Bienvenu sur ce blog réalisé par les étudiants de l’Université Rennes 2 qui préparent le concours de l’agrégation arts plastiques, et qui a pour but de mutualiser et partager des savoirs relatifs à ce concours.

Un grand nombre des articles que vous trouverez ici vous présenteront des fiches de lecture concernant les livres indiqués dans les différentes bibliographies relatives aux épreuves écrites.

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dimanche 11 novembre 2012

Le destin des images


Le destin des images

Jacques Rancière

Editions La fabrique, 2003

Le destin des images ne cherche pas à donner une destination précise aux images qui peuplent notre quotidien, qu’elles soient artistiques ou qu’elles appartiennent à des registres plus populaires. Jacques Rancière préfère aborder la question de l’image selon sa nature composée, hétérogène. Il aborde les problématiques de la narration, de « l’image parlante », ainsi que les questions du représentable et du pensable.

I. Le destin des images p.7
p.9 l’ouvrage cherche à réfléchir « à ce que sont les images de l’art et aux transformations contemporaines de leur statut. »

L’altérité des images p.11
p.14 « L’image n’est jamais une réalité simple. Les images de cinéma sont d’abord des opérations, des rapports entre le dicible et le visible, des manières de jouer avec l’avant et l’après, la cause et l’effet. Ces opérations engagent des fonctions-images différentes, des sens différents du mot image. Deux plans ou enchaînements de plans cinématographiques peuvent ainsi relever d’une imagéité différente. Et inversement un plan cinématographique peut relever du même type d’imagéité qu’une phrase romanesque ou un tableau. »

« Image désigne ainsi deux choses différentes. Il y a la relation simple qui produit la ressemblance d’un original : non point nécessairement sa copie fidèle, mais simplement ce qui suffit à en tenir lieu. Et il y a le jeu d’opérations qui produit ce que nous appelons de l’art : soit précisément une altération de ressemblance. »

p.15 L’art est donc fait d’images de différentes natures. « Les images de l’art sont des opérations qui produisent un écart, une dissemblance. Des mots décrivent ce que l’œil pourrait voir ou expriment ce qu’il ne verra jamais, ils éclairent ou obscurcissent à dessein une idée. »
L’image n’est donc pas forcément liée au visible, et le visible ne fait pas forcément image.
« Mais le régime le plus courant de l’image est celui qui met en scène un rapport du dicible au visible, un rapport qui joue en même temps sur leur analogie et sur leur dissemblance. »

Image, ressemblance, archi-ressemblance p.16
p.17 Art contemporain : recherche de la vraie image (Véronique)
La photographie change de statut, elle qui fût considérée comme un « simulacre mécanique et sans âme », est « désormais perçue, face aux artifices picturaux, comme l’émanation même d’un corps, comme une peu détachée de sa surface, remplaçant positivement les apparences de la ressemblance et déroutant les entreprises du discours qui veut lui faire exprimer une signification. »
p.17, 18 « L’empreinte de la chose, l’identité nue de son altérité à la place de son imitation, la matérialité sans phrase, insensée, du visible à la place des figures du discours, c’est cela que revendique la célébration contemporaine de l’image ou son évocation nostalgique : une transcendance immanente, une essence glorieuse de l’image garantie par le mode même de sa production matérielle. »

p18, 19 Barthes, La chambre claire : studium = renseignements que transmet la photographie, signification. Punctum : ça-à-été (puissance effective)
« L’un et l’autre conçoivent l’image comme une parole qui se tait. L’un faisait parler son silence, l’autre fera de ce silence l’annulation de tout bavardage. Mais tous deux jouent sur la même convertibilité entre deux puissances de l’image : l’image comme présence sensible brute et l’image comme discours chiffrant une histoire. »

D’un régime d’imagéité à un autre p.19
p.19, 20 La photographie est devenue un art parce qu’elle exploite une « double poétique de l’image, en faisant de ces images, simultanément ou séparément, deux choses : les témoignages lisibles d’une histoire écrite sur les visages ou les objets et de purs blocs de visibilité, imperméables à toute narrativisation, à toute traversée du sens. »

p. 21 Dans le nouveau régime esthétique des arts, « l’image n’est plus l’expression codifiée d’une pensée ou d’un sentiment. » Elle est une parole muette : c’est à dire « l’éloquence de cela même qui est muet, la capacité d’exhiber les signes écrits sur un corps, les marques directement gravées par son histoire, plus véridiques que tout discours proféré par des bouches. »
Mais cette parole muette c’est aussi la présence nue, sans signification.

