Le beau « ne se manifeste qu’à celui qui, d’abord, a renoncé au réel, a adopté l’attitude de l’imaginaire, s’est installé dans le mensonge. »

« Toute expérience est le signe d’autre chose que l’expérience, pourtant, nulle expérience ne peut vraiment être dépassée. L’expérience sensible appelle les structures intellectuelles qui, seules, lui donnent un sens ; mais l’esprit connaissant ne peut se saisir au niveau de ces seules structures ; il ne peut se suffire, et renvoie, à son tour, à quelque passive constatation. L’expérience morale et l’expérience esthétique semblent appeler un Etre transcendant qui les fonde, Etre que les philosophes ont nommé, selon leur système : Dieu, ciel des idées, monde nouméal ou intelligible. »

« La conscience de l’homme est toujours séparée de son objet véritable. Sa condition est l’espérance, et non la possession. »


Signification de l’expérience.

1.     Expérience physique, expérience religieuse, expérience mystique.

« L’expérience physique est celle qui nous livre à ce que nous appelons le monde. »
Cette expérience physique est variable selon le point de vu socio culturel et temporel du sujet.

« Pour qu’il y ait expérience proprement physique, il faut que nous soit donnée l’objectivité comme telle, il faut que le monde nous paraisse réel. »
« Prétendrons-nous alors que l’expérience physique est, en son essence, la conscience originelle que l’homme prend de la présence du monde, et de sa propre insertion dans le monde ? »
« De toute évidence, nous sommes ici, non devant une expérience, mais devant la condition a priori de tout type d’expériences. »

« Toute expérience religieuse semble osciller entre l’expérience de la transcendance, qui est celle de la séparation de Dieu et de l’homme, et celle de l’immanence, qui est celle de leur unité. Mais la pure immanence est la totale transcendance ne peuvent se présenter que comme des limites que toute religion rejette. L’immanence pure conduirait au naturalisme. »
« La présence divine ne peut être saisie qu’au sein de l’absence de Dieu, et donc dans un dépassement de l’expérience bien plus que dans l’expérience d’un dépassement. »

« Kant veut substituer, comme il le dit, la foi au savoir. Or, selon la connaissance, la foi, l’espérance, l’amour ne sont que des sentiments : en les expérimentant, nous n’exprimons que nous-mêmes. Mais on ne saurait conclure que de tels sentiments soient sans objet. Il faut seulement avouer que leur objet, étant, cette fois, l’Etre lui-même, ne peut être objet d’expérience. Et Kant nous donne, mieux que toute autre philosophe, le moyen de déterminer cet objet, en précisant que Dieu ne peut être situé dans l’au-delà de nos penchants, mais dans le seul au-delà de la raison morale. »
« Le Dieu de Kant, au contraire, ne s’offre à notre espoir que comme l’Etre qui réalisera l’accord de la vertu et du bonheur. »
è Idée d’un « Dieu juste »

« Si donc on peut parler d’une expérience religieuse, c’est à condition de ne pas décider tout à fait si nous y expérimentons notre seule subjectivité, ou si nous atteignons ici, de quelque façon, Dieu lui-même. Car, dans le premier cas, notre expérience serait seulement psychologique, dans le second elle serait, à proprement parler, expérience métaphysique. »

2.     L’expérience métaphysique.

« Les expériences spécifiées nous renvoient à « autre chose », par quoi elles prennent leur sens. »

Métaphysique = définition de Schopenhauer : « toute connaissance qui se présente comme dépassant la possibilité de l’expérience. »

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