Ut
Pictura Poesis
L’art Poétique ou Epître aux Pisons
Horace
Horace, poète romain, rédige son épître
probablement en 14 av J.-C. On ne sait pas exactement qui sont les Pisons, un
père et ses fils auxquels s’adresse l’auteur. Horace, dans cette épître, cherche
à poser les règles fondamentales de l’art poétique, mais tente également de lui
redonner une légitimité à une époque où des amateurs médiocres s’en emparent.
Pour lui, la poésie est un art extrêmement important, qui a des fonctions
morales, religieuses et sociales.
Sous forme de conversation, Horace
passe d’un sujet à l’autre sans réel plan, si ce n’est qu’il aborde
successivement la poésie en générale, l’art du poème, puis le statut et
l’attitude du poète.
Je me suis particulièrement penché sur
les extraits qui peuvent avoir un lien avec l’art pictural, mais aussi ceux qui
concernent l’organisation du récit.
Il faut noter, pour conclure,
l’importance de ce texte qui influença la pensée et l’art en Europe entre le 16ème
et 18ème siècle, cependant, les préceptes d’Horace ont depuis fait
l’objet de vives critiques, notamment en ce qui concerne la nature supposément
mimétique de la poésie et de la peinture.
Partie 1 : les principes généraux
de la poésie
Une
représentation sans vraisemblance, sans souci de réalité, « semblable à
des rêves de malades, est risible. Une
œuvre d’art doit être comme un être vivant, elle doit avoir une unité.
Horace
conseil d’écrire avec « simplicité
et unité », pour ne pas desservir la clarté du récit.
Ainsi,
il fait la critique des poètes qui cherchant la concision et l’élégance,
tombent dans « l’enflure » et perdent « la force du
souffle ».
« Vous qui écrivez, prenez une matière
proportionnée à vos forces ; soupesez longuement ce que vos épaules peuvent
ou ne peuvent pas porter. Si vous choisissez un sujet qui vous convienne, vous
ne manquerez ni d'abondance, ni de cette clarté qui vient de l'ordre. »
Horace
préconise l’attachement à une idée
pour ne pas se disperser, ainsi que l’instauration d’un ordre logique et cohérent dans l’articulation du récit.
Adaptation du langage au concept abordé ou à l’évolution de la langue
selon l’époque.
« Les
forêts changent de feuilles à mesure que l'année décline, et les premières
tombent : ainsi meurent les vieilles générations de mots, et les
nouvelles, comme des jeunes gens, s'épanouissent et prennent force. »
Respect
du ton particulier selon le genre
abordé :
« Un
sujet comique répugne à être traité en vers de tragédie »
Cependant,
le ton peut varier selon le sentiment
du personnage, le personnage comique peut ainsi élever la voix s’il est en
colère, et le personnage tragique peut parfois employer un langage familier. Le
but de ces variations étant de susciter l’empathie
du spectateur.
Il
faut savoir éveiller la sympathie du spectateur par un jeu approprié (texte et jeu doivent correspondre). Le
spectateur aura tendance à ressentir l’émotion si celle-ci est bien
jouée : « L'homme rit en voyant rire, pleure en voyant pleurer. Si tu
veux me tirer des larmes, tu dois d'abord en verser toi-même; alors seulement
je serai touché de tes misères. »
Le
style doit être adapté aux caractères et aux émotions des personnages.
« Il
y a une grande différence de langage entre un dieu et un héros; un vieillard
rassis et un jeune homme tout bouillant d'ardeur. »
Un
personnage connu et décrit par la tradition doit être présenté tel quel, alors
que le personnage créé par le poète doit conserver ses caractéristique du début
à la fin pour rester cohérent.
Enfin,
il faut introduire son récit sans trop d’emphase, au risque de faire paraître
la suite dérisoire. Il s’agit donc de veiller
au bon équilibre entre les différentes parties du récit.
Partie 2 : les règles de la poésie
dramatique
Horace
décrit les différents caractères entre les âges, l’enfance énergique,
l’adolescence rebelle ; l’âge d’homme moral et recherchant les honneurs,
et enfin la vieillesse, nostalgique, râleuse et avare. Il préconise donc de ne
pas mélanger les genres, par exemple en attribuant à un enfant le caractère
d’un vieillard.
Toutes les actions, et notamment celles
particulièrement immorales, ne doivent pas être représentées sur la scène, mais plutôt être racontées oralement
(Médée tuant ses enfants).
-
La pièce doit
avoir 5 actes
-
Pas
d’intervention divine, à moins que le dénouement ne l’exige
-
3 personnages au
plus sur la scène
-
Le chœur est un
personnage à part entière, il ne doit pas digresser du sujet, et doit célébrer
la justice, la loi et la paix.
Partie 3 : les règles personnelles
qu’un poète doit s’imposer
Le
poète doit être instruit et
connaître la philosophie: « La
raison, voilà le principe et la source de l'art d'écrire : tu trouveras
les idées dans la philosophie de Socrate. »
Mais
il doit également avoir une bonne expérience
de la vie et l’avoir observée avec attention pour espérer la retranscrire
avec justesse : « tu observeras la vie et les hommes comme en un
miroir, tu reproduiras ce que tu auras vu; ce sera le langage même de la
vie »
« La
poésie veut instruire ou plaire »
Pour
cela il faut être concis, et soucieux de se rapprocher de la vérité, tout en enveloppant le fond d’une belle forme.
Horace
estime que le poème est comparable à la
peinture, et il évoque quelques situations relatives au rapport entre l’œuvre et le spectateur, mais aussi
quelques modes de présentations de
l’œuvre.
« Un poème est comme un tableau :
tel plaira à être vu de près, tel autre à être regardé de loin; l'un demande le
demi-jour, l'autre la pleine lumière, sans avoir à redouter la pénétration du
critique; l'un plaît une fois, l'autre, cent fois exposé, plaira
toujours. »
-
Un poète ne peut
pas être médiocre, il doit être bon ou ne pas écrire.
-
Si notre œuvre
nous paraît incertaine, il faut la soumettre à quelques regards érudits, ou
attendre avant de la publier.
-
Il ne faut
toutefois pas rougir de son talent s’il est grand.
-
Cependant, le
talent n’est pas suffisant, il faut, pour devenir un grand artiste, un long apprentissage.
-
Il faut pouvoir
s’assurer de la sincérité de la critique.
Et le sage doit savoir critiquer sans insistance, car c’est finalement l’avis
du public qui se charge de juger en bien ou en mal les prouesses du poète.
Horace
termine en dressant un portrait satirique du poète qui cherche à déclamer ses
vers à tout le monde, aux savants comme aux ignorants, et qui ne parvient
finalement – aveuglé par son supposé talent – qu’à faire fuir le public et
s’attirer les moqueries.
***
Retrouvez le texte complet et traduit par François Richard ici (éditions Garnier, Paris, 1944).
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