La fin des images est derrière nous p.26
p.26, 27 La fin des images : projet historique, vision du devenir moderne de l’art entre 1880 et 1920 (symbolisme et constructivisme) = on cherche alors des moyens pour délivrer l’art des images.
« Ce projet a pris deux grandes formes, plus d’une fois mêlées l’une à l’autre : l’art pur, conçu comme art dont les performances ne feraient plus image mais réaliseraient directement l’idée en forme sensible auto-suffisante ; ou bien l’art qui se réalise en se supprimant, qui supprime l’écart de l’image pour identifier ses procédures aux formes d’une vie tout entière en acte et ne séparant plus l’art du travail ou de la politique. »

Image nue, image ostensive, image métamorphique p.31
p.31 Trois types d’images exposées dans les musées et les galeries aujourd’hui : image nue, « l’image qui ne fait pas art » (exp : photographie historique des camps de concentration). Image ostensive, qui « affirme sa puissance sans signification » au « nom de l’art », « elle pose cette présence comme le propre de l’art ».
Image métamorphique, qui mettrait en avant l’idée « qu’il n’y a pas de nature propre des images de l’art qui les sépare d’une manière stable de la négociation des ressemblances et l’instabilité des dissemblances, d’opérer une redisposition locale, un réagencement singulier des images circulantes. » p.33
p.34  « trois formes d’imagéité, trois manières de lier ou de délier le pouvoir de montrer et celui de signifier, l’attestation de présence et le témoignage d’histoire. Trois manières aussi de sceller ou de récuser le rapport entre art et image. Or il est remarquable qu’aucune des trois formes ainsi définies ne puisse fonctionner dans la clôture de sa propre logique. Chacune d’elles rencontre dans son fonctionnement un point d’indécidabilité qui l’oblige à emprunter quelque chose aux autres. » 

II. La phrase, l’image, l’histoire p.41

Sans commune mesure ? p.44
p.44 Godard, Fritz Lang : double nature des images dans leurs films
« D’un côté donc l’image vaut comme puissance déliante, forme pure et pur pathos défaisant l’ordre classique des agencements d’actions fictionnels, des histoires. De l’autre, elle vaut comme élément de liaison qui compose la figure d’une histoire commune. D’un côté elle est une singularité incommensurable, de l’autre elle est une opération de mise en communauté. »
Autrement dit, l’image peut soit être perçue pour elle-même, comme forme autonome et esthétique, au prix de la logique du récit ; soit participer de ce récit par un système de signes, de renvois, de rapports entre les différents nivaux de récits ou les différents éléments du récit, et même entre le récit (l’espace diégétique) et l’au delà du récit (l’espace extra diégétique).

p.49 « Le montage de Godard présuppose un acquis de ce que certains appellent modernité », l’auteur préfèrera dire « régime esthétique de l’art ».
« Cet acquis présupposé c’est la distance prise à l’égard d’une certaine forme de commune mesure, celle qu’exprimait le concept d’histoire. »  cf Aristote, rationalité du poème, « enchaînement par la causalité ou la vraisemblance »
Selon cette logique : fonction dirigeante = fonction textuelle d’intelligibilité, et fonction imageante mise au service de la précédente.
« Imager, c’était porter à leur plus haute expression sensible les pensées et sentiments à travers lesquels se manifestait l’enchaînement causal. C’était aussi susciter des affects spécifiques renforçant l’effet de la perception de cet enchaînement. »
Avec les théorie modernistes du régime esthétique des arts : il y a séparation entre les différents arts (image, texte, musique). = « rupture avec le régime représentatif en termes d’autonomie de l’art et de séparation entre les arts. »

p.50 L’auteur indique « trois versions » traduisant ce « noyau commun » :
La version rationaliste optimiste : « Ce qui succède aux histoires et aux images qui leur étaient subordonnées, ce sont les formes. C’est la puissance de chaque matérialité spécifique – verbale, plastique, sonore ou autre – révélée par des procédures spécifiques. »
La version dramatique : « la modernité artistique y met en scène le conflit de deux séparations, ou, si l’on veut, de deux incommensurabilités. » Séparation du travail et de la jouissance induite par la raison.
p.51 « Elles permettent ainsi que la tension solitaire de ces formes autonomes manifeste la séparation première qui les fonde, fasse apparaître l’ « image » du refoulé et rappelle l’exigence d’une vie non séparée. »
La version pathétique, « dont témoignent les derniers livres de Lyotard. L’absence de commune mesure s’y appelle catastrophe. » Séparation de l’art = cassure originelle du Sublime
« Si l’art moderne doit préserver la pureté de ses séparations, c’est pour inscrire la marque de cette catastrophe sublime dont l’inscription fait aussi témoignage contre la catastrophe totalitaire – celle des génocides, mais aussi celle de la vie esthétisée, c’est-à-dire, en fait, anesthésiée. »

p.52 Le cinéma de Godard « apparaît comme une série d’appropriation des autres arts. »
« Et, dans cet enchevêtrement, la notion même d’image, en dépit des déclarations iconodules de Godard, apparaît comme celle d’une opérativité métamorphique, traversant les frontières des arts et déniant la spécificité des matériaux. » (iconodulie : courant de pensé en faveur des images religieuses, ou icônes, et de leur vénération, s’oppose à l’iconoclasme.)

La « perte de la commune mesure entre les moyens des arts ne veut pas dire que désormais chacun reste chez soi », mais « que toute commune mesure est désormais une production singulière et que cette production est possible seulement au prix d’affronter, dans sa radicalité, le sans-mesure du mélange. »
« Quand se trouve délié le fil de l’histoire, c’est-à-dire la mesure commune qui réglait la distance entre l’art des uns et celui des autres, ce ne sont plus simplement les formes qui s’analogisent, ce sont les matérialité qui se mélangent directement. Le mélange des matérialités est idéel avant d’être réel. »

p.53 En 1820 Hegel montre que « la séparation des sphères de rationalité entraînait non pas l’autonomie glorieuse de l’art et des arts mais la perte de leur puissance de pensée commune ».
Les artistes répondront à cette démonstration « en cherchant le principe de leur art non pas dans quelques mesures qui serait propre à chacun mais là où, au contraire, tout « propre » s’effondre, où toutes les mesures communes dont se nourrissent les opinions et les histoires sont abolies au profit d’une grande juxtaposition chaotique, d’un grand mélange indifférent des significations et des matérialités. »

La phrase image et la grande parataxe p.54

La gouvernante, l’enfant juif et le professeur p.61

Montage dialectique, montage symbolique p.66
p. 66 « La manière dialectique investit la puissance chaotique dans la création de petites machineries de l’hétérogène. En fragmentant des continus et en éloignant des termes qui s’appellent, ou, à l’inverse en rapprochant les hétérogènes et en associant des incompatibles, elle crée des chocs. »
« Cette petite machinerie, ce peut être la rencontre de la machine à coudre et du parapluie sur une table de dissection ».
p.67 « La manière symboliste aussi met en rapport des hétérogènes et construit des petites machines par montage d’éléments sans rapport les uns avec les autres. Mais elle les assemble selon une logique inverse. Entre les éléments étrangers, elle s’emploie en effet à établir une familiarité, une analogie occasionnelle, témoignant d’une relation plus fondamentale de co-appartenance, d’un monde commun où les hétérogènes sont pris dans un même tissu essentiel, toujours susceptibles donc de s’assembler selon la fraternité d’une métaphore nouvelle. »
« La manière symboliste assemble des éléments dans la forme du mystère. »
Le mystère = catégorie esthétique élaborée par Mallarmé et reprise par Godard
p.68 « La machine de mystère est une machine à faire du commun, non plus à opposer des mondes, mais à mettre en scène, par les voies les plus imprévues, une co-appartenance. Et c’est ce commun qui donne la mesure des incommensurables. »

p.74 « Entre vidéos, photos et installations vidéo on voit l’interrogation, toujours invoquée, des stéréotypes perceptifs glisser vers un intérêt tout autre pour les frontières indécises du familier et de l’étrange, du réel et du symbolique. »
p.75 à propos de l’installation projection vidéo de Bill Viola, Going forth by day
« Bill Viola ne cherche pas à cacher une certaine nostalgie pour la grande peinture et les cycles de fresques d’antan et il d’aclare avoir voulu créer ici un équivalent des fresques de Giotto à la chapelle de l’Arena de Padoue. Mais ce cycle fait bien plutôt penser à ces grandes fresques des âges et des saisons de la vie humaine que l’on affectionnait à l’âge symbolique et expressionniste, à l’époque de Puvis de Chavannes, de Klimt, d’Edvard Munch ou d’Erich Heckel. Sans doute dira-t-on que la tentation symbolique est inhérente à l’art vidéo. Et, de fait, l’immatérialité de l’image électronique a tout naturellement ranimé l’engouement de l’âge symboliste pour les états immatériels de la matière, engouement alors suscité par les progrès de l’électricité et le succès des théories sur la dissipation de la matière en énergie. »

III La peinture dans le texte p.79
p.81 à 84
L’auteur constate la critique récurrente faite à l’encontre du « trop de mot » qui entoure les œuvres, « trop de mots sur la peinture, trop de mots qui commentent et dévorent sa pratique ».
Mais = « il n’y a pas d’art sans regard qui le voit comme art. »
Il est impossible « d’exhiber un concept » de l’art qui serait « une propriété commune à un ensemble de pratique ».
« Il est le concept d’une disjonction – et d’une disjonction instable, historiquement déterminée –  parmi les arts, entendus au sens de pratiques, de manières de faire. L’art, tel que nous le nommons, n’existe guère que depuis deux siècles. »
p.85 Cet art est « né d’un long processus de rupture avec le système des beaux-arts, c’est-à-dire avec un autre régime de disjonction au sein des arts. Cet autre régime s’est résumé dans le concept de mimesis. »
« La mimesis n’est pas la ressemblance entendue comme rapport d’une copie à un modèle. Elle est une manière de faire fonctionner les ressemblances au sein d’un ensemble de rapports entre des manières de faire, des modes de la parole, des formes de visibilité et des protocoles d’intelligibilité. »

p. 87 « Si la perspective a été linéaire et théâtrale avant d’être aérienne et sculpturale, c’est que la peinture devait d’abord montrer sa capacité poétique – sa capacité à raconter des histoires, à mettre en scène des corps parlants et agissants. Le lien de la peinture à la troisième dimension est un lien de la peinture à la puissance poétique des mots et des fables. »

p. 87, 88
Destruction du régime représentatif = « régime esthétique des arts qui est une autre articulation entre des pratiques, des formes de visibilité et des modes d’intelligibilité. »

p. 90 « Le texte critique, à l’âge esthétique, ne dit plus ce que le tableau doit ou aurait dû être. Il dit ce qu’il est ou ce que le peintre a fait. » Il s’agit de mettre en lumière ce « par quoi l’art est visible, par quoi sa pratique est accordée à un regard et relève d’une pensée. »
p. 91 « Une peinture nouvelle, c’est une peinture qui s’offre à un regard formé à voir autrement, formé à voir le pictural apparaître sur la surface représentative, sous la représentation. »

IV La surface du design p.103
p. 105 Le design
« C’est la manière dont, en assemblant des mots ou des formes, on ne définit pas simplement des formes de l’art mais certaines configurations du visible et du pensable, certaines formes d’habitation du monde sensible. »
 = configurations qui traversent les frontières entre les arts, les genres et les époques.
= redéfinition de la place des activités de l’art

V S’il y a de l’irreprésentable p.123

Ce que représentation veut dire p.129
Contrainte représentative = 3 choses :
1 « C’est d’abord une dépendance du visible par rapport à la parole. La parole y a pour essence de faire voir, d’ordonner le visible en déployant un quasi-visible. »
2 p. 130 « rapport entre savoir et ne pas savoir, entre agir et pâtir »
« La représentation, c’est un déploiement ordonné des significations, un rapport réglé entre ce que l’on comprend ou anticipe et ce qui advient par surprise ».
3 Enfin, la contrainte représentative « définit un certain réglage de la réalité. » p.132
« D’un côté les êtres de la représentation son des êtres fictifs […] mais ces êtres fictifs n’en sont pas moins des êtres de ressemblance, des être dont les sentiments et les actions doivent être partagés et appréciés. »

Ce qu’anti-représentation veut dire p.134
p. 139 Lyotard parle d’une « défaillance du réglage stable entre le sensible et l’intelligible. »
« Cette défaillance signifie la sortie de l’univers de représentation, c’est-à-dire d’un univers définissant des critères d’irreprésentabilité. S’il y a défaillance du réglage représentatif, cela veut dire, à l’encontre de Lyotard, que monstration et signification peuvent s’accorder à l’infini, que leur point de concordance est partout et nulle part. Elle est partout où l’on peut faire coïncider une identité entre sens et non-sens avec une identité entre présence et absence. » 

La représentation de l’inhumain p.139
p. 146
« L’événement n’impose ni n’interdit par lui-même aucun moyen d’art. Et il n’impose à l’art aucun devoir de représenter ou de ne pas représenter de telle ou telle manière. »

L’hyperbole spéculative de l’irreprésentable p.146
p. 152, 153
« Il y a de l’irreprésentable en fonction des conditions auxquelles un sujet de représentation doit se soumettre pour entrer dans un régime déterminé de l’art, dans un régime spécifique de rapports entre monstration et signification. »
« L’art anti-représentatif est constitutivement un art sans irreprésentable. Il n’y a plus de limites intrinsèques à la représentation, plus de limites à ses possibilités. Cette illimitation veut dire aussi : il n’y a plus de langage ou de forme propre à un sujet, quel qu’il soit. »
« Pour alléguer un imprésentable de l’art qui soit à la mesure d’un impensable de l’événement, il faut avoir rendu cet impensable lui-même entièrement pensable, entièrement nécessaire selon la pensée. La logique de l’irreprésentable ne se soutien que d’une hyperbole qui finalement la détruit. »

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